Nouveau scandale autour d’un trésor national

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8/12/19 - Trésor national - Paris, hôtel de la Marine - Mercredi prochain, Sotheby’s met en vente une partie de la collection du comte et de la comtesse de Ribes provenant de leur hôtel particulier parisien. Nous reviendrons sur cette vente qui présente un nombre d’œuvres majeures considérables, et qui met une nouvelle fois le Louvre et le ministère de la Culture sur la sellette.


Paris, vers 1784
Pendule musicale et automate
Horlogerie par Jean-Baptiste-André Furet et François-Louis Godon
Bronzes de la base attribués à Étienne Martincourt
Bronze patiné, bronze doré, marbres blanc et noir - 72 x 41 x 23 cm
Vente Sotheby’s Paris, 11/12/19
Photo : Sotheby’s
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Parmi les objets mis en vente figure une pendule musicale faite à Paris vers 1784, avec des bronzes attribués à Étienne Martincourt et un mécanisme d’horlogerie par Jean-Baptiste-André Furet et François-Louis Godon. Il s’agit d’un chef-d’œuvre, dont la valeur est accrue par sa provenance, puisqu’elle fut livrée pour l’appartement de fonction de Thierry de Ville-d’Avray au Garde-Meuble de la Couronne, place Louis XV à Paris, soit l’actuel hôtel de la Marine.
On sait que le Centre des Monuments Nationaux, qui a repris ce monument et y mène actuellement des travaux très importants, tente à l’instar de Versailles de le remeubler avec le mobilier d’origine. Récemment encore, il a réussi à acquérir une commode et un secrétaire de Jean-Henri Riesener qui pourront ainsi y retourner (voir la brève du 7/5/19).

Il est évident que tout meuble important provenant de l’ancien Garde-Meuble de la Couronne devrait être, par nature, classé trésor national et se voir refuser son autorisation de sortie. D’après nos informations, le certificat a été demandé en 2014. Que croyez-vous que fit le « grand département » des Objets d’art pour cette horloge ? Il lui a octroyé son certificat d’exportation. Lorsque nous mettons en cause le « grand département », c’est-à-dire le directeur du département des Objets d’art du Louvre, il est probable en réalité qu’il s’agisse plutôt du président de ce musée qui se croit autorisé à intervenir systématiquement dans des décisions qui ne sont pourtant, d’après le code du patrimoine, pas de son ressort. Si ça n’intéresse pas le Louvre, ça n’intéresse personne ! Et on ajoutera, parmi les responsables, le ministère de la Culture et la direction des Patrimoines qui, comme presque toujours, sont restés totalement inertes face à l’hémorragie de chefs-d’œuvre qui quittent la France et qui, aujourd’hui, ne songent pas une seconde à améliorer ce système qui ne fonctionne pas. Notons qu’en 2014 - presque au même moment que le début de l’affaire des Rembrandt Rothschild - le CMN était déjà maître des lieux. Non seulement l’exportation a été autorisée, mais la volonté du ministère de cacher les certificats accordés ne permettait pas de réagir.

Face à une estimation très élevée, mais en aucun cas absurde de 1 à 2 millions d’euros, que pourra faire le CMN, mis le couteau sous la gorge ? Les mécènes potentiels ne pourront déduire que 60 % du montant (puisqu’il ne s’agit pas d’un trésor national !) et le gouvernement va rogner sévèrement les avantages du mécénat pour les gros donateurs, qui sont justement ceux qui pourraient acquérir cet objet pour le lui offrir. Tout est fait, en réalité, pour qu’il ne puisse jamais retourner à l’hôtel de la Marine.
Un chiffre mérite d’être donné : entre 2013 et 2019, si l’on se réfère aux baisses de budget du ministère de la Culture consacré aux acquisitions par rapport au chiffre des années précédentes, c’est environ 50 millions d’euros qui ont été perdus par les musées. Soit plus de 25 fois cette pendule.

La dernière chance semble une fois encore résider en la fondation Al Thani, très proche de l’hôtel de la Marine comme on le sait (voir la brève du 26/10/18). Souhaitons qu’elle puisse renouveler le geste qu’elle avait fait pour le secrétaire de Riesener dont nous parlions plus haut : c’est grâce à elle que le CMN a pu l’acquérir. Nous pouvons lui suggérer aussi une autre idée, celle du portage : elle l’achèterait, le temps de permettre au CMN de réunir les fonds afin qu’il puisse à son tour le lui racheter.

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