Les départements du Louvre privés de leurs budgets

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Dans la vraie vie, un intérimaire, et encore davantage s’il occupe un poste de direction, doit se contenter de gérer les affaires courantes. Il ne possède en aucun cas la légitimité pour engager son successeur par des décisions lourdes de conséquences pour l’avenir.


Jean-Luc Martinez
Président-directeur par intérim du Louvre
Copie écran d’une vidéo (émission Quotidien)
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Dans la vraie vie, mais pas au Louvre, où Jean-Luc Martinez se croit toujours président-directeur, alors qu’il n’est plus aujourd’hui que président-directeur par intérim [1], il continue donc à marche forcée la destruction méthodique du musée qu’il a entamée depuis déjà huit longues années et notamment la disparition des départements dont nous avions déjà parlé ici (voir l’article). Ce qui est en train de se passer serait déjà scandaleux s’il avait été renommé, ça l’est encore bien davantage sans la légitimité minimale que lui donnerait un renouvellement.

Le document que nous avons pu nous procurer a été présenté aux directeurs de départements lors de la réunion de lundi dernier, sans qu’aucun d’entre eux, apparemment, n’ait eu le courage de s’y opposer. Intitulée « Nouvelle organisation des SPA des départements » - SPA signifiant Service de Pilotage Administratif - la réforme qu’il décrit a pour objectif d’enlever aux départements les budgets qu’ils géraient encore en propre (pourtant très réduits puisque comme on peut le lire, le budget moyen d’un département est de 450 000 € alors que celui des autres directions est de 15,8 millions d’euros !). Mais dans l’esprit de Jean-Luc Martinez, c’est encore trop, et l’ensemble du budget doit donc être désormais rattaché à la Direction de la Recherche et des Collections.

La disparition des SPA, dont nous annoncions déjà qu’elle était en projet, serait donc définitive. Ce qui est en quelque sorte logique puisque l’une de leurs fonctions (pas la seule) était de gérer le budget décentralisé. Mais comme l’organisation n’est pas un point fort de la direction actuelle, le système envisagé relève de l’usine à gaz. En effet, il y aurait création d’un poste de chef de SPA pour deux départements, et ces « chefs de SPA » seraient rattachés à la Direction des Ressources Humaines, tandis que les budgets seraient bien fondus dans celle de la Recherche et des Collections. Les nouveaux chefs de SPA (un pour deux départements) dont la « composante RH sera dominante » seraient donc rattachés aux ressources humaines mais, « l’intégration des personnels de ce pôle dans la vie des départements sera garantie », notamment par « la présence de ces personnels à proximité des départements et une organisation permettant à ces agents de participer aux activités des départements ». Ces nouveaux chefs de SPA seront donc hors des départements, tout en y étant sans y être.
Ayant exercé pendant plus de dix ans le métier de consultant en organisation, le signataire de cet article peut garantir que cette organisation est totalement farfelue.

Cette réforme porte néanmoins un coup supplémentaire - et particulièrement grave - au fonctionnement historique du Louvre. Incapable de gérer correctement ce musée, son président-directeur par intérim souhaite donc priver les directeurs de départements - qui, quoi que l’on veuille, constituent le cœur du musée - de toute autorité et de tout pouvoir. Entièrement dépendants financièrement de la direction de la Recherche et des Collections, les départements ne disposeront plus d’aucune autonomie dans quelque domaine que ce soit, y compris du point de vue scientifique, sans l’aval de cette direction qui conforte ainsi son rôle de bras armé du président-directeur. Nous avions déjà parlé des conséquences d’une telle politique dans l’article que nous avions consacré à la disparition des départements. Celui-ci est donc, hélas, encore davantage d’actualité.

Didier Rykner

Notes

[1Son remplaçant n’a toujours pas été nommé. Selon nos informations, l’Élysée considère qu’il n’a trouvé personne pour ce poste, ce qui est d’autant plus absurde que les trois autres candidats (Laurence des Cars - longtemps favorite, Sophie Makariou et Christophe Leribault) ont tous la capacité de prendre ce poste. Actuellement, tout peut arriver : soit l’Élysée décide de nommer prochainement l’un des quatre candidats déclarés, soit Emmanuel Macron sort une autre personnalité de son chapeau, soit l’intérim dure encore des mois...

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