Versailles : Jean-Jacques Aillagon s’oppose à l’ancien président de l’établissement public

1/1/12 - Patrimoine - Versailles, Musée et domaine national du château - En 2011, Jean-Jacques Aillagon, alors président de l’Etablissement public de Versailles, avait soutenu [1] l’implantation de Roland-Garros sur les terrains des Matelots et des Mortemets, promis à l’Etablissement public de Versailles (voir l’article). Ce projet, outre deux stades de 31 m de haut, plus vastes que le Palais omnisport de Bercy, comprenait des « programmes complémentaires […] valorisés par l’Etablissement public de Saclay […] dans le domaine de l’hôtellerie et l’hébergement touristique […] et dans le domaine commercial  », programme complété par un « centre médical ou un centre de remise en forme », à quelques dizaines de mètres du Grand Canal [2].
Quelques jours avant son départ à la retraite, la dernière décision du même Jean-Jacques Aillagon [3] fut d’imposer la construction de dizaines de logements HLM à Chèvreloup, créant un précédent particulièrement dangereux pour le reste du Domaine et la plaine de Versailles (voir l’article).

Il est donc particulièrement savoureux de lire ce qu’écrit Jean-Jacques Aillagon le 2 octobre 2011, soit deux jours après son départ à la retraite, dans la postface du Versailles en 50 dates qu’il vient de publier :

Limites du Domaine national de Versailles,
hérité de Louis XIV (en rouge),
d’après Joseph de Villanez, vers 1735.
La position approximative des zones à urbaniser
est indiquée en rouge.
Voir l´image dans sa page

« J’écris ces lignes le 2 octobre [2011] au matin. Depuis quelques heures, j’ai soixante-cinq ans. Ayant été invité à faire valoir mes droits à la retraite, je [forme] des vœux pour Catherine Pégard […]. A ces vœux, j’ajouterais volontiers quelques recommandations, tout en étant conscient qu’on ne peut jamais disposer pour un temps qui ne vous appartient plus. Les mânes de Louis XIV lui-même en auront fait l’expérience. Mort le 1er septembre 1715, le grand roi, auquel je n’aurais naturellement pas l’outrecuidance de me comparer, verra son testament cassé quelques jours plus tard. Cependant, […] tentons d’imaginer ce que pourrait être Versailles dans quelques années.
On aura poursuivi, de façon inlassable, la reconstitution du domaine royal de Versailles dont certaines parties étaient encore affectées, en 2011, à d’autres institutions, le potager du Roi au ministère de l’Agriculture, le terrain des Matelots [4]
au ministère de la Défense, le domaine de Chèvreloup au Muséum d’histoire naturelle. Le « Grand Versailles » rassemblera alors, dans le même enclos, le vaste territoire qui court du coteau de Satory au domaine de Marly. La continuité topographique du domaine aura été rétablie là où elle avait été interrompue par des voiries inopportunes, comme la route départementale 10 qui séparait les jardins du château de ses extensions méridionales, le potager du Roi, la pièce d’eau des Suisses, les Mortemets et les Matelots. On aura enterré une section de cette route de façon à ce que le paysage qui s’offre aux visiteurs de l’appartement de la Reine retrouve sa limpidité et qu’on puisse se promener du parterre de l’Orangerie au pied du coteau de Satory sans rencontrer une seule voiture. […]La vigilance de l’Etat à l’égard de la protection du paysage qui entoure Versailles n’aura pas été prise en défaut. Auront été vigoureusement et courageusement écartés les projets d’aménagement ou d’équipement insuffisamment scrupuleux à l’égard de la délicatesse de cette nature dessinée qu’est, depuis Louis XIV, la plaine de Versailles.  » [5]

Jean-Jacques Aillagon recommande par conséquent de faire le contraire de ce qu’il a pratiqué au cours de sa présidence, ce qui est bien étrange [6].
Nous sommes donc particulièrement heureux de compter dans nos rangs un nouvel opposant de poids à la politique voulue par la mairie de Versailles qui souhaite urbaniser plusieurs parties du parc [7], parmi lesquelles celles que défend désormais Jean-Jacques Aillagon. On ne peut qu’espérer que Catherine Pégard, nouvelle présidente de l’établissement public, s’opposera avec force aux orientations de son prédécesseur, Jean-Jacques Aillagon, et suivra les recommandations de l’ancien président, Aillagon Jean-Jacques.

English version

Didier Rykner et Julien Lacaze

Notes

[2Ancien site de Versailles Roland-Garros (qui n’est aujourd’hui plus en ligne), rubrique « Questions/réponses », question 5.

[4Les parties en gras sont soulignées par nous.

[5Jean-Jacques Aillagon, Versailles en 50 dates, Paris, Albin Michel, nov. 2011, p. 319-320

[6Le 9 février 2011, Jean-Jacques Aillagon écrivait d’ailleurs sur son blog, en réponse à notre article du 2 février : « Je sais bien qu’on pourrait, in abstracto, rêver pour ce vaste site de solutions qui viseraient à la reconstitution pure et simple de la structure paysagère de cette partie du domaine historique de Versailles. Je crains, cependant, que les circonstances faisant, nous ne serions pas en mesure d’atteindre cet objectif de si tôt. Il s’agit donc pour moi de marquer de l’intérêt à la meilleure des autres solutions. Celle de la venue de Roland-Garros à Versailles me semble, à cet égard, digne d’être soutenue. Elle peut constituer pour le château de Versailles la chance de sauver d’une trop longue négligence une partie très fragile de son vaste domaine »

[7Nous avons reçu, de la mairie, une courte réponse à notre article, que nous publierons d’ici quelques jours.

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