Interview de Jean-Jacques Aillagon, président de l’Etablissement public du Domaine national de Versailles

Versailles est sous les feux de l’actualité : reconstitution de la « Grillle Royale », exposition controversée de Jeff Koons, restauration du Petit Trianon,... Nous avions consacré en 2006 un article très critique sur la gestion du Domaine, qui avait provoqué beaucoup de réactions. Il nous semblait intéressant, un an et demi plus tard et suite à la nomination de Jean-Jacques Aillagon à la tête de l’Etablissement Public, de faire le point avec celui-ci sur les projets en cours et à venir. Une interview longue comme Internet peut le permettre, où nous abordons un grand nombre de sujets (voir aussi notre éditorial, un article sur les restaurations et les moulages des sculptures du parc et une brève sur la restauration du Petit Trianon).

Quel est le budget de l’exposition Jeff Koons ?

La production de l’exposition a coûté 1,9 millions euros dont 800 000 pour le seul Split Rocker qui est, dans les jardins, une sorte de clin d’œil à Le Nôtre. Ce budget a été réuni en mobilisant la somme que l’établissement consacre d’habitude à Versailles Off, environ 300 000 euros, auquel on a rajouté 1 600 000 euros de contributions extérieures.

Mais ces 300 000 euros auraient pu servir à autre chose.

Si cet argent venait de subventions publiques, ça pourrait poser un problème, encore que… Mais le château de Versailles ne reçoit pas de subvention de fonctionnement de l’Etat et n’affecte donc à ses activités que les recettes qu’il suscite.

Oui, mais c’est tout de même de l’argent qui pourrait servir à restaurer certaines choses.

Les restaurations et les acquisitions sont notre priorité. Rien que cette année, ce sont déjà 18 millions d’euros de mécénat que j’ai mobilisés à cet effet. L’établissement n’est en rien lésé dans ses intérêts fondamentaux. Si, à Versailles, on dépouillait la conservation et la mise en valeur du patrimoine pour faire des expositions d’art contemporain, ce serait, d’une part, absurde et, d’autre part, contestable, car notre première mission, c’est, je le répète d’assumer notre responsabilité à l’égard du patrimoine dont nous avons la charge. Compte tenu des efforts déployés pour cet objectif, j’estime accomplir mon devoir. Prenons seulement l’exemple des acquisitions. Jamais elles n’auront été aussi riches que cette année, avec l’acquisition de la console de Saulnier pour le dauphin, des chaises pour l’appartement de Mme du Barry que l’on présentera dans quelques temps, le tapis de la chapelle de Louis XV pour lequel la procédure administrative d’acquisition est en cours…

Le tapis est acquis ?

Pas tout à fait encore. La procédure prend toujours beaucoup de temps. Il faut que la commission ad hoc évalue la justesse du prix puisque celui-ci donne lieu à une remise fiscale de la part de l’Etat. Cela donne lieu à des échanges entre le Budget et la Culture. Entre le moment où l’on engage la procédure et son aboutissement, il se passe facilement six mois. Mais cette procédure conduit à l’enrichissement des collections publiques par de spectaculaires trésors nationaux. Encore une bonne conséquence de la loi sur le mécénat qui a enrichi les dispositions de la « loi musées ».

Vous avez dit au Figaro, à propos de l’exposition Koons, que vous vouliez attirer davantage de visiteurs à Versailles. Mais n’y a-t-il pas déjà trop de monde ?

C’est un résumé un peu expéditif de mon propos. Je pense en effet que la finalité de ce genre d’exposition n’est pas délibérément de faire venir plus de visiteurs. Si on peut cependant ainsi intéresser de nouveaux publics, faire venir des gens qui ne seraient pas venus, ou parfois ne sont jamais venus à Versailles, c’est évidemment une bonne chose. Mais l’objectif n’est pas de faire du rendement au sens mercantile du terme. Versailles reçoit, vous le savez, déjà beaucoup de visiteurs. Les problèmes d’accueil de ce public sont déjà considérables et nous nous y attachons. J’estime, cela dit, que nous avons encore la capacité d’accueillir plus de public à la faveur d’un meilleur aménagement des horaires d’ouverture, en incitant aussi les gens à venir aux heures les moins fréquentées. On remarque que la plupart des visiteurs, malgré la mise en place d’une politique tarifaire plus incitative l’après midi arrive en masse entre 10 h et 13 h. Je souhaiterais qu’on mette en place progressivement des plages d’ouverture plus adaptées, qu’on valorise les nocturnes qui suscitent un intérêt de la part du public et attirent un public régional moins disponible pendant la journée.

Et aussi, comme vous l’aviez dit, en ouvrant plus largement les salles du XIXe siècle ?

Tout à fait. Par petits pas on arrive à amplifier l’ouverture du château. Depuis quelques mois, nous ouvrons systématiquement un étage des salles de la peinture française dans l’aile Nord. Elles sont désormais intégrées au circuit de la visite ce qui nous a permis de réorganiser les flux du public. Faire monter le public par l’escalier Questel évite l’encombrement immédiat du Salon d’Hercule lorsque les visiteurs arrivent par l’escalier Gabriel. Cela fonctionne mieux. On cherche aussi à amplifier l’ouverture de la Galerie des Batailles. J’estime que la base de notre contrat avec le public c’est d’ouvrir les Grands Appartements, les appartements du Dauphin et de la Dauphine qui sont maintenant toujours ouverts, d’ouvrir en fin de semaine les appartements de Mesdames, ce que nous faisons, d’ouvrir tous les jours, au moins un étage, de la peinture française, et d’ouvrir aussi largement que possible dans l’aile du Midi, la Galerie des Batailles plus belle expression de ce Musée de l’Histoire de France qui m’est si cher.
Ces derniers mois, avec la représentation du personnel, nous avons tout fait pour organiser de façon optimale des fonctions d’accueil et de surveillance garante de la qualité de l’accueil du public. On a mis en chantier un nouveau schéma d’organisation du temps de travail, qui permettra aux agents d’opter pour la journée continue, ce qui renforcera notre capacité globale de présence horaire des agents dans les espaces. Dans le cadre d’un système d’apprentissage appelé le Pacte et financé par l’Etat, le gouvernement a mis à notre disposition huit nouveaux agents, ce qui constitue également un renfort apprécié..

On a beaucoup parlé de conflit d’intérêt à propos de la rétrospective Koons, sachant que vous avez été directeur de la Fondation Pinault et que celui-ci est l’un des plus grands collectionneurs de cet artiste, et un prêteur important cette exposition.

Vous savez bien qu’à chaque fois qu’on présente une œuvre provenant d’une collection privée dans une exposition, d’art ancien, d’art moderne ou d’art contemporain, on la valorise. Après l’exposition du mobilier d’argent, certains propriétaires privés se sont posés la question de l’opportunité de proposer leurs objets au marché. Je crois même que l’un d’entre eux l’a fait. Pour ce qui est de Jeff Koons, j’observe qu’il n’a pas attendu cette exposition pour se hisser aux sommets du marché de l’art. Mais elle est incontestablement valorisante pour l’artiste et lui a donné une visibilité supplémentaire incroyable. Faudrait-il ne plus organiser d’expositions pour ne plus valoriser aucun artiste et aucune œuvre ? non évidemment ! On finirait par devenir comme Blanche de Castille qui préférait voir son fils mort à ses pieds que coupable d’un seul péché mortel ? il n’ y a d’ailleurs en l’occurrence pas péché.

Ce qui serait formidable et qui justifierait tout cela, ne serait-ce pas que Jeff Koons cède une de ses œuvres au bénéfice de Versailles ?

Pourquoi pas ? J’aimerais délicatement le lui suggérer. Il me semble que Versailles serait heureux de cette marque de son amitié et de son intérêt pour ce patrimoine exceptionnel. Mais tout cela doit rester délicat et spontané et ne pas relever d’une sorte de vulgaire échange « donnant-donnant ».

Vous avez dit, encore dans le Figaro, que si cela ne marchait pas, vous ne recommenceriez pas. Mais comment allez-vous le savoir puisqu’il s’agit des appartements et non de salles spécifiques ?

C’est un raccourci. Ce que je voulais dire c’est que s’il n’y avait aucune forme d’intérêt du public pour ce type d’exposition, il n’y aurait pas de raison dogmatique d’y persévérer. J’ai plutôt l’impression que l’exposition suscite aujourd’hui un véritable intérêt, si j’en juge en tout cas par l’intensité de la revue de presse internationale et même par le très bon niveau de la fréquentation de ces dernières semaines qui succèdent à un été qui fut, à Versailles, comme dans tous les monuments nationaux, un peu morose. Si nous n’avons pas noté de baisse de la fréquentation, c’est notre prévision de croissance à 5% qui n’aura pas été totalement atteinte sur juillet et août. Cela dit, j’estime désormais que sur l’année, l’objectif global sera atteint, grâce à « mobilier d’argent » et à « Jeff Koons ».

Quand on va dans les salles, on voit que les œuvres sont beaucoup plus protégées, est-ce que cela n’instille pas l’idée dans l’esprit du public que Koons est plus important que les artistes de Versailles ?

Le patrimoine que nous présentons appartient à la Nation et suscite spontanément du respect même s’il peut arriver hélas de voir un forcené s’attaquer aux œuvres d’art. Les œuvres de Jeff Koons ne nous appartiennent pas, elles ont des valeurs d’assurance considérables qui déterminent les primes que nous payons, les prêteurs sont toujours très attentifs aux mesures de sécurité… tout cela détermine une muséographie « protectrice ». Dans l’absolu, je préférerais qu’on puisse présenter ces œuvres sans dispositif de protection particulier. Il est évident que la présentation d’une sculpture sous une cloche de verre ou de plexi ne permet pas de la voir dans des conditions idéales. Prenez Rabbit par exemple, ce clin d’œil au mobilier d’argent comme me le remarquait Béatrix Saule, la brillance de l’œuvre se rajoute à la brillance des vitres, ce qui n’est pas parfait. Si l’on pouvait se passer de tout cela, ce serait parfait. Mais c’est techniquement impossible.

Pour en terminer avec Jeff Koons, vous parlez déjà de refaire une exposition l’année prochaine avec un autre artiste contemporain. Mais n’avez-vous pas le sentiment que cela est trop systématique, et que cela aboutit à transformer Versailles en galerie d’art contemporain ?

Non, il ne faut pas être systématique, et il ne faut arrêter une programmation qu’après avoir travaillé avec un artiste et avoir l’assurance que sa proposition présente un intérêt. Dans le cas contraire, il ne faut pas persévérer mordicus dans un projet qu’on n’estime pas convainquant. Le rythme annuel est intéressant parce qu’il créé un rendez-vous, mais là aussi il n’ y a pas lieu de le considérer comme une obligation mécanique. Je ne cesse de dire, et je le répète, notre premier devoir à Versailles c’est de prendre en charge le patrimoine dont nous avons la responsabilité, de le valoriser, de le faire connaître. C’est pourquoi, l’année prochaine, deux grandes expositions historiques sont programmées, celles consacrées à Louis XIV et celle aux costumes d’apparat dans les cours européennes des XVIIe et XVIIIe siècles. Ce sont les deux points forts de la programmation. Si l’on arrive à y ajouter par ailleurs une programmation contemporaine, pourquoi pas, mais ce n’est pas un pensum.

Vous aviez évoqué dans votre conférence de presse l’intervention de Buren dans l’escalier Gabriel. Est-ce que cela est toujours d’actualité ?

L’escalier Gabriel est décevant. Aux yeux de certains, comme vous, il est intrinsèquement décevant parce que c’est une reconstitution pure et simple. Aux yeux d’autres, ceux de Frédéric Didier par exemple, il est décevant parce qu’il a été réalisé de façon imparfaite et contestable dans l’exécution. Cet escalier est d’une sécheresse incroyable et navrante bien qu’il rende de bien utiles services. La question qui se pose donc est : le laisse t-on dans cet état et s’on accommode t’on ? Essaie t-on de le rendre plus convaincant par une intervention architecturale ce qui est le point de vue de l’architecte en chef des monuments historiques. Essaie t-on d’y introduire une création contemporaine comme pour bien souligner son caractère de monument contemporain, en invitant un artiste comme Daniel Buren à y créer une œuvre ? J’ai eu à ce sujet une conversation avec cet artiste, mais nous ne sommes pas allés au delà d’un échange de points de vues. Tout cela est délicat et complexe et appellerait de toute évidence un vrai débat si on s’engageait dans un projet qui n’est pas pour l’instant à l’ordre du jour.

Que pensez-vous des reconstitutions ?

Je suis par principe opposé à la reconstitution systématique d’éléments disparus, encore qu’une reconstitution puisse être ponctuellement utile à la compréhension d’un monument. En arrivant à la tête de l’établissement, j’ai trouvé le chantier de recréation de la grille royale. Je l’assume d’autant plus que je la trouve utile à la reconstitution du caractère symbolique de l’organisation de l’espace extérieur, du château avec sa progression d’espaces de plus en plus étroits, de plus en plus fermés, la Place d’Armes, la cour d’Honneur, la Cour Royale et même d’ailleurs cet espèce d’autel posé sur un degré qu’est la Cour de Marbre.

Mais je crois qu’il faut, à Versailles, assumer le collage des siècles. Il n’ y a pas lieu de revenir à un état présumé idéal et parfait. Dès qu’on regarde Versailles attentivement, on voit bien à quel point le château, tel que nous le connaissons aujourd’hui procède d’interventions successives et parfois contradictoires. L’exécution du Pavillon Dufour est par exemple assez maladroite. Le non achèvement du projet de reconstruction de l’aile selon le projet idéal de Gabriel a produit une sorte d’écorché, dont les cicatrices sont tout à fait respectables. Je crois qu’en dehors de ce qui a été légitimement fait pour la grille royale, il n’ y a pas lieu de reconstituer des états disparus du bâtiment qui ne s’appuieraient sur aucun éléments existants. Je m’en suis expliqué d’ailleurs très amicalement avec l’architecte en chef, Frédéric Didier, en lui disant que je n’étais pas favorable à la recréation de l’escalier central de l’aile Nord un moment évoquée. Cette aile a été reconfigurée par Louis-Philippe en galerie d’exposition avec son enfilade de pièces sur trois niveaux. Ce serait je crois tout à fait présomptueux, inutile, disproportionné et contestable de vouloir revenir à un état antérieur qui est certes documenté, mais dont il ne reste plus aucun élément.
La question qui peut se poser, mais elle est d’une autre nature, c’est celle de la reconstitution des bosquets. On a là à faire à un patrimoine végétal et donc vivant, dont la reconstitution est, par nature, indispensable à échéances régulières. Quand un bosquet était richement doté en dispositifs hydrauliques et en statuaires aujourd’hui disparues ou très dégradées, sa restitution éventuelle doit cependant être abordée avec beaucoup de prudence, sous peine de produire ce que certains pourraient considérer comme un faux. Dans ce cas, je ne répudierais pas pour ma part l’hypothèse d’une création dans l’esprit du 17 e et 18 e siècle, « à la manière de », ou encore plus délibérément, en procédant à une création contemporaine et cela d’autant plus que la scène française s’honore de créateurs reconnus dans le monde entier.

Il n’est donc pas question de refaire le Labyrinthe.

Celui, dans l’état exact de Charles Perrault, non, bien évidemment. Ce serait bien aventureux et follement coûteux. L’état conçu à la fin du 18 e siècle est également problématique parce que la densité de la plantation y étouffe la végétation qui périclite. L’état actuel est très dégradé et désorganise, par ses hautes futaies, la constance du plafond végétal du jardin du roi. A mon sens, il faudrait soit revenir au premier labyrinthe purement végétal, soit envisager une création paysagère contemporaine. La commission supérieure a longuement débattu de ce problème. Il y aura lieu de conduire ce débat jusqu’à une solution raisonnable et praticable.

Est-il normal que l’on soit architecte en chef à Versailles toute sa vie et que finalement il n’y ait pas d’autre sensibilité qui puisse s’occuper du château ou du parc. Est-ce normal qu’en plus il n’y ait pas, sauf pour la Galerie des Glaces où d’ailleurs à peu près tout le monde a reconnu que la restauration était plutôt une réussite, de commission scientifique qui permettrait des décisions collégiales avec la participation de spécialistes. Ce n’était pas le cas pour la grille

Pour la grille, il y a eu délibération de la Commission supérieure des monuments historiques qui a en l’occurrence émis un avis positif.

Oui, mais elle est consultée au départ, elle donne un accord très large, très global et pas dans le détail.

Ses débats sont très scrupuleux et souvent contradictoires. Ses avis sont motivés et attentifs. S’agissant des architectes en chef des monuments historiques (ACMH), j’en respecte la compétence, mais suis également attaché à l’équité de leur relation avec les propriétaires de monuments. Ministre, c’est moi qui ai ouvert la possibilité pour les propriétaires de recourir à un ACMH de leur choix au lieu de « subir » celui que l’administration leur désignerait. Je trouverais normal, ce qui n’est pas le cas actuellement, que cette capacité soit ouverte aux établissements publics affectataires de monuments appartenant à l’Etat. Il conviendrait alors que la relation entre l’établissement et l’architecte soit établie pour une période renouvelable, suffisamment longue pour qu’elle justifie les longs travaux qu’appelle la connaissance d’un monument, mais pas trop longue pour qu’elle ne devienne pas une prébende ou une habitude. Cela créerait une relation équilibrée et respectueuse. J’ajoute que ce point de vue n’est pas motivé par une quelconque réticence à l’égard de nos deux architectes en chef, MM. Lablaude et Didier pour lesquels j’ai beaucoup d’estime, mais qu’il relève de la conviction que j’ai de la nécessaire évolution des modalités de l’action publique dans le domaine des monuments historiques.

La nouvelle loi qui se conforme à la réglementation européenne prévoit d’ailleurs que les chantiers Monuments Historiques puissent être ouverts à d’autres architectes que les ACMH, là encore sauf pour les monuments nationaux.

Je ne vois pas pourquoi les monuments nationaux seraient assujettis à un règlement totalement dérogatoire. Il est légitime naturellement que l’Etat veille à la qualification rigoureuse des architectes qui interviennent sur les monuments historiques et encore plus particulièrement sur ceux qui lui appartiennent, mais cela ne doit pas ouvrir la possibilité de recourir à d’autres compétences que celles qui se trouvent parmi les ACMH. La question est délicate puisqu’il faut d’un côté maintenir ce lien privilégié fondé sur l’étude et la connaissance entre un architecte et un monument et d’autre part ne pas considérer que cette spécialisation crée un monopole systématique sur la maîtrise d’œuvre de tous les travaux qui s’y déroulent. La bonne formule serait sans doute que les propriétaires ou les affectataires de monuments rémunèrent l’activité d’études et de prescriptions des architectes en chef qu’ils ont choisis pour un mandat d’une durée significative, mais que la dévolution des maîtrises d’œuvre puisse donner lieu à une mise en compétition. Cette formule ne serait cependant pas praticable puisqu’elle consisterait à mettre en compétition des maîtres d’œuvre dont la connaissance du dossier est très inégale ou à exclure de la maîtrise d’œuvre l’architecte en chef du site puisqu’il serait réputé avoir une connaissance privilégiée des données du dossier. Dans ces conditions, la solution réside à mes yeux, dans le maintien de l’association des missions d’études, de prescription et de maîtrise d’œuvre, mais dans le cadre de mandats renouvelables limités dans le temps, en soustrayant de la responsabilité systématique des ACMH les travaux d’équipement et d’aménagement qui ne relèvent pas de problématiques monuments historiques et en prenant l’initiative, pour le dossiers de restauration qui renvoient à des questions historiques et théoriques complexes, de réunir des commissions d’experts, comme ce fut le cas pour la galerie des glaces. L’idée de rétablir l’ornementation de la corniche du Grand Trianon est typiquement une idée sur laquelle un comité d’experts pourrait délibérer utilement, sans préjuger de ce qu’est la responsabilité éminent de la commission supérieure des monuments historiques.

Donc, vous vous engagez à mettre cette commission en place ?

Oui, quand ça me paraîtra nécessaire. Certaines restaurations imposent leur évidence, c’est la cas pour les peintures du Grand Couvert de la reine qui sera mise en œuvre après l’exposition Jeff Koons, grâce au soutien de Martell. Parfois, c’est beaucoup plus complexe comme je l’ai indiqué et la réunion de l’avis de quelques bons experts éclaire utilement le projet.

Justement, puisque cela a été fait pour la Galerie des Glaces, pourquoi ne pas le faire là aussi

Répétons le, ça ne me paraît pas nécessaire. La réunion d’une commission suppose un vrai et important travail, il ne faut s’y engager que lorsqu’on estime que c’est utile et nécessaire.

Mais ne faudrait-il pas tout de même un suivi par quelques spécialistes, même de façon légère, pour discuter des options ?

Ces débats ont lieu à l’intérieur des équipes scientifiques de l’établissement qui n’hésitent jamais à solliciter informellement les avis de leurs collègues ou de spécialistes. N’oublions pas non plus que le choix des opérateurs de la restauration donne lieu à un appel d’offre et que cette consultation est également une occasion d’aborder la question des partis pris techniques, historiques et artistiques de l’intervention. Gardons « l’arme lourde » de la commission dans laquelle le point de vue de l’architecte en chef est bienvenu et nécessaire pour les dossiers extraordinaires.

A propos de la Galerie des Glaces, après la restauration, il continuait à pleuvoir juste au-dessus, car la toiture fuyait. Est-ce qu’à votre avis il n’aurait pas été plus légitime de restaurer la galerie après la réparation du toit ?

Vous le savez, les opérations de restauration des toitures du corps central sont actuellement en cours. Ces travaux sont nécessaires. C’est vrai, en parfaite logique, il aurait mieux valu faire le toit avant les décors, mais quand le prodigieux mécénat de VINCI s’est présenté, il aurait été absurde de le refuser dans l’attente incertaine d’une programmation des crédits de restauration de la toiture. Je pense d’ailleurs que cette restauration a eu un effet déclencheur. Dans la vie, vous le savez, il faut parfois savoir composer l’idéal et le possible. Cela dit, je suis attaché à ce que de la façon la plus systématique, on privilégie l’ordre logique des choses et, de façon générale, la priorité à donner aux travaux les plus nécessaires, ceux qui concernent le clos, le couvert, la sécurité et la sûreté et évidemment ceux qui concernent les parties du monument qui pourraient se trouver menacés. Pour le Grand Trianon, par exemple, j’estime qu’il y a aujourd’hui une véritable urgence à traiter la toiture et les huisseries. Le débat sur le rétablissement de certaines ornementations paraît de ce fait secondaire et relèveraient d’ailleurs des débats d’un comité du type de ceux dont on a parlé précédemment.

Cette commission, vous êtes d’accord qu’elle ne peut pas être choisie par l’architecte ?

Non, naturellement. Il faut que s’y exprime une diversité de points de vues. Il faut qu’elle fournisse un contrepoint. Elle ne peut pas être une simple chambre d’acquiescement. Cela dit, il faut toujours prendre in fine une décision, et c’est à l’Etat, propriétaire et à son établissement affectataire à le faire.

Pour les Bains d’Apollon, vous avez trouvé un mécène puisque le groupe a été rentré cet été.

Les Bains d’Apollon ont été effectivement rentrés, la restauration est en cours ainsi que la réalisation d’un moulage. Le mécène de cette restauration est la Versailles Foundation. Il faudra aussi restaurer le rocher, qui est en très mauvais état, est envahi par la végétation et prend l’eau de toute part. On ne peut envisager de remettre le groupe en place, même s’il s’agit d’une copie, sans restaurer cette « fausse nature » qui constitue son écrin. Je cherche un autre mécène qui prendrait en charge cette autre restauration, dont le coût s’élève à environ 600 000 euros.

Là je vais être un peu provocateur : c’est à peine le double du coût pour l’établissement de Versailles-off et de Jeff Koons…

L’un n’empêche pas l’autre et vice versa. C’est tout cela qu’il faut mener de front et nous le faisons avec détermination. Pour le bosquet des Bains d’Apollon, les plantations ont déjà été restaurées, les allées ont été retracées, les sculptures sont en cours de restauration et on trouvera de l’argent pour le rocher. J’espère que dans le courant de l’année prochaine, tout sera achevé.

Chaque jour apporte une bonne nouvelle. Il y a quelques jours le World Monument Fund m’a informé qu’il allait contribuer pour 50% à la restauration du Belvédère de Trianon. Là aussi je cherche un financement complémentaire pour les cinquante autres pourcent.

Allez-vous poursuivre cette politique indispensable de mise à l’abri des sculptures, clairement la seule manière de les sauver d’après les spécialistes ?

Un certain nombre d’œuvres a déjà été retiré du parc et remplacé par des moulages. C’est le cas pour la statue équestre du Bernin, l’Enlèvement de Proserpine de François Girardon,… toutes les sculptures présentées actuellement dans la galerie basse, comme le Flegmatique, ont été retirées du jardin et remplacé par des copies. Je préfère qu’on fasse des moulages plutôt que des copies. Aujourd’hui il y a peu de sculpteurs capables de réaliser des copies suffisamment précises et convaincantes. Ce sont souvent des réinterprétations qui ne restituent pas le caractère, la finesse, le goût des sculpteurs de l’ancien régime.

Même si le procédé est beaucoup plus mécanique, le moulage permet de mieux conserver à la composition générale du jardin, son caractère d’authenticité. Vous savez que l’établissement a lancé une campagne d’adoption des statues du parc qui, à ce jour, a suscité près d’un million et demi de contributions, sans compter les Bains d’Apollon. Je souhaite qu’on poursuive cette politique pour progressivement restaurer les œuvres originales et leur substituer des moulages, lorsque leur conservation est préoccupante ou que leur qualité artistique est exceptionnelle. Je crois qu’il n’est pas opportun de le faire pour tous les éléments sculptés, notamment pour les éléments purement ornementaux qui, lorsqu’ils sont en bon état, peuvent être maintenus in situ. Mais il est évident qu’il faut mettre à l’abri la statuaire la plus significative et la plus fragile.

Monsieur Arizzoli-Clémentel, que j’avais pu interroger il y a deux ans, m’avait parlé d’un projet de regroupement des sculptures du parc dans la galerie basse du château.

Tout à fait. A terme, le projet est lié au réaménagement de l’aile du Midi puisque nous avons souhaité que la galerie basse, qui offre un passage entre le château et l’Orangerie, soit consacrée à la mise en place de la statuaire déplacée. Aujourd’hui, nous avons installé dans divers endroits du château des éléments de cette statuaire, mais il faut éviter qu’elle soit dispersée de façon aléatoire et insignifiante, n’importe où. L’installation dans la Galerie Basse est pertinente, en revanche, je trouve que les œuvres installées dans la salle des Hoquetons, sont assez incongrues et tombent là « comme un cheveu dans la soupe ». J’estime que le rapatriement de cette statuaire dans le château doit être cohérente et ne doit pas créer chez le visiteur de confusions sur l’origine de ces sculptures. Leur présentation doit constituer un élément de l’intelligence globale du château et de son domaine, de leur construction progressive, de leurs évolutions, de « l’œuvre permanent » qu’a été Versailles.

C’est ce que vous appelez le musée de l’ œuvre ?

Oui. Ce musée de l’œuvre est nécessaire pour permettre au visiteur de comprendre Versailles. Des pièces de statuaires déplacées y auront leur place, sans pour autant que ce musée ait vocation à les rassembler toutes parce que son objet concernera également l’histoire, les bâtiments, les décors éphémères et permanents, l’ameublement.

Si je résume, il y aura donc un parcours cohérent où la plupart des sculptures seront déposées et un musée de l’œuvre qui en présentera quelques-unes pour expliquer l’histoire du château ?

C’est ça.

Les Grandes Eaux se sont développées de manière énorme, une centaine par an, et cela érode les sculptures. De plus, la musique est envahissante et insupportable, à la fin de la journée, on en vient à détester Lully, même quand on aime la musique baroque.

En même temps, le public apprécie beaucoup ce spectacle qui est une caractéristique glorieuse de Versailles. Il faut veiller à donner à ce spectacle de la subtilité et de la délicatesse. C’est la raison pour laquelle, j’ai demandé qu’on substitue à l’ancienne sonorisation qui nappait tout le jardin, des zones de sonorisation distinctes et spécifiques. Je crois qu’on peut encore améliorer cette sonorisation. Il serait dommage que vous n’aimiez plus Lully.

Oui, mais justement, lorsque l’on est entre deux bosquets, on entend deux musiques simultanément, ce qui n’est pas très agréable.

La sonorisation directionnelle a considérablement amélioré les choses et je compte m’attacher à ce que ce soit parfait. Je n’ai pas de goût pour la guimauve… mais je dois dire que le mariage de l’architecture, du jardin, des fontaines, des jets d’eaux et de la musique produit un spectacle dans lequel s’exprime magistralement ce qu’a été le rêve du Roi pour Versailles, ce Roi, quotidiennement obsédé par l’approvisionnement en eaux de ses fontaines, allant jusqu’à souhaiter le détournement de l’Eure. Aujourd’hui, pour d’évidentes raisons, l’eau circule en circuits fermés.

Ce qui occasionne des problèmes de régénération et de prolifération d’algues.

Certes. A Versailles, comme partout en Europe, on constate des proliférations d’algues vertes. C’est pour cette raison on a introduit dans les bassins des carpes du Fleuve Amour qui en sont friandes et qui font bien leur boulot. C’est pour cela aussi que je souhaiterais que l’on redonne un peu de vitalité à l’eau qui circule dans nos circuits et que j’ai invité les collectivités locales de la région de Versailles à une réflexion sur la réactivation de l’aqueduc de Buc, interrompu actuellement au niveau de la gare de Versailles Chantiers, mais dont il reste de très larges portions. Cela nous permettrait de recueillir les eaux pluviales du plateau de Saclay et de faire bénéficier le château d’une eau régénérée, de meilleure qualité chimique et sanitaire et cela dans une logique de développement durable.

Est-ce que vous allez enfin pouvoir débarrasser le bassin de Neptune des gradins qui le défigurent et qui l’abîment pendant une grande partie de l’année ?

Pour ma part, je considère que la présence de ces gradins sur le bassin de Neptune est bien brutale. En même temps je constate qu’ils ont été achetés à crédit et qu’il y a encore deux ans de crédit à payer en 2009 et 2010. J’ai demandé qu’on étudie leur déplacement sur un autre site. Une étude a été faite. Elle conduisait à établir que la réinstallation ailleurs – plusieurs sites ont été envisagés- nécessiteraient des travaux énormes d’adaptation du site et de la structure et cela pour près d’un million d’euros.

C’est inenvisageable. Dans ces conditions, le gradin sera encore monté sur ce site au cours des deux prochaines années. C’est pour les années suivantes qu’on prendra des résolutions pour l’organisation des « fêtes de Versailles » ailleurs.

Donc, en 2011, les gradins partiront.

Oui, c’est nécessaire pour la conservation du site. Il faut d’ailleurs se préoccuper de la meilleure conservation du jardin en général. Les visiteurs doivent apprendre à faire la distinction entre le jardin qui est une sorte de château extérieur et le parc qui est un espace de promenade. Trop de visiteurs le considèrent comme une sorte de jardin public, quand ils y viennent avec leurs bicyclettes, leurs chiens souvent non tenus en laisse et leur ballon. C’est assez navrant

Comment allez-vous faire pour empêcher cela ?

La meilleure solution serait d’inclure le jardin dans le périmètre du château pour bien distinguer entre le jardin et le parc. De toute évidence, le ministère de la culture est, pour le moment, attaché au principe de non-distinction entre le régime de visite du parc et celui du château. C’est dommage. Je le regrette. J’en prends acte. Il faut donc développer un effort accru de sensibilisation du public.

Un autre bassin est en très mauvais état, c’est celui de Latone.

C’est vrai. Il repose sur une architecture hypostyle, fragile. Les marbres, la statuaire, la machinerie hydraulique sont très dégradés. Latone appelle une restauration complète. J’essaie depuis un an de trouver un mécène, sans succès pour le moment. J’ai cependant bon espoir d’y arriver. Dommage que les grands groupes français spécialisés dans la distribution de l’eau n’ait pas encore mesuré l’intérêt qu’ils auraient à associer leur nom à cet immense chef d’œuvre.

Mais il n’y a pas de risques à court terme ?

Non, il n’y a évidemment pas de risques d’effondrement.

S’il y en avait un, vous trouveriez l’argent, même auprès de l’Etat ?

Oui, ça deviendrait à ce moment-là une priorité à traiter en urgence au détriment des autres chantiers en cours. N’oublions pas qu’à travers le schéma directeur l’Etat mobilise chaque année entre 20 et 25 millions d’euros pour les travaux que nous mettons en œuvre. Cet argent, nous l’affectons évidemment aux chantiers les plus nécessaires et les plus urgents : le clos et le couvert, la réfections des installations électriques et caloriques, la sécurité, les équipements de service du public, dont l’amélioration sera spectaculaire après l’aménagement de l’aile Dufour consécutive aux déménagement des services au Grand Commun. Par ailleurs, je suis attaché à ce qu’on dégage plus de moyens pour l’entretien courant trop souvent négligé, ce qui oblige au bout de quelques décennies à engager des travaux de restauration lourds. Pour le moment en tout cas, sur la planification des crédits de l’Etat, il n’y en a pas de disponibles pour le bassin de Latone.

Combien donne l’Etat par an pour ces opérations ?

L’Etat, l’an passé, a mobilisé 24 millions qui, en cours d’année, ont été régulé de 2 millions.

Combien coûterait la restauration de Latone ?

Latone, c’est une affaire de six à sept millions d’euros.

Un autre souci récurrent à Versailles, c’est l’état du sol du parc.

Oui, c’est un vrai problème.

Les terrasses et les allées sont très dégradées malgré les soins qu’on leur prodigue. Cela tient à la forte fréquentation du parc et du jardin. On peut estimer à une vingtaine de millions de personnes le nombre des visiteurs et promeneurs qui s’y déplacent chaque année. Cela tient aussi à la configuration du terrain en pente, ce qui favorise les ravinements. Cela tient, semble t’il aussi, à la manière dont ces allées ont été conçues et à la nature de certains matériaux employés, notamment certaines concrétions calcaires très pulvérulente. J’ai demandé à M. Lablaude, à notre direction du patrimoine et à nos jardiniers, de définir des solutions plus adaptées. Un essai de nouveau mode de revêtement vient d’être fait prêt de la grille de Céres. Nous verrons à la fin de l’hiver comment cet ouvrage a résisté. J’aimerais beaucoup qu’une grande entreprise de travaux publics nous aide à mieux assumer cette part si fragile de notre patrimoine. Je n’ai plus comme Louis XIV des bataillons de jardiniers et d’ouvriers pour sans cesse re-sabler et ratisser, c’est une autre dimension du problème que vous soulevez.

Mais un architecte, justement, est-il compétent pour savoir comment traiter le sol d’un jardin ? N’y a-t-il pas sur un sujet aussi spécifique des spécialistes en dehors du domaine de Versailles ?

Sans doute. C’est bien pour cela que j’ai ouvert une consultation sur le revêtement des sols. Je dois dire que nos jardiniers ont souvent des points de vue d’un très grand pragmatisme car ils connaissent bien ces questions, qui, ajoutées à la connaissance très fine que M. Lablaude a de son jardin et de son histoire, sont extrêmement utiles.

Pouvez-vous nous parler du Musée de l’Histoire de France ?

C’est pour moi une priorité. La mise en œuvre de sa revalorisation est en cours. La première étape, c’est la réalisation d’une salle d’orientation désormais achevée, qui informera le public sur la création du musée de l’ Histoire de France et le rôle qu’ y a joué Louis-Philippe. On y a installé un portrait de Louis-Philippe – représenté avec au fonds la Galerie des Batailles - et de Marie-Amélie, ainsi qu’un portrait de l’architecte Nepveu. Il y a des tablettes avec de l’information précisant l’ histoire du château entre le 6 octobre 1789 et la fin de la Monarchie de Juillet. L’étape suivante, c’est la mise en ligne du Musée de l’ Histoire de France. Le travail est en cours, et aboutira d’ici la fin de cette année, grâce à un partenariat avec Gaz de France, s’appuyant sur un partenariat avec Orange en vue du développement du portail internet. Nos conservateurs y travaillent assidûment, notamment Béatrix Saule, Frédéric Lacaille et Valérie Bajou. La troisième étape, la plus lourde, sera de repenser la mise en valeur physique de ce musée.
La perspective est complexe puisqu’elle suppose des travaux lourds d’équipements dans l’Aile du Nord et dans l’Aile du Midi, ce qui suppose globalement une centaine de millions de crédits d’investissements. En attendant de pouvoir les mettre en œuvre, il faut envisager des ré-accrochages pertinents. C’est ainsi que dans l’aile du nord, nous comptons esquisser ce musée de l’œuvre qui racontera l’ histoire du château dont la visite sera rendue plus compréhensible au public. Un groupe de travail réunissant, collaborateurs du château et personnalités extérieures, dont Laurent Gervereau et Jean-Noël Jeanneney, travaille à la définition de l’orientation culturelle et muséographique de ce projet.

Il y a des salles que l’on ne peut évidemment pas déplacer. Vous arriverez à avoir un parcours cohérent ?

Tous les aménagements qu’a subi le château de Versailles à partir de la fin du XIXe siècle ont perturbé la logique du Musée de l’ Histoire de France. Quelque soit le travail de cohérence qu’on pourra faire pour mieux ordonnancer ses collections et les rendre plus compréhensibles, il y aura toujours des éléments qui resteront isolés. La salle des Etats Généraux par exemple ou les salles des croisades ou les salles d’Afrique qui échapperont toujours à un circuit cohérent. Le schéma vers lequel on se dirigerait serait le suivant : dans l’Aile Nord, l’ histoire du château de Versailles y compris la conception du musée de l’ histoire de France et l’Ancien Régime, dans l’Aile du midi, la révolution, l’Empire, la monarchie de juillet et l’évocation, autour de la Galerie des Batailles de la tentative de reconstitution d’une iconographie de l’histoire de France, de Mérovée aux Valois. Ainsi Versailles retrouvera l’une de ses dimensions essentielles, trop souvent occultée, trop souvent négligée, trop souvent oubliée.

Où en est le projet de réserves ?

Pour les objets d’art, les livres, les gravures et les dessins, il est lié à l’achèvement du Grand Commun. Par ailleurs, nous avons commencé à améliorer dans le Grand Commun, l’aménagement de réserves pour les meubles et les peintures. C’est un dossier auquel s’attache, avec zèle, M. Arizzoli-Clémentel.

Comment Versailles s’inscrit dans le projet d’Abou Dhabi ? Vous êtes favorable à ce projet.

Le château de Versailles est actionnaire de France-Museums et participe à son conseil d’administration. Nous n’avons cependant pour l’instant engagé aucun projet précis avec cette structure. Pour ce qui est du Louvre, j’ai toujours dit que j’étais favorable à ses initiatives extérieures dont celle d’Abou Dhabi, à partir du moment où ce grand musée était fidèle à ses principales missions de service publique : l’animation culturelle de son site principal, la collaboration confraternelle avec les autres musées français et étrangers notamment.

Une dernière question sur les acquisitions, dont vous soulignez l’importance.

Cela faisait très longtemps qu’on n’avait pas acquis pour Versailles comme on l’a fait cette année. L’acquisition de la console de Saulnier grâce à KPMG démontre la capacité de l’établissement de faire revenir des trésors nationaux. Une série de quinze importants dessins d’architecture a été acquise récemment en vente publique. A chaque fois qu’en vente publique apparaît un objet qui peut intéresser le château de Versailles, je tiens beaucoup à ce qu’on fasse le maximum pour tenter de l’avoir, y compris quand il s’agit d’objets modestes comme le bâton du maître d’hôtel de Marie Thérèse d’Autriche récemment acquis chez Sothebie’s, grâce à un don de M. de Royère. Même si l’objet n’est pas très spectaculaire, il est important et émouvant. Il y a peu de souvenirs de la femme de Louis XIV à Versailles.

Donc vous n’avez pas peur d’acheter des objets bon marché, contrairement à certains musées qui ne s’intéressent qu’aux prix élevés et aux montages compliqués ?

Bien sûr. Cet objet a été payé 8.000 euros environ. Mais sa présence honore les collections du château. J’aimerais qu’on puisse le présenter dans l’appartement de la reine. Juste retour.

Propos recueillis par Didier Rykner

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