L’incompréhensible politique d’acquisitions du Louvre

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Dans notre brève sur la vente de la collection Delestre chez Artcurial, nous avions reproduit deux dessins qui nous paraissaient les plus beaux et les plus intéressants de la vacation. Nous devrions être ravis de savoir que les deux ont été préemptés pour le Louvre. À un gros bémol près : le prix atteint par le premier, Alexandre et Bucéphale (ill. 1), 360 000 € hors frais, soit 455 400 € avec les frais, près de dix fois l’estimation. La Reddition d’Ulm (ill. 2), l’autre feuille acquise par le Louvre s’est vendue 40 000 € (soit 52 000 € avec les frais), adjudication raisonnable elle, correspondant à l’estimation basse.


1. Antoine-Jean Gros (1771-1835)
Bucéphale dompté par Alexandre
Plume et encre brune, lavis de sépia - 19,8 x 28,8 cm
Préempté par le Louvre lors de la vente Artcurial 22/3/17
Photo : Artcurial
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2. Antoine-Jean Gros (1771-1835)
La Reddition d’Ulm
Plume et encre brune, pierre noire - 23 x 31,50 cm
Préempté par le Louvre lors de la vente Artcurial 22/3/17
Photo : Artcurial
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Très honnêtement, nous ne comprenons pas le prix du premier dessin. Certes, il faut deux enchérisseurs pour atteindre un montant pareil. On doit néanmoins se poser la question de la pertinence de dépenser autant d’argent pour une feuille certes magnifique (et double face), mais sans aucune mesure avec les prix habituels des dessins de Gros, et pour une composition dont le Louvre possédait déjà deux autres feuilles, même si elles sont d’une écriture moins libre (ill. 3 et 4).


3. Antoine-Jean Gros (1771-1835)
Bucéphale dompté par Alexandre
Plume et encre brune - 14,4 x 12,1 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : RMN-GP
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4. Antoine-Jean Gros (1771-1835)
Bucéphale dompté par Alexandre
Plume et encre brune - 14,4 x 12,1 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : RMN-GP
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Décidément, la politique d’acquisition comme celle de non acquisition du Louvre nous échappe. Pour nettement moins d’argent que pour cette feuille, le département des sculptures aurait pu acquérir la terre cuite de Gervais Delebarre dont nous parlions dans notre article sur la Tefaf et qui manquera certainement bien davantage au Louvre que le dessin de Gros ne lui aurait fait défaut. Comme pour le Saint Sébastien de Léonard de Vinci et son classement trésor national (voir notre éditorial), l’achat de cet Alexandre et Bucéphale pourrait se défendre si le musée parisien menait une véritable politique d’acquisition en retenant les œuvres majeures qui fuient notre territoire par centaines. Dans les conditions actuelles, il est absolument incompréhensible.
D’autant moins compréhensible d’ailleurs qu’il y a onze ans, le Louvre avait acquis un superbe portrait peint par Gros (voir la brève du 11/6/06) qui n’est plus en salle depuis 2010 [1]. À quoi bon donc, acquérir des œuvres qui ne seront jamais montrées ? Cacher un tableau de Gros et acheter pour une somme indécente un de ses dessins relève d’une politique de gribouille. On nous objectera que nous avons parlé ici de décisions relevant respectivement du département des Arts Graphiques, du département des Sculptures et du département des Peintures. Mais il y a un point commun : la volonté du président-directeur du Louvre d’intervenir dans tous les domaines, notamment dans celui des acquisitions qu’il valide ou refuse et pour lequel il devrait imposer une vision cohérente. C’est aussi lui qui a nommé les directeurs des départements. Une nouvelle fois, c’est bien la politique globale du Louvre qui est en cause.

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