Les réponses du ministère de la Culture (1/2) : le Louvre

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Notre éditorial très récent, et nos tweets quotidiens sur l’absence de réponses du ministère de la Culture ont-ils fait leur effet ? Toujours est-il que le ministère nous a envoyé hier 19 janvier des « réponses » à nos questions sur le Louvre et les trésors nationaux. Nous écrivons le terme entre guillemets car comme nous le craignions, celles-ci ne sont pas satisfaisantes. Nous parlerons dans un second temps de la question des trésors nationaux et commencerons avec la gestion du Louvre, un dossier récurrent hélas sur La Tribune de l’Art.


1. La salle des Sept Cheminées, avant travaux et enlèvement des de Troy et des cimaises
Photo : Mossot (CC BY-SA 3.0)
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Lors de notre interview de la ministre de la Culture, et alors que nous l’interrogions sur ce dossier et notamment sur les travaux pharaoniques prévus dans ses salles (voir notamment cet article et celui-ci), travaux que nous estimons sans réelle justification, parfois destructeurs du patrimoine et extrêmement coûteux alors que la période ne s’y prête vraiment pas, Roselyne Bachelot nous avait demandé ce que le musée nous avait répondu. Nous lui avions dit que lorsque le Louvre répondait, nous publiions sa réponse dans les articles, mais qu’il ne répondait que rarement. Nous ajoutions que nous n’en avions eu aucune par exemple pour l’enlèvement des tableaux de Jean-François de Troy (voir l’article) et leur envoi à Liévin (voir l’article), pour la fermeture de salles pour des travaux imaginaires (voir l’article), ou pour l’interdiction, pendant le premier confinement, de travailler pour ses conservateurs (voir l’article)… Elle s’est adressée à son conseiller patrimoine, Jean-Baptiste de Froment, qui venait d’affirmer que « Jean-Luc a apporté tout un tas de réponses point par point » pour lui dire qu’il était très important de nous les transmettre.

C’était le 4 décembre. Ces réponses dont Jean-Baptiste de Froment affirmait qu’il les avait, « point par point », il lui a fallu plus d’un mois et demi pour nous les envoyer, et ce n’est donc que le 19 janvier que nous les avons reçues. C’est une manière de parler, en réalité. Car sur tous les sujets que nous avons énumérés, les réponses assez succinctes du Louvre n’en concernent que deux : les « travaux de réaménagements des salles étrusques et italiques, en lien avec la restauration MH des Appartements du roi », actuellement en cours, et ceux à venir des salles romaines dans les appartements d’Anne d’Autriche, et de la cour du Sphinx qui doivent avoir lieu pour deux ans à partir de mi-2021. Rien, en revanche sur les sujets évoqués plus haut ni sur les travaux à venir dans les salles des Antiquités orientales.
Nous donnons ici in extenso ces réponses du Louvre qui ont mis si longtemps à arriver, et nous les commenterons. Il est à peu près certain qu’elles ont été élaborées depuis l’interview, car s’il s’était simplement agi de nous les transmettre, vu leur peu de contenu, un copier-coller aurait été beaucoup plus rapide à faire. Que le ministère, par ailleurs, se contente de ces réponses à des questions pourtant plus que légitimes témoigne de l’absence de contrôle complet qu’il exerce sur ce musée dont il a pourtant la tutelle.

Les titres soulignés sont ceux donnés par le ministère.

Travaux de rénovation des salles étrusques et romaines du Louvre (2020-2023) :
 
Réponse du ministère : « Les collections étrusques et romaines du musée du Louvre sont les seules du musée à ne pas avoir été entièrement redéployées dans le cadre du projet du Grand Louvre (1981-1997). Ce sont les salles du musée aujourd’hui les plus anciennes et vétustes. Elles dataient dans leur aménagement muséographique de 1980 et 1983. »

Notre commentaire : Parler de salles « anciennes et vétustes » pour des salles refaites de 1980 à 1983 (soit au moment du Grand Louvre) paraît extrêmement exagéré. Depuis quand est-il nécessaire de refaire des aménagements muséographiques tous les quarante ans, surtout quand ceux-ci sont toujours parfaitement fonctionnels et en bon état ?

Réponse du ministère : « Après les travaux d’infrastructure marqués par l’inauguration de la Pyramide (1981-1989), la transformation en musée de l’aile Richelieu (1993) et l’aménagement partiel des parcours des antiquités orientales, égyptiennes et grecques dans la cour Carrée (aile Sully), le Louvre entreprend désormais la rénovation de l’aile Denon, la plus visitée du musée afin de préparer l’avenir et d’y améliorer les conditions de la visite. C’est le cœur du musée qui attendait sa rénovation notamment les appartements du Roi et de la Reine qui n’avaient jamais fait l’objet de restauration fondamentale.
Dans cette période de confinement, le Louvre souhaite également participer à la poursuite de l’activité et préparer l’avenir par une politique d’investissement soutenue, mais maitrisée, répondant d’une part aux besoins structurels du Louvre pour garantir son bon fonctionnement et amélioration continue de l’accueil des visiteurs, et répondant d’autre part aux besoins de restauration du Palais dans un souci de protection du patrimoine. Cette démarche s’inscrit dans la politique de relance du gouvernement. Entretenir et rénover le patrimoine de la Nation est un enjeu majeur qui permet également de proposer des chantiers à de multiples corps de métiers intervenant dans ce domaine.
 »

Notre commentaire : Ces grandes phrases sont tout simplement grotesques. Parler de la « période du confinement » et de la « politique de relance du gouvernement » dans le cadre de travaux qui étaient planifiés et qui ont pour une partie commencé avant la crise du Covid ressemble fort à une plaisanterie.


2. Salle des bronzes avant travaux et enlèvement du sol et des vitrines
Photo : Jean-Pierre Dalbéra (CC BY 2.0)
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Réaménagement des salles étrusques et italiques, en lien avec la restauration MH des Appartements du roi (chantier en cours, ouverture prévue fin avril 2021).

Réponse du ministère : « L’autorisation de travaux au titre des Monuments Historiques a été délivrée en mai 2019.
Montant de l’opération de restauration, mise aux normes techniques, refonte muséographique : 11,7 M€
Le projet concerne les salles des Sept-Cheminées
(ill. 1), Henri II et des Bronzes (ill. 2), situées au 1er étage de l’aile Sully, qui abritaient autrefois les Appartements du roi de France. »

Notre commentaire : Cela apporte une précision sur le montant des travaux, mais rien d’autre que nous ne sachions déjà.

Réponse du ministère : « Les derniers travaux d’ampleur sur ces salles été conduits par Albert Ferran dans les années 30 puis après la seconde guerre mondiale. Ces salles font aujourd’hui l’objet de travaux d’envergure, avec une restauration fondamentale incluant notamment la restauration des décors et le rétablissement des circulations historiques des anciens Appartements royaux, ainsi qu’une importante remise aux normes techniques, ainsi qu’une présentation totalement rénovée des collections (la muséographie actuelle des salles étrusques date des années 80). »

Notre commentaire : Vouloir retrouver « les circulations historiques des anciens Appartements royaux » quand tant de modifications leur ont été apportées au cours des siècles pour transformer le palais en musée semble un peu vain (et nous n’avions pas posé cette question). Nous ne sommes bien entendu pas opposé aux restaurations de décor, ni aux « remises aux normes techniques » dont on s’étonne néanmoins qu’elles soient si importantes. Le but réel de ces travaux est expliqué par Jean-Luc Martinez lui-même dans l’imposante Histoire du Louvre en trois tomes récemment publiée puisqu’on y lit, (tome III, p. 94) : «  Dans les années à venir […] le département a le projet […] de créer un nouveau parcours consacré à l’étage aux arts italiques et étrusques par l’annexion notamment de la salle des Sept Cheminées ». Que la restauration des décors de cette salle soit utile, nous ne le discuterons pas. Qu’elle doive se solder par l’enlèvement des cimaises et des tableaux en revanche… Quant à affirmer que «  les derniers travaux d’ampleur sur ces salles  » dateraient d’après la seconde guerre mondiale, c’est sans doute vrai, mais bien après alors. En effet - et c’est toujours Jean-Luc Martinez qui l’écrit dans cette Histoire du Louvre, ces « trois décennies, de 1978 à 1997 » sont une « période de réaménagements incessants » pour ces salles des Antiquités grecques et romaines.

Réponse du ministère : « Le projet de restauration s’appuie sur les éléments architecturaux les plus marquants (baies Lescot XVIème et portiques Fontaine XIXème), et recrée des lambris dans la salle des Bronzes pour assurer une continuité de parcours avec les salles Henri II et des 7 cheminées notamment de par leur statut historique d’anciens appartements du roi. Cette continuité se retrouvera aussi au niveau du sol, avec la mise en place de parquet en chêne massif dans la salle des Bronzes, en remplacement du marbre qui sera déposé, conservé et redéployé en grande partie dans les salles romaines du rez-de chaussée. »

Notre commentaire : Aucune réponse donc sur l’enlèvement des grands tableaux exposés dans la Salle des Sept Cheminées et de leur envoi en réserves à Liévin. Aucune réponse sur la suppression de l’état historique du XIXe siècle, notamment par l’enlèvement des cimaises installées par Duban. La seule réponse effective à nos questions porte sur l’enlèvement du marbre de la salle des Bronzes qu’on explique par la volonté de « retrouver la continuité au niveau du sol » avec les autres salles, ce qui paraît un peu léger (nous n’avions jamais noté et sans doute aucun visiteur que la « continuité du sol » posait un problème). Rappelons que l’aménagement de cette salle a été revu en 1997, que son sol datait des années 30 (seul décor du Louvre de cette époque encore en place) et que, quoi qu’on pense du plafond de Cy Twombly (nous n’en pensons pas beaucoup de bien), celui-ci a été créé en tenant compte du sol en marbre, pas d’un sol en parquet. Rien non plus sur le coût d’un remplacement de vitrines qui faisaient parfaitement l’affaire…

Réaménagement des salles romaines, en lien avec la restauration MH des appartements d’Anne d’Autriche et de la cour du Sphinx. Les travaux doivent se dérouler de mi-2021 à mi-2023.

Réponse du ministère : « L’autorisation de travaux au titre des Monuments Historiques doit être déposée en janvier 2021.
Montant de l’opération de restauration, mises aux normes techniques refonte muséographique : 30 M€
 »

Notre commentaire : Nous avions donné le chiffre de 40 millions d’euros, celui qui nous avait été fourni par nos sources, et que le Louvre n’avait pu corriger puisqu’il n’avait pas répondu à nos questions. Même en retenant celui de 30 millions, il reste exorbitant, alors que le Louvre va recevoir, pour faire face à la crise du Covid, 46 millions d’euros. On appréciera la dépense à cette aune.

Réponse du ministère : « Les salles romaines au rez-de-chaussée de la région DENON, comptant une vingtaine de salles, n’ont pas fait l’objet de rénovation MH fondamentale depuis les années 1930. Cette opération d’envergure doit permettre d’engager une restauration fondamentale (la verrière de la cour du sphinx date de 1934, les décors historiques présentent des fissurations, traitement des pathologies du bâti, menuiseries extérieures et sols dégradés). »


3. Plafond du département des Antiquités Grecques et romaines (anciens appar- tements d’Anne d’Autriche), état actuel
Photo : Didier Rykner
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4. Plafond du département des Antiquités Grecques et romaines (anciens appar- tements d’Anne d’Autriche), état actuel
Photo : Didier Rykner
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Notre commentaire : Il est possible que la verrière de la cour du Sphinx ait besoin d’une réfection, nous ne discuterons pas ce point. En revanche, cette cour a fait l’objet il y a quelques années d’une restauration d’envergure ce qui devrait limiter tout de même les travaux. Quant à l’état des décors historiques (ill. 3 et 4), les quelques photos que nous en donnons ici laissent penser qu’une restauration fondamentale est rien moins qu’urgente, et que les sols ill. 5 et 6) ne sont en rien dégradés.


5. Sol du département des Antiquités Grecques et romaines (anciens appar- tements d’Anne d’Autriche), état actuel
Photo : Didier Rykner
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6. Sol du département des Antiquités Grecques et romaines (salle de Diane),
état actuel
Photo : Didier Rykner
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Réponse du ministère : « Cette opération a aussi pour but de moderniser les installations techniques vétustes (calorifères datant du second Empire ou de la 3ème République) devant permettre une amélioration de l’efficience énergétique de ces espaces , et repenser le parcours muséographique notamment au regard de l’augmentation des flux de visiteurs ainsi que des enjeux de conservation et sûreté des œuvres. »

Notre commentaire : Nous ne discuterons pas de l’opportunité de remplacer les installations techniques qui seraient « vétustes » si ce n’est pour nous interroger sur la volonté du Louvre d’améliorer l’efficience énergétique de ces espaces quand, au même moment, l’installation des réserves à Liévin et les incessants voyages entre Paris et le Nord entrainent un bilan carbone qui doit être particulièrement désastreux. Quant à « repenser le parcours muséographique » de salles qui ont été refaites il y a moins de vingt ans et qui sont absolument parfaites, on se permettra d’en discuter l’opportunité et l’urgence.

Réponse du ministère : « La présentation des salles consacrées à l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain (OMER) sera revue à cette occasion afin de permettre d’assurer une cohérence de parcours. »

Notre commentaire : Il est vrai que ces salles ne datent que de 2012. Il est certainement urgent d’y faire de nouveaux travaux !

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