Direction générale des Patrimoines : tout va très mal, ne changeons rien ! (ou presque)

Chapelle Saint-Joseph à Lille bientôt détruite
avec l’aval du ministère de la Culture
Photo : GFreihalter (CC BY-SA 3.0)
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Comme nous l’annonçons depuis déjà plusieurs semaines [1], Philippe Barbat, l’actuel directeur général des Patrimoines (et désormais aussi de l’Architecture) va faire ses valises. Si le départ de celui qui n’aura fait qu’accompagner la lente déliquescence de ce ministère pour tout ce qui touche aux monuments historiques et aux musées n’est donc pas une surprise, il y a fort à craindre de son remplacement. Nous écrivions le 16 décembre dernier que celui qui était envisagé pour le remplacer était « un haut fonctionnaire du ministère » . Mettons aujourd’hui un nom sur ce mystérieux fonctionnaire : il s’agit de Jean-Baptiste de Froment dont le nom circule encore davantage que lorsque nous avions publié cet article. Et cela pose un problème car la politique qu’il mènera menace de n’être guère différente de celle de Philippe Barbat.

L’actuel conseiller patrimoine de la ministre (nommé il y a un peu plus d’un an au cabinet de Franck Riester, son poste étant reconduit par Roselyne Bachelot) est comme le directeur sur le départ un homme sympathique et intelligent. Il semble nettement plus impliqué que Philippe Barbat dont l’inaction faisait jaser au ministère. Mais tout comme celui-ci, sa volonté de défendre le patrimoine nous semble bien hypothétique. Nous l’avons vu à l’œuvre pour Saint-Cloud, les étangs de Ville-d’Avray ou la chapelle Saint-Joseph de Lille... : toujours dans la ligne destructrice du ministère, abondant dans ce sens lors de notre interview de la ministre à laquelle il avait assisté.

Lors de sa nomination comme conseiller de Franck Riester, nous lui avions envoyé le mail suivant : « [Pour] un article sur votre nomination, je souhaiterais connaître vos compétences dans les domaines des musées et du patrimoine, ce qui n’apparaît pas clairement à la lecture de votre CV. Cela me semble pourtant nécessaire pour le poste de conseiller du ministre non ? » Fort intelligemment, il nous avait fait une réponse qui peut se résumer ainsi : quoique non spécialiste du patrimoine, il a une formation intellectuelle poussée (ce que nous ne contestons pas), connaît bien « le fonctionnement de l’appareil d’État au plus haut niveau, les rouages de la politique, et le droit administratif - particulièrement les droits de l’urbanisme et de l’environnement » puisqu’il a été plus de sept ans rapporteur à la 6ème chambre du Conseil d’État ; il rappelait enfin que « le conseiller du ministre n’a en tout état de cause pas à se substituer aux experts dont l’administration du MC est richement dotée et que son rôle se borne à faire des propositions politiques au ministre, en s’appuyant sur ces expertises ». Il se targuait par ailleurs, en tant qu’élu local parisien, « d’avoir obtenu la rallonge budgétaire consentie par la Ville de Paris il y a quelques mois » pour les édifices cultuels. Après avoir professé son intérêt personnel pour le patrimoine, il flattait La Tribune de l’Art, allant jusqu’à écrire : « je ne suis pas sûr que mon petit argumentaire vous convainque. Je m’attends même à un article plutôt sévère, pour ne pas dire davantage. Cela ne m’empêchera pas d’être très heureux de vous rencontrer par la suite, si vous l’acceptez. Car vous avez sans doute beaucoup à m’apprendre. »

Difficile après cela de critiquer quelqu’un sans l’avoir vu à l’œuvre. Nous l’avons donc rencontré, ce qui nous a confirmé qu’il était très aimable, et nous l’avons laissé travailler, pour juger sur pièces. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a, malgré ses dires, manifestement rien appris de La Tribune de l’Art, et qu’il a donc droit ici à « un article plutôt sévère, pour ne pas dire davantage ». À aucun moment nous n’avons vu de sa part une action positive en faveur du patrimoine et nous attendons encore de nombreuses réponses qu’il était censé nous apporter. Jean-Baptiste de Froment est incontestablement un haut fonctionnaire brillant, qui a tout pour réussir. Mais qui n’a absolument aucune compétence particulière pour le poste de directeur général des Patrimoines. Il faut pour cela quelqu’un qui connaisse le terrain : les quelques contacts que nous avons interrogés dans les régions n’en ont souvent jamais entendu parler, et l’ont encore moins rencontré ; quelqu’un qui connaisse intimement le patrimoine : lui-même avouait il y a à peine plus d’un an qu’il était un « généraliste » ; quelqu’un qui aime le patrimoine : sans doute l’aime-t-il un peu, mais manifestement pas suffisamment pour se battre pour lui et risquer de nuire à sa carrière…

Nous nous sommes aperçu, et nous ne sommes pas le seul à le penser (c’est une opinion assez répandue au ministère), que Roselyne Bachelot était pleine de bonne volonté et qu’elle avait un réel désir de bien faire, notamment pour le patrimoine et les musées. Contrairement à ses prédécesseurs par exemple, elle appelle régulièrement les DRAC pour faire le point avec eux. Mais elle nous a dit également faire confiance à ses équipes, et cette volonté de bien faire ne sert à rien si elle est mal entourée. Elle a aujourd’hui, à un peu plus d’un an de son départ possible (les élections approchent), une occasion en or de nommer un vrai directeur des patrimoines dont la longévité à ce poste sera probablement supérieur à la sienne. Elle pourrait par exemple le choisir dans une DRAC... Elle aussi nous a flatté lors de notre rencontre, disant tout le bien qu’elle pensait de notre travail. Qu’elle n’hésite donc pas à nous appeler : nous avons des noms à lui souffler !

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