Le préfet de Côte-d’Or s’engage pour la destruction de l’église d’Arc-sur-Tille

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Le préfet de la Côte d’Or, Paul Roncière, vient d’envoyer une lettre au Président de l’UEPA (l’association de sauvegarde de l’église d’Arc-sur-Tille). Scandaleuse sur le fonds, elle est de plus très mal informée. Vous pouvez en prendre connaissance sur le site de l’UEPA, ainsi que de la réponse de l’association.

Non content de se réapproprier le terme déconstruction, plus politiquement correct sans doute que destruction (mais n’est pas Derrida qui veut), le préfet propose la récupération des éléments de mobilier de l’église, alors que c’est l’ensemble qu’il faut sauver. Or, nous avons pris soin d’interroger François Peyre, l’architecte du patrimoine auteur d’une étude démontrant que le bâtiment peut être restauré à moindre coût. Celui-ci nous a confirmé les points suivants :

 il a, bien sûr, pu visiter longuement l’édifice, intérieur et extérieur, contrairement à ce que laisse entendre le préfet ;
 l’église, actuellement, ne menace personne et peut tenir debout encore très longtemps, contrairement à ce qu’affirme le préfet ;
 son étude s’est basée à la fois sur cet examen et sur le rapport très détaillé des architectes en chef des bâtiments de France, Messieurs Pallot et Voinchet, contrairement à ce que prétend le préfet ;
 son étude l’engage, bien évidemment, ainsi que sa responsabilité, si ses préconisations étaient mises en œuvre, contrairement à ce que sous-entend le préfet.
 il confirme et signe : la restauration a minima de cette église, pour la rendre au culte, est possible, pour le montant qu’il avance, contrairement à ce que dit le préfet.

De la part d’un représentant de l’Etat tant de légéreté inquiète, pour le moins.

Le plus effrayant peut-être, c’est l’évidente incompréhension qu’a ce dernier des raisons qu’on peut avoir de se battre pour préserver un monument. La conservation - toute théorique - de quelques éléments lui suffit, comme l’établissement d’un « lieu de mémoire » en lieu et place de l’église. D’ailleurs, pour lui, cette obstination ne peut avoir que des motifs cachés ou inavoués, puisqu’il ose écrire « on se demande à qui [la polémique peut profiter] ». Je signale au préfet (et au maire) qu’en partie grâce à la résonance donnée à cette affaire par La Tribune de l’Art, un grand nombre d’historiens de l’art, français et étrangers, ont signé la pétition pour la sauvegarde de l’église. Car celle-ci profiterait avant tout au patrimoine, à l’Histoire et à l’Histoire de l’Art. Il faut n’avoir aucun sens esthétique, aucune notion d’histoire de l’architecture pour nier les qualités de ce bâtiment.

On pourrait retourner l’argument au préfet et au maire : à qui profite la destruction voulue, programmée et inutile de l’église d’Arc-sur-Tille ? On se perd en conjectures. Il se murmure que le maire préparerait pour le mois d’août un décret de « mise en péril » impliquant la fermeture aux véhicules de l’axe routier proche de l’église et une déviation dans une rue voisine. Cela permettrait la démolition sans avoir à passer par la désacralisation d’une église qui ne menace personne.

Ce combat est exemplaire. Car si l’édifice devait finir sous les pioches des démolisseurs, cela signifierait que 90% des églises paroissiales en France pourraient être détruites. Si les aspects financiers ne doivent évidemment pas être négligés [1], pour les historiens de l’art celui-ci ne peut venir qu’en second après l’intérêt architectural. Comme l’a écrit au Maire d’Arc-sur-Tille un correspondant dont le texte nous a été communiqué : « Pour défendre une cause, il faut se battre, sur les ondes et le petit écran, dans les journaux et sur Internet. L’argent se trouve, même si nos concitoyens sont souvent sollicités. [...] On ne se fait pas élire pour "inaugurer les chrysantèmes" mais pour se battre ! Honte à vous si votre église est détruite ! »

Didier Rykner

P.-S.

L’église a finalement été sauvée (voir la brève du 16/12/10).

Notes

[1Ici, contrairement à ce qu’affirment le préfet et le maire, ils ne sont pas essentiels, puisque la restauration de l’église a minima serait moins coûteuse que sa destruction et la construction d’un nouveau lieu de culte).
L’argent reste évidemment le nerf de la guerre. L’association ne peut lancer une souscription via la Fondation du Patrimoine, car le maître d’ouvrage, c’est-à-dire le maire, devrait la signer. Elle envisage actuellement toutes les options lui permettant de lancer une grande campagne de récolte de fonds.

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