Les dossiers patrimoniaux parisiens brûlants de Rachida Dati

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La nouvelle ministre de la Culture, en entérinant le « déplacement-reconstruction » du pavillon des Sources de l’Institut Curie (voir l’article) n’a pas vraiment bien commencé sa mission… Mais si le devenir de ce lieu parisien est désormais fort compromis, le nombre de dossiers sur lesquels elle aura la possibilité de se racheter est considérable. Et les amoureux de Paris seront particulièrement attentifs à son action. Inutile de dire que si elle venait à décevoir, elle compromettrait fortement l’espoir d’une alternance de l’exécutif de la capitale, ce qui serait une nouvelle désastreuse.

Commençons par un chantier qui nous semble désormais indispensable, et que l’association Sites & Monuments a bien résumé dans un courrier qu’il a envoyé à la ministre et mis en ligne sur son site. On ne peut plus se contenter de réagir a posteriori aux attaques innombrables sur le patrimoine parisien. Il faut se donner les moyens de protéger la ville comme un ensemble, comme c’est d’ailleurs le cas dans beaucoup de communes en France, grâce à l’instauration de sites patrimoniaux remarquables qui ont l’avantage de poser des protections très larges, avant même que le tissu urbain ne soit attaqué, et de protéger les intérieurs des bâtiments. Cela n’évite évidemment pas tous les vandalismes comme on le voit presque tous les jours, mais cela permet néanmoins d’en réduire le nombre.

Paris ne possède que deux secteurs sauvegardés depuis que la loi initiée par André Malraux a été créée dans les années 1960, ce qui est évidemment insuffisant. Nous demandons donc à la ministre, aux côtés de Sites & Monuments et des autres associations qui vont se joindre à elle, de créer plusieurs secteurs sauvegardés pour que l’ensemble du Paris Historique bénéficie de la protection qu’il mérite. Des propositions seront bientôt faites, auxquelles nous nous associerons.

Car plusieurs des atteintes patrimoniales graves qui ont menacé la capitale ou la menacent dans les prochains mois et les prochaines années auraient pu être réduites si de tels secteurs étaient enfin créés :

1. Jacques-Denis Antoine (1733-1801)
Ancien hôpital de La Rochefoucauld, 1780
Photo : Didier Rykner
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- la cour du Bel-Air dont nous avons parlé ici (voir l’article) doit être protégé par un site patrimonial remarquable du Faubourg Saint-Antoine,
 le bâtiment Art déco de la rue Gay-Lussac, aujourd’hui détruit (voir l’article), aurait bien entendu été inclus dans un secteur sauvegardé de la montagne Sainte-Geneviève [1], comme devraient l’être les nombreuses autres constructions des années 30 qui se trouvent encore dans ce secteur,
 l’ancien hôpital La Rochefoucauld (ill. 2), dont nous avons déjà parlé ici (voir l’article), et dont le jardin est toujours menacé d’un lotissement partiel devrait être inclus dans un secteur sauvegardé qui prendrait en compte les quartiers de l’Observatoire et Denfert-Rochereau.

1. La vacherie du couvent de la Visitation à Paris, menacée de destruction
Photo : Sites & Monuments
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Nous attendons désormais de la ministre qu’elle protège le monastère de la Visitation, menacé d’une opération de densification qui aboutira notamment à la démolition de sa chapelle et de sa vacherie décrite par Émile Zola (ill. 2). Nous n’avons pas parlé de ce scandale patrimonial - il y en a tellement, nous n’arrivons malheureusement pas à tout traiter - mais nous renvoyons au site de Sites & Monuments qui a beaucoup travaillé sur ce sujet ; et soyons sérieux une minute : il n’est pas question ici de déplacer ces bâtiments, mais bien de les sauver avec le jardin, qui sera lui aussi menacé.

Nous attendons désormais de la ministre qu’elle empêche la dénaturation des squares de l’Archevêché et du Mémorial de la Déportation (voir nos articles). Car malgré l’opposition unanime à ces projets, la Ville de Paris n’y a toujours pas renoncé.

Nous attendons désormais de la ministre qu’elle empêche la mairie de dénaturer la place de la Concorde comme elle le fait depuis de longues années (voir nos articles) ; plus largement, il faut que le ministère de la Culture s’entende avec le ministère de l’Écologie pour limiter fortement les occupations incessantes des sites monuments historiques et des sites classés par des événements qui les détruisent. Il est impossible de continuer à livrer la place de la Concorde à des manifestations telles que des défilés de mode, des salons de l’emploi ou des compétitions sportives.

3. Une « pelouse » du Champ-de-Mars
(état le 29 août 2023)
Photo : Didier Rykner
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Nous attendons désormais de la ministre - également maire du VIIe arrondissement - qu’elle mette un terme à la destruction du Champ-de-Mars (voir nos articles) ; non seulement celui-ci est occupé depuis des années par le Grand Palais éphémère (il faut qu’il parte à la date prévue !), mais il est livré d’une manière outrancière à de multiples événements (concerts, concours hippiques, fan-zones, etc.) qui fragilisent ses arbres, font disparaître ses pelouses, et rendent les lieux infréquentables (ill. 3). Signalons par ailleurs que le projet d’un site patrimonial remarquable du Champ-de-Mars, qui se trouve au cœur d’un quartier d’un intérêt majeur et d’une grande homogénéité, est également nécessaire, et que selon nos informations la maire de l’arrondissement y est favorable…

Nous attendons désormais de la ministre qu’elle se penche sur l’avenir de l’hôtel Mezzara (voir nos articles), dont le second appel à projet a été heureusement infructueux, et qu’elle impose désormais la seule solution qui vaille, c’est-à-dire la création d’un musée Guimard qui bénéficie d’un mécénat qui permettrait de restaurer ce monument et d’y créer le musée sans que l’État soit mis à contribution. Que cette solution n’ait pas encore été choisie est un mystère inexplicable.

Nous savons que la ministre n’est pas maître du jeu pour le chantier de Notre-Dame, mais nous attendons néanmoins qu’elle surveille les fouilles archéologiques menées dans Notre-Dame et autour de la cathédrale afin que les destructions récentes qui y ont eu lieu ne puissent pas se renouveler (voir notre article). Et nous attendons, même si cela se joue au niveau du président de la République, qu’elle essaye de persuader celui-ci de renoncer à son projet désastreux de remplacement des vitraux de Viollet-le-Duc (nous incitons ceux qui ne l’ont pas fait à signer notre pétition), et de poursuivre au-delà de la réouverture de la cathédrale les fouilles du transept qui permettraient de découvrir les sculptures du jubé qui y restent encore enfouies (voir l’article).

Nous attendons désormais que la ministre de la Culture fasse ce que n’ont pas beaucoup fait ses prédécesseurs : protéger le patrimoine parisien.

Il y a d’autres chantiers sur lesquels nous attendons que la ministre agisse, nationaux ou régionaux, et nous en parlerons dans un prochain article.

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