Claude Gillot, une exposition mort-née

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L’exposition Claude Gillot au Louvre aura donc duré… moins de trois jours. Elle est en effet décrochée et les prêteurs voient déjà revenir les œuvres qu’ils avaient théoriquement prêté pour trois mois.


1. Claude Gillot (1673-1722)
Le Christ au pied de la Croix
Plume et gouache - 16,4 x 21,8 cm
Langres, Musée d’Art et d’Histoire
Photo : Didier Rykner
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Que cette première rétrospective consacrée à un artiste mal connu comme le maître d’Antoine Watteau doive quitter la salle de l’Horloge [1] qui l’accueillait - au-dessus de la Chapelle - n’est sans doute pas contestable : selon le communiqué du Louvre, des infiltrations d’eau ont en effet été constatées dans ces deux salles. Les œuvres menacées directement ont été retirées et envoyées en réserve en attendant, et les mesures nécessaires d’urgence ont été prises pour bloquer ces infiltrations, et celles qui restaient ont été progressivement enlevées, et seront toutes retournées à leurs propriétaires.

Si la fin prématurée de l’exposition consacrée au Museo di Capodimonte, qui dure depuis déjà très longtemps, n’est pas trop pénalisante (sauf pour ceux qui n’avaient pas vu les œuvres réunies dans la chapelle), celle de la petite rétrospective Gillot, qui n’a pu être admirée que par très peu de personnes, est difficile à comprendre. Tant de travail, toutes ces œuvres déplacées pour rien, cela aurait certainement mérité un meilleur sort.
On comprend difficilement qu’une solution n’ait pas pu être trouvée pour la déplacer et la présenter ailleurs. Nous avons parlé avec le Louvre qui nous a expliqué que cela n’était pas possible.

N’était-il pas envisageable donc de l’installer dans les espaces naguère consacrés aux arts graphiques autour de la rotonde des reliefs de Jean Goujon, au-dessus des grandes salles d’expositions temporaires de la Pyramide ? Le Louvre nous a répondu que ces salles seraient en travaux à partir de janvier et que cela n’était donc pas une solution.
N’était-il pas concevable de la déplacer non loin du pavillon de l’Horloge au deuxième étage, là où sont aujourd’hui présentés des cadres anciens et où plusieurs salles peuvent être utilisés à cet effet ? On nous a d’abord répondu que l’atmosphère n’y était pas saine (!) et que cela était pour cela qu’on y avait installé des cadres… Réponse absurde et erronée : d’une part, le bois doré est encore plus sensible à l’humidité que les dessins, et d’autre part ces cadres étaient ici bien avant qu’il y ait des problèmes de canalisation, puisqu’ils ont été accrochés pour les mettre en valeur comme des œuvres à part entière. Devant nos arguments, le Louvre a dû concéder qu’effectivement, cette explication ne tenait pas.


2. Claude Gillot (1672-1722) et Antoine Watteau (1684-1721)
Arlequin Empereur dans la Lune, vers 1707-1709
Huile sur toile - 65 x 82 cm
Nantes, Musée d’Arts
Photo : Didier Rykner
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L’autre justification avancée ne tient pas davantage : il aurait fallu concevoir une nouvelle muséographie ce qui était impossible compte-tenu de la charge de travail des équipes qui doivent par ailleurs imaginer de nouvelles présentations pour les expositions qui suivront et qui ne pourront avoir lieu dans le pavillon de l’Horloge. Excuse tout aussi peu recevable : on comprendrait bien que devant l’urgence, l’exposition soit simplement raccrochée sans imaginer une muséographie parfaite. L’important était de voir ces œuvres.
Un autre motif qui nous a été donné n’est pas plus convaincant : les équipes étant tellement occupées, il n’aurait pas été faisable de trouver les personnes nécessaires pour déplacer les œuvres du pavillon de l’Horloge jusqu’à son nouveau lieu de présentation… On a pourtant trouvé les personnel capable de les décrocher, de les transporter en réserves, de les reconditionner et de les réexpédier vers leur propriétaire avec trois mois d’avance. Mais personne pour les déplacer d’un mur à un autre.

Tout cela n’est donc pas très crédible, d’autant que le retour semble organisé de manière très cahotique : l’exposition s’est interrompue le 11 novembre, jour où les infiltrations ont été repérées, et des œuvres commençaient à partir dès le milieu de la semaine suivante, tandis que des prêteurs, aujourd’hui 20 novembre, neuf jours plus tard, ne sont toujours pas au courant : ils l’ont appris par nous ! On s’interrogera encore longtemps sur cet amateurisme et les raisons réelles de cet abandon en rase campagne. Faut-il y voir une conséquence de la genèse difficile d’une exposition qui devait à l’origine être commune avec la Morgan Library et qui a abouti à deux catalogues séparés ? Ce qui est certain, c’est que le département des Arts graphiques se distingue une nouvelle fois, et pas en bien.

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