Klimt : Roselyne Bachelot ou la politique du renoncement

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Gustav Klimt (1862-1918)
Rosiers sous les arbres
Huile sur toile - 110,2 x 110,2 cm
Prochainement restitué par le Musée d’Orsay
Photo : Musée d’Orsay
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S’il fallait trouver un exemple de ce que pourrait faire la ministre de la Culture pour remonter un peu sa cote, qui s’est effondrée très rapidement chez les amoureux des musées et du patrimoine (voir l’article), nous lui suggérons une idée.

Celle-ci, en effet, au micro d’Alba Ventura sur RTL le 16 mars (à 10’), a expliqué sans beaucoup de conviction que si les propriétaires du tableau restitué de Gustav Klimt (voir la brève du 15/3/21) devaient le mettre en vente, elle s’interrogerait sur un possible rachat. Rajoutant par ailleurs que celui-ci vaudrait plusieurs centaines de millions d’euros, sous-entendant que de toute façon ce ne serait pas possible. David Zivie, ancien conseiller patrimoine de Fleur Pellerin et d’Audrey Azolulay et aujourd’hui chef de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés, ne le cache d’ailleurs pas dans une interview donnée au Point : : « aucun rachat n’a donc été envisagé » [en raison du prix].

C’est ainsi désormais : au ministère de la Culture, tout est trop difficile, on n’essaye même plus, on se bat encore moins. Dans cette affaire, une fois prise la décision (tout à fait légitime) de rendre l’œuvre, tout est mal parti.

La question de la vente ne se pose pas vraiment, contrairement à ce que semble croire la ministre : il y a dix héritiers, ce qui signifie qu’il est évidemment impossible pour eux de conserver cette peinture, compte-tenu de sa valeur. Il ne fait aucun doute qu’elle sera vendue [1]. Ce que la ministre devrait aussi savoir, c’est que si l’on se base sur les prix obtenus par des œuvres de Klimt ces dernières années, on ne parle pas en centaines de millions d’euros comme elle l’affirme, mais en dizaines. Si le Portrait d’Adèle Bloch-Bauer a été vendu par Oprah Winfrey pour 142 millions d’euros très récemment (voir par exemple cet article), il s’agit à la fois d’une vente exceptionnelle, et surtout d’un tableau exceptionnel, difficilement comparable à celui-ci, qui peut être estimé autour de 50 millions d’euros (un tableau équivalent s’est vendu chez Sotheby’s en 2017 pour 48 millions de livres). Ajoutons qu’il est possible que compte tenu des circonstances exceptionnelles, des liens que sa propriétaire, Nora Stiasny, avait avec la France, de l’absence de faute commise par le Musée d’Orsay et de la bonne volonté évidente de notre pays, les héritiers puissent accepter une offre à un prix raisonnable. Mais tout cela, si on ne prend pas les devants, si on ne le propose pas - et clairement, le ministère ne l’a pas proposé ni même envisagé - ne risque pas d’arriver, d’autant que les maisons de vente vont certainement - et c’est normal - faire leur métier et le siège de la famille pour obtenir la mise en vente de la toile.

Quelques dizaines de millions d’euros, c’est évidemment beaucoup d’argent. Mais cela ne représente même pas la diminution du budget d’acquisition du ministère depuis dix ans (amputé rappelons-le d’au moins 10 millions par an, soit 100 millions). S’il y a bien sûr beaucoup de trésors nationaux à acquérir, notamment le Rembrandt, le Cimabue, les Bellini, et beaucoup d’autres, Klimt a un avantage qui peut être utilisé pour trouver l’argent : sa popularité. Pourquoi le ministère ne lancerait-il pas une grande souscription nationale pour acheter l’œuvre, qui pourrait être abondée par de grandes entreprises bien sûr, mais aussi par les simples particuliers qui auraient à cœur de conserver en France le seul Klimt des collections nationales.

Non seulement le Musée d’Orsay pourrait conserver ce chef-d’œuvre, mais ce serait un bel hommage rendu à Nora Stiasny, et à travers elle à tous les juifs assassinés par la barbarie nazie. Peut-être n’y arriverait-on pas. Mais comment le savoir sans même essayer ?

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