Domaines nationaux : quand le ministère de la Culture détruit son propre patrimoine

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Comment le ministère de la Culture peut-il rester crédible lorsque c’est lui qui détruit son propre patrimoine ? C’est pourtant exactement ce qui est en train de se passer à Saint-Cloud, épilogue lamentable d’une affaire dont nous avions rendu compte ici.


Alexandre Laudin (1810-1885)
Pavillon de garde (1858-1863) du domaine national
de Saint-Cloud en cours de destruction
Photo : Hélène Seychal/Sites & Monuments
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Certains semblent s’interroger sur la valeur patrimoniale du pavillon en cours de destruction. C’est montrer encore une fois une totale ignorance de ce qu’est le patrimoine. Celui-ci n’est pas fait que de « grands monuments », à la valeur patrimoniale universellement reconnue. L’architecture plus ordinaire, d’accompagnement, celle qui forme l’essentiel de notre cadre de vie est également importante à sauvegarder. L’exemple de la chapelle de Lille est à cet égard emblématique (voir les articles) : si elle n’est évidemment pas le plus grand chef-d’œuvre du XIXe siècle, elle constitue un témoignage important de l’œuvre d’un architecte non négligeable et surtout elle s’inscrit dans un paysage urbain qui mérite d’être protégé. C’est ce que n’a pas compris le directeur général des Patrimoines qui s’est une nouvelle fois totalement discrédité.

Dans le cas qui nous occupe ici, il s’agit d’un domaine national, c’est-à-dire d’un lieu si important qu’il est l’objet d’une législation spécifique, qui va encore au-delà de la protection « ordinaire » par le classement. Ne pas comprendre que l’enceinte d’un domaine national (qui comprend donc les murs, les grilles et les pavillons qui la constituent) est un patrimoine à protéger absolument suffit à discréditer les personnes en charge de ce dossier au ministère de la Culture. Il ne sert en effet ici à rien d’incriminer d’autres acteurs que le ministère puisque c’est bien lui qui est à la manœuvre. Une fois de plus, le directeur général des Patrimoines Philippe Barbat n’est pas à la hauteur de sa fonction, pour ne rien dire du conseiller de la ministre, Jean-Baptiste de Froment, qui a «aimé [1]» sur Twitter un message s’interrogeant sur l’intérêt de ce bâtiment.



Cette affaire lamentable discrédite encore davantage un ministère qui n’en avait certainement pas besoin. Elle avait été initialisée avant l’arrivée de Roselyne Bachelot à la tête de ce ministère. Il reste que la destruction en cours a lieu alors qu’elle est ministre, et donc responsable. Si nous reconnaissons les actions positives qu’elle a menées depuis son arrivée, nous ne pouvons pas nous en contenter. Nous l’appelons donc solennellement, par cet article, à interrompre immédiatement les travaux de démolition en cours. Ce vandalisme officiel est intolérable.

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