Menaces sur la piscine Oberkampf

1. La piscine Oberkampf, au fond de
la cour du 160 rue Oberkampf
Photo : Didier Rykner
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24/2/22 - Patrimoine - Paris - Il est rare que nous soyons en phase avec la mairie de Paris pour la protection du patrimoine. C’est néanmoins le cas pour la piscine Oberkampf au sujet duquel nous avons été informé par un article paru dans Le Parisien. Nous ne connaissions pas cette piscine bien cachée au fond d’une cour au 160 rue Oberkampf dans le XIe arrondissement (ill. 1). Son histoire est pourtant très intéressante et a fait l’objet d’une étude historique du Département Histoire de l’Architecture et Archéologie de Paris signalée dans cet article [1].

On y apprend que cette piscine a été ouverte en 1886, « dans un mouvement de construction qui voit en moins de dix ans, entre 1884 et 1887 six nouveaux établissements de bain s’établir dans la capitale ». Il faut noter que de ces six « établissements de bains », seule la piscine Oberkampf subsiste encore, ce qui rend encore plus nécessaire sa préservation.


2. Jean-Baptiste Anglade (1841-1913)
Vitrail de la piscine Oberkampf, vers 1886
Photo : Didier Rykner
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3. Jean-Baptiste Anglade (1841-1913)
Vitrail de la piscine Oberkampf, vers 1886
Photo : Didier Rykner
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Il s’agit d’une commande à l’architecte Auguste Perrin par un adjoint au maire du IIIe arrondissement, Claude-Marie Cathiard, propriétaire de la parcelle. L’immeuble dans lequel elle se trouve a conservé son apparence extérieure de 1886 et son volume d’origine, ainsi que le vestibule orné de deux vitraux dus au peintre-verrier Jean-Baptiste Anglade (ill. 2 et 3). Si la distribution actuelle des volumes de la piscine, en forme de L, accompagnée d’un étage de cabines, conserve sans doute sa distribution d’origine, celle-ci a été beaucoup modifiée en 1927, dans le style Art déco. La charpente métallique vitrée est remplacée par une voûte en pavés de verre, les cabines en ciment sont remplacées par des cabines en bois et les dimensions du bassin ont été agrandies en conservant la forme en L (ill. 4 et 5). Outre la piscine, l’établissement d’origine - qui avait pour nom « Bains Parisiens » (ill. 6) - avait également d’autres activités : « L’établissement proposait, répartis entre le rez-de-chaussée et les niveaux supérieurs, plusieurs types de douches et de bains (vapeur ou en chaleur sèche) ainsi que des soins hydrothérapiques […] Le lieu mettait également à la disposition de la clientèle un grand salon de repos servant aussi de café restaurant et de nombreuses prestations à caractère médical ou de confort (telle la présence de cabines d’inhalation, le service d’un pédicure ou la livraison de bains à domicile) […] ». Aujourd’hui, en plus de la piscine, l’établissement : « a développé parallèlement une offre qui n’est pas sans rappeler celle qu’elle proposait aux parisiens de la fin du XIXe siècle avec, au premier étage, un espace d’entraînement sportif (fitness) et, au-dessus, au deuxième pour les femmes et au troisième pour les hommes, des cabines de bains vapeur ou de chaleur sèche (sauna). Sur le toit, une pièce de dimension réduite, construite d’origine, renferme un court de squash. »


4. Piscine Oberkampf
Photo : Didier Rykner
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5. Piscine Oberkampf
Photo : Didier Rykner
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6. Ancienne affiche des Bains Parisiens,
aujourd’hui piscine Oberkampf
Photo : Bibliothèque nationale de France
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Comme nous l’apprend donc Le Parisien, cet établissement, qui fermera ses portes le 28 février, est menacé sans que l’on sache exactement ce que veut en faire le propriétaire [2]. Lorsqu’il a appris la volonté du propriétaire de mettre fin au bail et à l’exploitation, le maire de l’arrondissement François Vauglin a demandé aux services de la Ville de réaliser l’étude dont nous parlons plus haut, et souhaite désormais faire protéger l’ensemble. Nous avons contacté la direction régionale des monuments historiques qui nous a confirmé que celle-ci « va ouvrir un dossier d’instruction de protection au titre des monuments historiques pour cet édifice, la ville de Paris en ayant effectivement formulé le vœu. » L’étude de la Ville conclut ainsi : « en raison de l’intérêt historique du bâtiment – les autres établissements construits au cours de la même période ont été, soit démolis, soit, comme la piscine Château-Landon, entièrement reconstruits -, toute demande éventuelle de démolition de la piscine Oberkampf devrait être écartée et une demande de protection ville de Paris (PVP) envisagée à l’occasion de la prochaine modification du P.L.U. » Selon Le Parisien, l’inscription au titre du PLU ne pourrait pas se faire avant la révision de celui-ci, en 2023 au mieux [3].

Il semble urgent donc d’inscrire ou de classer cette piscine et il faut espérer que le ministère de la Culture instruira rapidement ce dossier, allant si cela est nécessaire jusqu’à une procédure d’instance de classement pour éviter toute détérioration du lieu qui, pour l’instant, n’est absolument pas protégé [4]. Il est rare en effet que la mairie de Paris, le ministère de la Culture et les défenseurs du patrimoine soient ainsi sur la même longueur d’onde. Notons enfin qu’une pétition en ligne a été lancée par les riverains, basée non sur l’intérêt historique du lieu, mais sur son aspect social. Nous suggérons néanmoins à tous nos lecteurs de la signer.

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