Mobilier urbain : les mensonges de la Mairie de Paris

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Mardi prochain, les acheteurs du banc Davioud à la vente Lucien (voir la brève du 18/5/21), réunis sous le mot-dièse #saccageparis, viendront le porter à 18 h à l’Hôtel de Ville pour en faire officiellement don à la Ville. Le piège était redoutable, mais il faut reconnaître au moins que la municipalité fait preuve de pragmatisme. Elle a en effet décidé d’accepter ce présent, comme l’a révélé un communiqué du collectif [1], et s’est engagé à le réinstaller dans l’espace public « où il retrouvera sa fonction initiale de banc public parisien ». Mieux : elle le restaurera et l’exposera au Pavillon de l’Arsenal le temps de trouver un emplacement idoine.


1. 67 avenue du Général Leclerc 75014 Paris
Juillet 2018
Photo : Google Maps
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2. 67 avenue du Général Leclerc 75014 Paris
Juillet 2020
Le banc a disparu entre juillet 2018 et juillet 2019
Photo : Google Maps
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La Mairie de Paris s’épargne ainsi le ridicule de refuser ce don et de faire encore davantage parler de cette affaire. Mais comme elle reste néanmoins la Mairie de Paris, soit une municipalité adepte enthousiaste de la propagande et de la désinformation, elle a, par la voix d’Emmanuel Grégoire, son premier adjoint, fait néanmoins dans Le Journal du Dimanche d’aujourd’hui une déclaration qui n’est rien d’autre qu’un gros mensonge. Soit l’élu croit vraiment ce qu’il raconte, et c’est assez grave, soit il sait que c’est faux, et ça l’est encore davantage.


3. 70 avenue du Général Leclerc 75014 Paris
Mai 2015
Photo : Google Maps
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4. 70 avenue du Général Leclerc 75014 Paris
Juillet 2019
Le banc a disparu en 2018
Photo : Google Maps
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Voici sa déclaration : « Nous conservons tous les bancs Davioud, ainsi que les colonnes Morris, les fontaines Wallace ou les bouches de métro Guimard, et n’installons des nouveaux mobiliers que là où il n’y en avait pas, comme sur la place du Panthéon… qui était un parking ». Or, bien entendu, tout cela est faux. Évacuons d’abord les bouches de métro Guimard dont personne n’a récemment déploré l’enlèvement. Ces entrées de métro sont en effet toutes inscrites monument historique depuis 1978 ! Beaucoup avaient été détruites dans les années 60 et au début des années 70, quand le vandalisme régnait en masse dans toute la France, et notamment contre l’Art nouveau, massacré durant les Trente Glorieuses. De la même manière, nous n’avons jamais dénoncé la disparition récente de fontaines Wallace, mais bien la peinture de certaines en rose, bleu, rouge, etc. qui les défigure totalement. Personne n’a donc jamais accusé la mairie actuelle d’enlever les entrées de métro Art nouveau ou les fontaines Wallace : utiliser cette méthode de tout mélanger pour démentir des critiques est typique de ce genre de propagande.


5. 32 avenue René Coty 75014 Paris
Juin 2015
Photo : Google Maps
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6. 32 avenue René Coty 75014 Paris
Juillet 2020
Les deux bancs ont disparu entre 2019 et juillet 2020
Photo : Google Maps
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En revanche, il est indiscutable que les colonnes Morris (qui ne sont plus d’ailleurs que l’ombre des colonnes d’origine, ayant toutes été remplacées par un modèle lumineux et tournant, qui n’a pour seul mérite que de reprendre tant bien que mal la forme et la couleur d’origine) ont largement disparu du paysage depuis la décision prise par Bertrand Delanoë en 2006 (Anne Hidalgo était première adjointe…) de supprimer une grande partie de ce mobilier (voir cet article du Monde).

Et, surtout, pour terminer la liste donnée par Emmanuel Grégoire, les bancs de modèle Davioud ont disparu à une allure rapide ces dernières années. Pour le prouver, nous avons regardé au hasard sur Google Maps (un outil très utile pour montrer le saccage de Paris en cours) et en très peu de temps nous en avons trouvé plusieurs que nous reproduisons dans cet article. Ce ne sont que quelques exemples : des centaines de banc Davioud ont disparu depuis le début de la mandature d’Anne Hidalgo, une tendance déjà entamée lorsque Delanoë était maire, et Hidalgo première adjointe. Pour en voir davantage, nous avons créé un mot dièse : #mobilierdisparu avec lequel on peut continuer cet exercice sur Twitter [2]. C’est accablant.


9. Place de l’École Militaire 75007 Paris
Avril 2008
Photo : Google Maps
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10. Place de l’École Militaire 75007 Paris
Août 2020
Le banc a disparu entre juillet 2015 et mai 2016, remplacé par trois tabourets en plastique (et dans cet état en 2020 !)
Photo : Google Maps
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Bien entendu, Emmanuel Grégoire a oublié de parler des lampadaires et des feux de signalisation en fonte, des grilles d’arbres, qui disparaissent encore plus rapidement que les bancs Davioud, ou les kiosques à journaux qui, comme les colonnes Morris, avaient été remplacés par des modèles plus modernes mais reprenant la forme et la couleur de ceux d’origine, et qui ont désormais entièrement disparu au profit d’un design dont la médiocrité n’a plus rien à voir avec la beauté des formes de Davioud et Alphand. La disparition du mobilier urbain historique est une réalité, que les mensonges de la Mairie ne peuvent plus dissimuler…


11. 2 avenue de Taillebourg 75011 Paris
Mai 2008
Photo : Google Maps
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12. 2 avenue de Taillebourg 75011 Paris
Mars 2020
Le banc, et tous les autres bancs de l’avenue ont disparu depuis mai 2019
Photo : Google Maps
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13. Place Bernard Lazare 75003 Paris
Mai 2008
Photo : Google Maps
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14. Place Bernard Lazare 75003 Paris
Août 2020
Trois bancs ont disparu entre 2008 et 2012 (Hidalgo première adjointe)
Jamais remplacés
Photo : Google Maps
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15. 60 avenue de Flandres 75019 Paris
Avril 2008
Photo : Google Maps
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16. 60 avenue de Flandres 75019 Paris
Disparition des deux bancs avant 2014 (Hidalgo première adjointe)
Photo : Google Maps
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17. Croisement rue Jacques Kable et rue Pujol 75018 Paris
Mai 2008
Photo : Google Maps
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18. Croisement rue Jacques Kable et rue Pujol 75018 Paris
Mars 2020
Banc disparu entre 2014 et 2017, remplacé depuis par de très jolis pots en PVC de toutes les couleurs
Photo : Google Maps
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19. Square Anselin 75016 Paris
Mars 2017
Photo : Guilhem Vellut (CC BY-SA 2.0)
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20. 19. Square Anselin 75016 Paris
2021
Tous les bancs ont disparu remplacés par des blocs
Photo : @16eEcologie
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Didier Rykner

Notes

[1En voici le texte : « Suite à l’achat du banc Davioud (daté de 1876), nous avons pris contact avec la mairie de Paris pour organiser la transmission de ce banc.

La mairie de Paris accepte notre don et s’engage à le réinstaller dans l’espace public où il retrouvera sa fonction initiale de banc public parisien.

Durant le laps de temps qui permettra de restaurer le banc et valider son lieu d’installation, la mairie l’exposera au pavillon de l’Arsenal.

Nous avons fermement rappelé à la mairie que ce banc intemporel symbolise l’esthétique de notre ville. Il est à la fois notre passé, notre présent et sera notre futur.

Le nouveau mobilier urbain disparate, inesthétique et non durable de par ses matériaux inadaptés efface une partie de l’âme de Paris et va à l’encontre des objectifs du PLU bioclimatique.

Gabriel Davioud a pensé Paris dans son intégralité et défini une harmonie globale dans la ville qui crée cette atmosphère si singulière. Aujourd’hui les micro-projets coûteux de la mairie menacent cette harmonie.

Si la ville doit bien entendu savoir évoluer et innover, elle doit le faire dans le respect de son patrimoine, de son harmonie et de ses habitants.

Paris fut belle, elle l’est moins aujourd’hui. C’est l’un des messages forts des Parisiennes et des Parisiens qui participent au mouvement #saccageparis.
Il est grand temps de réparer Paris.
 »

[2Nous avons ci-dessous enrichi notre propre expérience avec des lieux trouvés par @QsB75.

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