À Saint-Florentin, la loi Elan a détruit des maisons médiévales

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1. Les deux maisons désormais à terre :
celle du coin appartenait à la mairie,
celle qui la jouxte appartenait à une personne privée
Photo : Didier Rykner
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Nous dénonçons sans relâche la loi Elan qui permet des démolitions même en secteur sauvegardé, même à proximité des monuments historiques, même avec un avis négatif de l’architecte des Bâtiments de France. Et nous avions parlé de Saint-Florentin dans l’Yonne (voir l’article), où une maison médiévale au chevet de l’église, propriété de la mairie, devait être démolie (ill. 1). Celle-ci bénéficiait pourtant d’une double protection : dans le périmètre d’un monument classé, elle était également interdite de destruction par le règlement du secteur patrimonial remarquable (une AVAP). Nous n’avions pas réussi pour notre premier article à savoir depuis combien de temps la mairie était propriétaire de cet immeuble (celle-ci n’avait d’ailleurs répondu à aucune de nos sollicitations). Il s’avère que la commune l’avait acheté en 2010. Il y a donc plus de onze ans. Onze ans qui auraient permis, en supposant que celle-ci ait été en mauvais état, de faire les travaux nécessaires.

Non seulement ces travaux n’ont pas été menés, mais l’édifice a été abandonné et ouvert aux quatre vents, comme nous avions pu le constater en nous rendant sur place le 1er mars dernier. Le maire veut en effet détruire un certain nombre de maisons anciennes pour des raisons variées, améliorer la circulation ou dégager la vue sur l’église. Et pour cela, la commune en achète certaines dont elle ne cache d’ailleurs pas qu’elle veut les démolir. Le seul moyen de parvenir à ses fins, puisqu’elles sont protégées par le règlement et parfois par la covisibilité avec l’église, c’est de les laisser se dégrader jusqu’à ce qu’un état de péril soit constaté.


2. La maison appartenant à la mairie en cours de destruction
Photo : La Tribune de l’Art
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3. La maison appartenant à la mairie finalement détruite, reste celle de droite qui va s’écrouler en partie
Photo : La Tribune de l’Art
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Dans bien des cas, comme par exemple à Foix (voir ces articles), les expertises sont sujettes à caution. Mais ici au fond peu importe : que la maison au chevet de l’église ait été ou non réellement en état de péril, la responsabilité de cet état en incombe à son propriétaire, qui ne l’a pas entretenue ni restaurée. Et quand ce propriétaire est aussi celui qui souhaite la démolir, cela pose problème.
La maison a donc été détruite (ill. 2 et 3), malgré le monument historique à proximité, malgré la protection de l’AVAP, et malgré, tout simplement, son importance patrimoniale. Et que s’est-il passé ensuite ? Celle qui se trouvait juste à côté, qui avait été évacuée de ses locataires mais où restaient les meubles appartenant à son propriétaire, a été déstabilisée par cette démolition puisque, dans un tel ensemble médiéval, toutes les constructions sont imbriquées. Cela se voit d’ailleurs parfaitement sur les photos prises après démolition de l’immeuble d’angle : la maison mitoyenne était laissée dans un état désastreux, d’autant que celle-ci subissait déjà depuis 2018 des infiltrations d’eau qui provenaient de sa voisine appartenant à la mairie et laissée à l’abandon, infiltrations qui n’ont cessé qu’après le bâchage de la maison fin 2020, comme le prouve un rapport des services techniques de Saint-Florentin signé par le maire…
Et cette deuxième maison, qui était destinée à être détruite également car frappée elle aussi d’un arrêté de péril, s’est en partie écroulée, dans la nuit du 27 au 28 décembre, comme nous l’apprend cet article de L’Yonne Républicaine.

Nous avons de nouveau contacté la mairie pour connaître sa position, et elle a cette fois-ci réagi puisque le maire lui-même, Yves Delot, nous a téléphoné. Il a d’abord dénoncé les « propriétaires indélicats » de sa ville qui n’entretiennent pas leurs maisons qu’on est finalement obligé de détruire pour péril. Une position délicate à tenir sachant que la première maison à avoir été détruite (« déconstruite » comme il dit) appartient à la mairie. Très vite, devant nos questions, celui-ci a élevé le ton, allant jusqu’à nous menacer de ses foudres : « faites attention à ce que vous écrivez ! » nous a-t-il dit à deux reprises. Il peut sur ce point se rassurer, nous faisons très attention à ce que nous écrivons. Nous lui avons demandé alors depuis combien de temps la mairie était propriétaire de cette maison, et il nous a confirmé la date de 2010. Lorsque nous lui avons fait remarquer qu’en onze ans il aurait pu y mener des travaux (ou plutôt lorsque nous avons essayé de lui poser cette question, car une conversation sereine avec lui est un peu difficile), celui-ci nous a répondu : « Vous les donneurs de leçons, vous avez de l’argent à me donner ? » La conversation a tourné court assez vite.

Si le maire de Saint-Florentin est bien sûr responsable de ce qu’il fait dans sa ville, le premier coupable ici de ces destructions qui n’auraient jamais dû avoir lieu, de celles qui ont été menées à Foix et dans bien d’autres endroits en France, de celles qui auront lieu bientôt, dont probablement d’autres maisons à Saint-Florentin, c’est Emmanuel Macron.
Car tout cela est rendu possible par la loi Elan, une loi décidée par le gouvernement d’Emmanuel Macron et votée par un Parlement entièrement dévoué à Emmanuel Macron (voir les articles). Emmanuel Macron qui provoque dans notre pays une vague de démolitions équivalente à celle des années 1960 et au début des années 1970, une des pires époques pour le patrimoine. Déjà, il s’agissait de détruire le tissu urbain en ne conservant au mieux que les grands monuments.

La loi Elan contient des dispositions iniques contre lesquelles le ministère de la Culture aurait dû se battre, et devrait se battre aujourd’hui. Ses dispositions, qui permettent de passer outre l’avis des Architectes des Bâtiments de France sous prétexte de péril, un péril souvent imaginaire ou provoqué par les élus eux-mêmes, doivent être abrogées dans les plus brefs délais. Faute de quoi, le patrimoine de notre pays continuera à subir les coups des maires démolisseurs.

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