Abords de Notre-Dame. Les infox de la mairie de Paris (2) : l’arbre remarquable coupé

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Pensez à signer la pétition, si vous ne l’avez pas déjà fait.

Nous avons quelque peu modifié le titre de notre deuxième article consacré aux infox de la mairie de Paris, car nous n’avons pas trouvé de citation d’Emmanuel Grégoire affirmant qu’aucun arbre ne serait coupé pour le projet des abords de Notre-Dame. Nul doute qu’il l’aurait dit si le journaliste du Journal du Dimanche (voir l’article) avait posé la question. Il s’agit néanmoins du discours de la mairie de Paris, et Ariel Weil, le maire de Paris Centre, d’habitude plus prudent, l’a confirmé dans un tweet du 13 septembre 2022 : aucun arbre ne sera abattu !
C’est faux. Il est bien prévu d’abattre un arbre remarquable, ce qui n’est pas vraiment en phase avec le « renforcement de la végétalisation » annoncé par Emmanuel Grégoire. Car c’est bien ce que l’on constate dans le dossier qui sera présenté pour validation à la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture.


1. Le tamaris dans le square Jean XXIII (mai 2023)
Photo : Didier Rykner
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Certes, ce n’est jamais écrit noir sur blanc. La mairie préfère passer sous silence la présence sur le site de trois des « arbres remarquables » parmi les 191 qui bénéficient de cette appellation à Paris. Jamais ils ne sont évoqués dans le dossier présenté à la CNPA. Deux d’entre eux ne sont sans doute pas menacés : il s’agit d’un noisetier de Byzance, au nord du jardin près de la rue du Cloître-Notre-Dame, et d’un orme, au sud, le long du quai. Le troisième en revanche, un tamaris (ou tamarix), que l’on peut aujourd’hui facilement admirer dans l’axe de la cathédrale (ill. 1), à côté d’un grand charme, lorsque l’on passe par le quai de l’Archevêché (la rue entre les deux jardins), n’apparaît curieusement plus sur aucun des documents, plans ou vues aériennes [1]. Il suffit de comparer l’existant (ill. 2) à ce qui est présenté (ill. 3 et 4) . Le charme est toujours là, d’ailleurs qualifié dans le document de « charme remarquable multi-tronc », mais le tamaris n’y est plus.


2. Vue aérienne du square Jean XXIII en 2014.
En blanc, le charme, en bleu, le tamaris, en rouge, l’arbre récemment coupé
Photo : Google Earth
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3. Vue aérienne du projet tel que publié dans le dossier pour la CNPA
En blanc, le charme, en bleu, l’emplacement du tamaris disparu, en rouge l’arbre coupé qui a réapparu
(peut-être un nouveau sujet)
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4. Plan du projet tel que publié dans le dossier pour la CNPA
En blanc, le charme, en bleu, l’emplacement du tamaris disparu, en rouge l’arbre coupé qui a réapparu
(peut-être un nouveau sujet)
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Rien de plus facile que de faire disparaître un arbre. Un jour il est là, le lendemain il ne l’est plus. On peut toujours ensuite prétexter qu’il était malade, plus personne ne peut vérifier. La mairie de Paris est la championne dans ce domaine, rappelons-nous de la glycine de Montmartre. 
D’ailleurs, si sur ces plans et cartes on voit toujours un arbre qui se trouvait encore là il y a un an, on peut constater que celui-ci a pourtant été déjà coupé (ill. 5 et 6). Pourquoi ? On n’en saura rien, et quelle que soit l’explication que l’on nous donnera, elle sera sujet à caution.


5. Souche d’un arbre récemment coupé
Photo : Didier Rykner
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6. Arbre récemment coupé tel
qu’on le voyait en 2009
Photo : Google Streets
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On peut s’interroger sur les raisons de cette élimination discrète d’un arbre remarquable. Sachant que l’axe de la cathédrale est un terme qui revient souvent dans leurs réflexions, peut-être faut-il en conclure qu’ils considèrent que cet arbre, qui a pour caractéristique de s’étaler en largeur, gêne la vue ? Ou qu’il entrave la déambulation des visiteurs ?


7. Le projet tel qu’on le voit sur la vidéo diffusée par Emmanuel Grégoire. Le charme est tout seul, permettant la création d’une esplanade devant la pelouse.
Le tamaris gênait ? On le supprime. Ce n’est qu’un « arbre remarquable », après tout !
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L’explication se trouve dans la vidéo de démonstration du projet, tweetée par Emmanuel Grégoire pas plus tard que le 26 avril. On y voit clairement à 1’11" (ill. 7) la vision qu’ils veulent donner du square : une belle symétrie autour du charme, d’ailleurs enchâssé dans un cercle de pierre ou de béton où l’on pourra s’asseoir... Le tamaris gêne, c’est clair, comme gênait l’autre arbre qui a déjà disparu.
Quand ils affirment qu’aucun arbre ne sera coupé, ils mentent. Ceux qu’ils disent vouloir planter ne remplaceront jamais ceux qu’ils menacent de supprimer.

Mais faut-il les croire d’ailleurs à propos de tous les arbres qu’ils promettent de planter dans le projet tel qu’on peut le voir sur les documents ? Un fil Twitter de @JCQDSE, un Parisien très actif sur le réseau social pour dénoncer les mensonges de la mairie, nous en fait douter très sérieusement. Nous renvoyons vers lui - il faut le lire - et nous résumons ici sa démonstration sur laquelle nous aurons probablement l’occasion de revenir.


8. Vue aérienne récente du parvis
Photo : Google Maps
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9. Vue aérienne du projet, où de grands arbres poussent miraculeusement au-dessus des dalles du parking et de la crypte archéologique
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La plupart des arbres plantés sur le parvis le seront sur une dalle, au-dessus du parking souterrain qui doit être transformé en vestibule (voir cet article). Cela peut se constater très facilement sur les plans (ill. 8 et 9). Or, quels types d’arbres réussit à pousser sur du vide, quand la couche de terre qu’on peut y installer se résume à environ 2 mètres ? Certainement pas des grands sujets comme on nous le fait croire sur les schémas où dans la prose qui les accompagne. C’est d’ailleurs ce dont la mairie s’est aperçue à ses dépends depuis qu’elle nous avait promis un peu partout des « forêts urbaines », notamment au-dessus... de parkings, comme sur la place de l’Hôtel de Ville. C’est ce que tweetait Emmanuel Grégoire - qui pour une fois disait une chose exacte - lorsqu’il expliquait dans un tweet à propos de la place de la Bastille qu’« on ne fait pas pousser des arbres sur du vide ou des réseaux » !

De même, lorsqu’on regarde de près les arbres plantés dans le square Jean XXIII et si l’on reprend les chiffres donnés dans cet article par Tangui Le Dantec (un véritable écologiste, qui s’appuie sur les faits scientifiques), c’est-à-dire qu’il faut, pour qu’un arbre soit planté correctement, une surface d’environ 28 m2 et un espacement entre chaque tronc d’au moins 6 m, ce qu’ils prévoient ne peut pas fonctionner. On assiste donc à une opération classique de « greenwashing » : nous promettre des arbres que l’on ne pourra pas planter, tout en coupant un arbre remarquable. Rien d’étonnant pour qui connaît les pratiques de cette mairie.

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