La loi sur la transition énergétique menace toujours le patrimoine

19/5/15 - Patrimoine - Loi sur la transition énergétique - La loi sur la transition énergétique est de retour à l’Assemblée nationale depuis aujourd’hui, et demain ou après-demain seront examinés les deux articles qui pourraient, s’ils étaient adoptés modifiés comme certains députés le souhaitent [1],, déclencher l’un des pires vandalismes que la France ait jamais connu, qui aboutirait à défigurer définitivement nos villes et nos paysages (voir cet article ; nous y annoncions un autre article qui n’est finalement pas paru, car nous pensions le danger écarté…).


1. Maison isolée par l’extérieur à Colombes
Photo : D. R.
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2. Maison en Haute-Saône avant et après l’isolation par l’extérieur
Photo : D. R.
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Les associations de protection du patrimoine, groupées au sein du « G8 patrimoine », au premier rang desquels la SPPEF, avaient dénoncé ce danger et proposé des amendements permettant de le combattre (voir ici). Ceux-ci avaient été adoptés par le Sénat en février dernier (voir ici).
La commission spéciale de l’Assemblée Nationale avait également largement confirmé le vote du Sénat. Il est vrai qu’une circulaire du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie du 22 juillet 2013 (prise un an avant le dépôt du projet de loi !) avait reconnu l’inutilité et même la nocivité de l’isolation par l’extérieur des bâtiments construits en matériaux traditionnels : « Les bâtiments construits avant 1948, [représentant] environ le tiers du parc de logements, bénéficient de performances énergétiques relativement bonnes proches des constructions du début des années 1990. Le renouvellement d’air, qui a en particulier pour objectif de réguler le taux d’humidité, s’y fait par les défauts naturels d’étanchéité. » [2].

Mais un certain nombre de députés proposent à nouveau des amendements qui remettraient en cause ces acquis et reviendraient complètement ou en partie au texte d’origine en imposant ou en rendant possible l’isolation par l’extérieur des bâtiments anciens en matériaux traditionnels quelles que soient les règles d’urbanisme, avec le bien maigre garde fou d’un ABF surchargé et compétent, toutes zones de protection confondues, sur moins de 10 % du territoire national. Ces députés veulent que la France ressemble à l’illustration 1 ou 2. Il n’est pas besoin de commentaire supplémentaire, ni de préciser que la loi actuelle permettant de telles dérives, il serait nécessaire de la durcir, pas de les encourager, voire de les imposer.

Heureusement, d’autres parlementaires ont compris qu’une partie de la loi telle qu’elle est proposée est dangereuse, et que l’obligation (même pour les bâtiments modernes) de réaliser une isolation par les toits ou par la façade est un « non-sens économique » (en plus d’être un non-sens patrimonial). Voir notamment cet amendement proposé, qui suggère de supprimer totalement l’un des articles en cause, ce qui n’interdirait pas l’enlaidissement du petit patrimoine, mais au moins ne le rendrait pas obligatoire dans la plupart des cas.

On terminera en signalant la très grande discrétion (euphémisme) du ministère de la Culture sur cette affaire. L’absence de débat visible sur cette question empêche les médias, qui souvent ne sont pas au courant des enjeux, de s’y intéresser, pour ne rien dire des citoyens qui ignorent tout de ce qui est en train de se passer.
Ce sont les associations, une fois de plus, qui font tout le travail d’information des députés et des sénateurs. Fleur Pellerin a manifestement beaucoup mieux à faire à Cannes (pour demander à nouveau un rôle à Michel Hazanavicius ?) pendant que l’avenir du patrimoine français se joue à l’Assemblée.

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