Rouvrez les galeries d’art !

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Depuis 143 jours donc, les portes des musées sont closes. Comme nous l’avons déjà expliqué, la France va devenir le recordman du monde des musées fermés. Même les pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre, où les confinements ont été plus étendus, n’auront pas connu une telle situation, aussi longtemps. Belle exception culturelle française !

Certes, la culture n’est pas le seul domaine dans lequel le gouvernement d’Emmanuel Macron aura à peu près tout raté dans la gestion de la pandémie. Nous ne reviendrons pas - ce n’est pas notre sujet - sur la pénurie des lits de réanimation dont pas un seul n’a été ouvert depuis le printemps dernier. Nous ne parlerons pas, pour les mêmes raisons, de la politique vaccinale au ralenti. Mais l’obstination avec laquelle il poursuit ses erreurs, quoi qu’il en coûte, force le respect. Car si l’on peut comprendre, faute de mieux, la limitation des interactions entre les régions les plus touchées et celles qui le sont moins, si l’on peut admettre, tout en les déplorant et en s’inquiétant pour eux, les fermetures des restaurants, lieux de contamination avérés, comment interpréter la fermeture des galeries d’art ?

À l’exception des églises, elles étaient le seul endroit où l’on pouvait voir des œuvres depuis la fin du deuxième confinement le 15 décembre. De nombreux reportages ont montré le succès de ces magasins d’art, qui respectaient d’ailleurs strictement les gestes barrière. Si la foule était dense - mais régulée - dans les galeries d’art contemporain, elle était plus discrète mais non moins présente dans celles d’art ancien, particulièrement nombreuses à Paris.

Nous refusons d’opposer les librairies, longtemps pénalisées, aux galeries d’art. Mais en quoi les unes seraient-elles moins nécessaires que les autres ? Toutes font partie d’un écosystème qui fait de Paris une capitale culturelle unique, qui n’existe peut-être qu’à Londres et à New York, et encore ! Un ami conservateur d’un musée américain nous l’avait dit il y a quelques années : Paris est la ville où l’on peut acheter le mieux dans le domaine de l’art ancien. Et ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter peuvent aller voir, car ces galeries sont ouvertes à tous comme on a pu le voir ces derniers mois.

Donc, les librairies peuvent ouvrir, les fleuristes peuvent ouvrir, les chocolatiers peuvent ouvrir, et c’est d’ailleurs très bien. Et désormais même les salles de vente peuvent ouvrir. Mais pas les galeries.

Ne nous méprenons pas : nous nous réjouissons de l’ouverture de l’Hôtel Drouot, ou d’ailleurs les règles de distanciation sont bien suivies (file d’attente à l’entrée, fil d’attente devant certaines salles lorsque celle-ci sont trop pleines…). Mais les ventes aux enchères ont heureusement très bien fonctionné depuis un an, parvenant à trouver un modèle - exposition et ventes en ligne - qui leur permet régulièrement de battre des records, comme avec ce dessin du Bernin vendu 1,9 millions d’euros chez Actéon à Compiègne.

Il est très bien que les ventes aux enchères ouvrent, mais il est parfaitement scandaleux de fermer dans le même temps les galeries, ce qui constitue d’ailleurs une véritable distorsion de concurrence, sans aucune justification sanitaire : « depuis plusieurs mois nous recevons uniquement sur rendez-vous, avec une jauge limitée et en respectant les règles sanitaires » nous a confié Damien Dumarquez, de la galerie La Nouvelle Athènes, qui devait ouvrir prochainement une nouvelle exposition avec catalogue, et qui ne décolère pas. La profession semble d’ailleurs à peu près unanime comme nous l’a confirmé Louis de Bayser le président du Salon du Dessin et de Fine Arts Paris, au nom des galeries qui participent à ces deux rendez-vous essentiels pour le marché de l’art français. Les antiquaires du quartier Drouot (Quartier Art Drouot) ne disent pas autre chose dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre et à la ministre de la Culture demandant que les galeries d’art soient autorisées à rouvrir.

Nous n’accablerons pas ici une nouvelle fois la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, dont on sait depuis hier soir qu’elle est positive au Covid - et à qui nous souhaitons un prompt rétablissement -, mais tout de même ! Comme le résume un marchand cité par notre confrère The Art Newspaper Daily dans sa dernière édition : « le ministère de la Justice [dont dépendent les ventes aux enchères] est en mesure d’imposer ce que celui de la Culture est incapable de faire de son côté, d’où cette aberration ».
Dans ce confinement nouvelle manière, où l’on est encouragé à sortir, on doit donc s’arrêter devant la porte de lieux de culture où l’on ne se contaminera pas, et certainement pas davantage que dans d’autres commerces « essentiels ».

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