Mobilier urbain à Paris : ne pas se tromper de questionnaire !

1. Copie écran du questionnaire Ville de Paris
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La Mairie de Paris, qui depuis des années s’acharne à enlever le mobilier historique de Paris ou à le laisser se dégrader de manière désastreuse, et à le remplacer par un mobilier dépareillé et très moche, a décidé de lancer une grande consultation pour une « nouvelle esthétique pour Paris » (ill. 1). Entendre la Mairie de Paris parler d’esthétique, équivaut un peu à écouter Ed Wood parler de cinéma ou Barbara Cartland de littérature et le seul conseil que nous souhaiterions lui donner ce serait d’arrêter de vouloir « réinventer » Paris un peu à la manière de ce qu’aurait fait le docteur Frankenstein.

Un questionnaire en ligne a donc été établi, ouvert jusqu’au 30 juin, que vous pourrez trouver ici. Conformément à l’habitude de cette mairie dès qu’il est question de culture, de patrimoine et d’urbanisme dans la capitale, ce questionnaire n’est ni fait, ni à faire.


2. Une des assises proposée par le questionnaire de la Ville de Paris.
Ce banc de type ancien est couvert d’auto-collants !
Photo : Joséphine Brueder-Ville de Paris
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3. Une des assises proposée par le questionnaire de la Ville de Paris.
Ce banc de type ancien est en bon état, mais curieusement orienté
Photo : Guillaume Bontemps-Ville de Paris
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Le premier chapitre consacré au mobilier urbain oppose deux formes de bancs classiques, appartenant au vocabulaire de Paris, que l’on doit noter de 1 à 5. Et le plus drôle, c’est que pour le banc que l’on trouvait le plus souvent dans Paris et qui est aujourd’hui en voie de disparition, ou de dégradation irréversible, la mairie n’a même pas pu en trouver un qui ne soit pas couvert d’autocollants (ill. 2) ! Pour le second, sa disposition (dos à l’allée) est ridicule (ill. 3) ; mais on observe de plus en plus certains bancs corrects être ainsi placés n’importe comment, sans doute pour en dégoûter les gens. En même temps, la question est tout de même simple et on ne voit pas qui peut aimer - à moins de ne pas aimer Paris, ce qui est finalement fréquent - l’assise (sic) D ou l’assise G. Quant à « l’assise » F, qui défigure les abords du Panthéon, le point de vue pourrait laisser penser que c’est presque « esthétique ». Nous renvoyons donc à l’article que nous lui avons consacré.
La question qui suit est totalement biaisée : « Souhaitez-vous que le nombre de mobilier urbain (banc, etc.) soit réduit dans l’espace public ». Comment répondre à cette question sans plus de précisions ? Nous sommes, bien évidemment, totalement opposé à l’envahissement de l’espace public par du mobilier moche comme les « uritrottoirs » ou les bancs en palette de bois, en revanche nous souhaitons davantage de beau mobilier du type Haussmann…

4. Pavement dont la plus mauvaise note possible est 2 (pas 1 comme c’est le cas pour tous)
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Vient ensuite une question sur « la couleur dans l’espace public » avec une fontaine Wallace peinte en rouge (le comble du mauvais goût, par ailleurs totalement contraire à leur caractère monument historique qui veut que leur couleur d’origine, verte, soit respectée). Et voilà tout ce sur quoi on pourra se prononcer.
Puis on demande quel marquage au sol on préfèrerait : une couleur vive, ou une couleur claire. Bien évidemment, pour l’esthétique parisienne une couleur claire est bien préférable.
La question sur le revêtement de sol ressemble un peu à celle sur les « assises ». Mais que signifie revêtement de sol ? S’agit-il de sol sur les trottoirs ? sur la chaussée ? Seul le C (le bon vieux pavé parisien) devrait être plébiscité. On s’interroge tout de même : pourquoi la notation de l’horrible pavement B (ill. 4) commence-t-elle forcément à 2 et pas à 1, ce qui lui donnera forcément un avantage par rapport à d’autres ? Il est incroyable qu’avec un service communication pléthorique comme celui de la Mairie de Paris on soit incapable de créer un questionnaire bien fait.


5. Un des choix de végétalisation donné par le questionnaire de la Ville de Paris.
Bien loin de la réalité que l’on peut constater tous les jours
Photo : APUR
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6. Un des choix de végétalisation donné par le questionnaire de la Ville de Paris.
Bien loin de la réalité que l’on peut constater tous les jours
Photo : APUR
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La question sur la « végétalisation » est la plus perverse. Car on y voit des rues « végétalisées » à peu près propres qui pourraient donner envie de voter pour elles. Photoshop a sûrement bien travaillé : on ne sait pas, en effet, où ils ont pu trouver des rues ressemblant à ça (ill. 5 et 6). Il faut dire que les photos sont en très basses définition, ce qui laisse un flou artistique... Vu ce que devient toute végétalisation parisienne, il est plus sûr pour ceux qui connaissent la réalité de voter 1 pour tout (c’est la plus mauvaise note) et, à la limite, 2 pour le D.

Le questionnaire se termine sur la question : « Quel est l’endroit que vous trouvez le plus beau à Paris ? ». Le premier réflexe est de se dire que les endroits beaux à Paris sont tellement nombreux qu’il est difficile d’en trouver un ; le deuxième est de se demander lequel n’a pas été abîmé par la Mairie de Paris ; et la troisième consiste à s’interroger : mais que vont-ils faire de notre réponse, et qu’est-ce que cette question signifie, comme si le jardin du Palais-Royal avait un quelconque rapport avec la place des Vosges… S’il s’agit de transformer la place des Vosges en jardin, c’est non ! Et que dire de la place de la Concorde, l’une des plus belles places au monde, et aujourd’hui l’une des plus détériorées par la saleté, les publicités, les occupations en tout genre, l’état des statues…

Ce questionnaire est donc fort mal fait, et surtout on ne voit pas très bien ce que la mairie pourrait en tirer en supposant même qu’elle souhaite le prendre en compte. Comme si l’esthétique de Paris, ville théoriquement très protégée du point de vue de la législation des monuments historiques devait se traiter par référendum…

6. Copie écran du contre-questionnaire
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Mais heureusement, l’imagination des Parisiens hostiles à ce massacre permanent de la capitale et dont beaucoup sont actifs sur Twitter a entrainé la création d’un contre-questionnaire que vous trouverez ici (ill. 7). Il se veut proche de celui de la mairie, mais en évitant les biais que nous avons signalés plus haut. Nous ne pouvons qu’encourager les lecteurs de La Tribune de l’Art à y répondre. Il est en effet beaucoup plus complet, et l’amoureux de Paris pourra notamment dire ce qu’il pense des aménagements actuels et de ce qu’il souhaiterait en terme de bancs, de voirie et d’aménagements cyclistes (avec des visuels beaucoup plus clairs), mais aussi de sanisettes, de fontaines, d’éclairage public, de pieds d’arbres ou de poubelles…

Et que croyez-vous qu’il arriva : lancé le 9 mars, le questionnaire lancé par les internautes recueille à l’instant où nous publions cet article 1716 réponses, et celui de la Mairie de Paris seulement 775 (avec une progression beaucoup moins rapide). Malgré l’effectif de son équipe de communicants, la Mairie de Paris a manifestement encore un peu de travail à faire.

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