- Roselyne Bachelot, ministre de la Culture
lors de la présentation à la presse du budget 2021
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
On sait que la présentation du budget de la Culture est en général un exercice d’autosatisfaction basé sur des chiffres souvent biaisés. La réalité de l’effort consacré par l’État en faveur des monuments historiques et des musées ne peut souvent se voir qu’après son exécution, soit près d’un an après la fin de l’année, sur le site de la performance publique qui permet de savoir ce qui a été réellement dépensé. Car il ne faut pas confondre les autorisations d’engagement du projet de loi de finance, qui sont des promesses de dépenses qui peuvent se répartir sur plusieurs exercices, les crédits de paiement, qui sont les montants devant être réellement dépensés dans l’année, et les crédits de paiement finalement exécutés, qui seuls permettent de savoir si les promesses ont été tenues.
Nous avions vu l’an dernier que l’exécution de 2018 avait été proche de ce qui était annoncé, et que 2019 et 2020 seraient probablement meilleurs que les exercices précédents en raison notamment de l’augmentation des crédits dus à la mission patrimoine de Stéphane Bern. Nous regarderons plus tard plus en détail quelle a été l’exécution de 2019, et comment se présente 2021, mais nous voudrions dans cet éditorial surtout signaler une différence majeure avec les années précédentes, et depuis longtemps : il y a aujourd’hui un véritable ministre de la Culture.
Quoi que l’on puisse penser du passé politique de Roselyne Bachelot, force est de reconnaître que le poste de ministre de la Culture, dont elle ne cachait pas depuis longtemps qu’il était le seul qui la ferait revenir au gouvernement, semble lui aller comme un gant. Pour la première fois depuis des années, nous avons enfin un ministre de la Culture cultivé, avec une forte personnalité, qui connaît bien ses dossiers comme en témoigne sa présentation du budget et les réponses faites aux questions des journalistes, sans notes et sans l’aide de ses conseillers, et qui dispose enfin d’un vrai poids politique. Mieux encore : elle connaît les arcanes de l’administration et ne semble pas se laisser dicter sa politique par les hauts fonctionnaires. Lors d’une réunion récente, après avoir écouté l’un d’entre eux expliquer doctement pourquoi une décision qu’elle avait prise n’était pas possible, elle l’a remis à sa place en lui expliquant que la personne qui décidait, c’était elle, et que ce qu’elle demandait devait être exécuté.
Si le budget 2021 doit être examiné de près et réserve sans doute quelques surprises bien cachées, comme tous les budgets, force est de constater que l’augmentation affichée est importante. Quel ministre de la Culture récent aurait pu se prévaloir d’une progression budgétaire de 4,4 % du programme patrimoines, dans un tel contexte, et surtout hors plan de relance, lui-même réellement conséquent ? Certes, tout n’est pas rose et ne le sera sans doute pas. Nous reviendrons sur la répartition de ce plan de relance qui n’est à notre avis pas suffisant pour le patrimoine privé. On aimerait que la ministre réponde enfin clairement aux demandes légitimes des guides-conférenciers qui appellent au secours depuis des mois et semblent peu entendus ; on voudrait qu’elle se prononce rapidement sur les nombreuses menaces patrimoniales que nous dénonçons régulièrement ; nous aurions aimé aussi, par exemple, que le poste « Acquisition et enrichissement des collections publiques » dans ce budget soit enfin revalorisé comme il le mériterait, ayant été drastiquement diminué en 2013 (voir l’article) et étant reconduit à l’identique chaque année, ce qui veut dire une baisse à euro constant. Nous aimerions que beaucoup de choses puissent être faites, et sans doute peu le seront. Mais au moins a-t-on aujourd’hui l’impression d’avoir un ministre de la Culture, ce qui, après les Aurélie Filippetti, Fleur Pellerin, Audrey Azoulay, Françoise Nyssen et Franck Riester, change un peu. Et en plus, Roselyne Bachelot s’entend très bien avec Stéphane Bern !
On nous trouvera peut-être trop optimiste. Peut-être serons-nous déçu (c’est même hélas probable), mais l’espoir fait vivre…