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« Marcher sur l’eau » ou se noyer

Genève, Musée d’Art et d’Histoire, du 28 janvier au 27 juin 2021

Un seul exemple devrait suffire à résumer cette exposition : la Vénus italique dite aussi Vénus sortant du bain de Canova est présentée… dans une cabine de douche (ill. 1). Hu hu hu, c’est désopilant. L’objectif est de montrer la collection du Musée d’Art et d’Histoire de Genève « sous un jour nouveau, la rendre accessible à un public éloigné de l’art […] Grâce à l’humour, le public se sent plus libre de s’approcher des œuvres et d’aller plus avant dans le propos ». « Aller plus avant» semble difficile, une cabine de douche étant pour le moins exiguë ; la perspective qu’elle offre est à l’image du propos de cette exposition : limitée. On peut certes «s’approcher» de l’œuvre, mais la regarder, c’est autre chose, puisque la scénographie concentre toute l’attention. Quant à comprendre ce que l’on voit, on n’est pas là pour ça. Un parcours semé de repères chronologiques, historiques et stylistiques serait trop rébarbatif. Le public «éloigné de l’art» est, encore une fois, pris pour une bande de benêts futiles que l’exigeante histoire de l’art ne peut que rebuter (voir l’article).


1. Vue de l’exposition
La Vénus au bain ou Vénus italique de Canova dans une cabine de douche
Genève, Musée d’Art et d’Histoire
Photo : MAH / J. Grémaud
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Le musée n’est plus un lieu d’apprentissage et de transmission, mais un lieu de loisir où l’on peut rire et se divertir, danser la carioca, jouer du ukulélé et faire du yoga (voir l’article). Les œuvres ne sont plus le but de la visite, mais de simples outils, pour proposer un moment distrayant ou composer un discours décalé. La Vénus italique n’est pas suffisamment intéressante en soi pour être présentée telle qu’elle est. Réduite à son iconographie, la voilà sous la douche pour amuser la galerie. Il n’est d’ailleurs même plus nécessaire de montrer des œuvres originales, des reproductions ponctuent tout le parcours. La seule chose qui compte, c’est le sujet. La matière, le style, l’époque n’ont plus d’importance. Alors en guise de papier peint pour sa salle de bain, Vénus se lave devant la reproduction d’une estampe japonaise. Quel rapport avec la sculpture néoclassique ? L’estampe représente des servantes qui apportent de l’eau pour le bain d’iris. Et tant qu’on reste dans le thème, on peut varier les plaisirs : la Vénus de Pradier occupe la cabine de douche voisine, avec pour décor un bord de mer peint par Henri-Edmond Cross et reproduit en grand sur les murs, tandis qu’à côté, le petit garçon tout nu de Roger Ferrier - sculpteur genevois du XXe siècle sur lequel on ne saura rien - a pour cadre des affiches de Trouville (ill. 2). Pourquoi ne pas avoir acheté du papier peint chez Leroy-Merlin ? Il y en a de fort jolis sur le thème de l’eau. Plutôt que de réduire une peinture et une estampe à de simples reproductions, il aurait été plus audacieux de transformer un objet usuel et décoratif en œuvre muséale. N’est-ce pas justement la volonté de la commissaire : remettre…

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