Vermeer ou comment maquiller un fiasco en succès

Vue de l’exposition « Valentin » au Louvre
Photo : Didier Rykner
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Le communiqué de presse du Louvre sur la fréquentation des expositions « Vermeer et les maîtres de la peinture de genre » et « Valentin de Boulogne. Réinventer Caravage » paraissait déjà suspect, qui créditait « Valentin de Boulogne » de 205 000 visiteurs alors que le public, de l’avis de tous ceux qui ont eu la chance ou le courage de s’y rendre malgré les conditions de réservation, y était très clairsemé. « Vermeer » aurait pour sa part reçu près de 325 000 visiteurs selon le même communiqué, qui n’hésite d’ailleurs pas à faire la somme des deux chiffres, pour expliquer que les expositions avaient accueilli au total plus de 529 000 visites. Attention : il est bien écrit « visites », pas « visiteurs » ! Une même personne allant à la fois voir Vermeer et Valentin et hop, deux visites ! Une manière de compter qui constitue une première semble-t-il mais qui peut passer inaperçue pour peu qu’on aille trop vite.

Lorsque deux expositions étaient organisées en même temps dans le Hall Napoléon, le Louvre avait toujours pris pour habitude de compter autant de visites pour l’une que pour l’autre, n’ayant pas la possibilité de savoir qui visitait l’une sans aller voir l’autre. Ici, la disproportion entre la fréquentation de « Vermeer » et celle de « Valentin » était tellement évidente, qu’une distinction a donc été tentée, 325 000 visiteurs ayant vu « Vermeer » donc, et 205 000 « Valentin ». Selon toute vraisemblance, il faut considérer que parmi les 325 000, tous auraient vu « Vermeer, » et 205 000 d’entre eux auraient visité, en plus, « Valentin ». Ce dernier chiffre est évidemment sujet à caution, d’autant que le Louvre, dans ce communiqué, assène une grosse contre-vérité en prétendant que« Vermeer et les maîtres de la peinture de genre » serait le plus grand succès du musée depuis 10 ans.

Le Quotidien de l’Art en effet, dans son édition datée d’aujourd’hui, s’est aperçu qu’en 2012 (il y a cinq ans), l’exposition « Raphaël , les dernières années », avait reçu 358 000 visiteurs ! Mais on peut aller plus loin encore : si l’on regarde depuis dix ans (depuis 2008 donc), on constate que ce ne sont pas moins de trois expositions qui ont dépassé « Vermeer » (chiffres indiscutables car tirés des rapports annuels du Louvre) : outre « Raphaël », il faut ajouter, en 2008, « Mantegna » avec 331 850 visiteurs et en 2009, « Titien, Tintoret, Véronèse. Rivalités à Venise » qui en a attiré 410 238, soit 85 000 de plus que Vermeer. Ces dix dernières années, « Vermeer », contrairement à l’affirmation du Louvre, est seulement la quatrième exposition en terme de fréquentation. Et si l’on remonte un peu plus haut, soit 2003 (nous ne disposons pas des rapports avant cette date), on remarquera qu’« Ingres » en 2006 a fait venir 379 452 visiteurs. Si l’on compte le nombre de visiteurs par jour d’ouverture des expositions, sans même prendre en compte les ouvertures supplémentaires, en soirée notamment, de « Vermeer » [1], on obtient exactement la même chose à une exposition près. Soit « Ingres » : 5499 visiteurs par jour ; « Rivalités à Venise » : 4411 ; « Raphaël » : 4419… Et Vermeer » : 4220 seulement. Seul « Mantegna » passe sous « Vermeer » avec 3858 visiteurs par jour. On peut en revanche rajouter une exposition de 2003, « Léonard de Vinci. Dessins et Manuscrits », qui a accueilli 322 000 visiteurs en seulement 59 jours. 3000 de moins que Vermeer certes, mais 5457 visiteurs par jour (1237 de plus par jour que « Vermeer) » !

On remarquera donc que depuis 2003, cinq expositions ont dépassé « Vermeer » en chiffre total de fréquentation et cinq également en nombre de visiteurs par jour (et parfois de beaucoup) sans qu’il ait été nécessaire de mettre en place des réservations obligatoires et sans que des files d’attente démesurées ne fassent renoncer nombre de visiteurs potentiels à les voir. Nous avons reçu beaucoup de témoignages de personnes ayant finalement abandonné, notamment ceux qui bénéficiaient de la gratuité (certains allaient jusqu’à retirer plusieurs entrées, à différentes dates, pour se donner le choix). Il y a donc lieu de penser que le nombre d’entrées est encore surestimé.

La démonstration est imparable : le Louvre ne dit pas la vérité sur les chiffres, et tente de transformer en succès l’un des pires ratages de son histoire : conditions de visites déplorables, rétrospective « Valentin » sacrifiée, contingentement des entrées gratuites, vente forcée... Et désormais, la preuve que ce qui aurait été un succès énorme dans n’importe quel autre lieu que le Louvre [2], est en réalité un échec cuisant.

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