Nombreux problèmes judiciaires et financiers pour Rocher Mistral

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1. Le château de La Barben
Photo : Didier Rykner
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Rocher Mistral et Vianney d’Alançon viennent d’être condamnés, en première instance, par le tribunal d’Aix-en-Provence pour les travaux non autorisés effectués au château de La Barben (ill. 1 ; voir les articles). La lecture du jugement est intéressante. Si les prévenus ont été relaxés pour « l’infraction d’atteinte non autorisée à la conservation d’habitat naturel d’une espèce protégée », ils ont été condamnés sur tous les autres chefs d’inculpation :

 Exécution de travaux ou utilisation du sol en méconnaissance du règlement national d’urbanisme,
 Exécution de travaux non autorisés par un permis de construire,
 Création ou modification irrégulière d’un espace public ou d’une voie dans les abords d’un monument historique,
 Construction nouvelle irrégulière soumise à autorisation préalable dans les abords d’un monument historique,
 Réalisation sans autorisation préalable de travaux sur un immeuble protégé au titre des abords,
 Exécution de travaux sur un immeuble classé au titre des monuments historiques sans autorisation préalable,
 Réalisation irrégulière d’aire de stationnement, de dépôt de véhicules ou de garage collectif de caravanes ou de résidences mobiles de loisirs,

Ce qui fait tout de même beaucoup, sans compter que d’autres infractions potentielles n’ont - pour l’instant - pas fait l’objet d’une procédure, notamment celles concernant l’intérieur du château (voir cet article).

En conséquence, et même si celle-ci est assortie d’un sursis simple, la SAS Rocher Mistral est condamnée à une amende de 70 000 euros, et Vianney d’Alançon à 20 000 euros. Ils sont, surtout, condamnés à restituer les lieux, notamment l’ancien potager (ill. 2) et les jardins, ainsi que les deux parkings aménagés. Par ailleurs, les éléments de la « base vie », c’est-à-dire les préfabriqués destinés à accueillir les employés, doivent être retirés. Les condamnés ont annoncé qu’ils feraient appel : celui-ci est suspensif, ce qui permettra au parc d’ouvrir une nouvelle saison qu’on espère fermement être la dernière.


2. L’ancien potager, transformé en champ de foire, qui doit être remis en l’état
Photo : Didier Rykner
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Car outre les ennuis judiciaires, la SAS Rocher Mistral fait face, manifestement, à de graves problèmes financiers. Si l’on ne dispose pas encore des comptes de 2023, ceux des deux premières années d’exploitation du site, soit 2021 et 2022, montrent à chaque fois un résultat d’exploitation (très) négatif : 5,4 millions en 2021 et 6,1 millions en 2022 (il était déjà négatif de 1,3 millions en 2020…). Si en 2021, les subventions publiques notamment, produits exceptionnels, ont permis de réduire les pertes à « seulement » 2,5 millions d’euros, cette manne diminue fortement en 2022, malgré encore une subvention de la Région, et la perte se monte cette année là à 6,4 millions d’euros.
Comme il n’y a aucune raison que ces pertes, structurelles dans l’état actuel du projet, aient été très inférieures en 2023, cela nécessite évidemment que les caisses soient renflouées, ce qui explique que plusieurs augmentations de capital ont été décidées en janvier 2024.

La première augmentation de capital concernait l’émission de 55 600 actions d’une valeur unitaire de 126 € dont 10 € de valeur nominale et 116 € de prime d’émission, soit un total de 7 M€ ; il est intéressant de voir que cette augmentation de capital a été entièrement financée (par tous les actionnaires, sauf Vianney d’Alançon) grâce à un abandon de créances, ce qui signifie que cela n’a fait entrer dans la société aucun argent supplémentaire, et que ces créances ne seront jamais remboursées puisqu’elles sont transformées en action pour une valeur nominale de seulement 556 000 euros, le reste (6 450 000 euros) correspondant à une prime d’émission, c’est-à-dire à la valeur à laquelle les associés estiment le prix réel de ces actions.
Comme il faut bien combler les pertes, une deuxième augmentation de capital a été décidée juste après la première, prévoyant cette fois l’émission de 10 700 nouvelles actions, aux mêmes conditions que la précédente (soit 10 € de valeur nominale et 116 € de prime d’émission), pour un total de 1 348 200 €. Il semble (nous n’avons pas pu en avoir confirmation) que cette augmentation de capital, cette fois, à laquelle ont participé les mêmes associés (à l’exception de Ricardo Ranch, propriété de la famille Deniau), ait été effectuée en numéraire, ce qui est nécessaire comme nous le disions pour éviter la cessation de paiement.

Une troisième augmentation de capital est même envisagée, cette fois uniquement par la Financière du Steir, associé plus récent, et doit l’être dans les trois mois à partir du 25 janvier, soit avant le 25 avril. Aura-t-elle lieu malgré la condamnation de Rocher Mistral et de Vianney d’Alançon ? On ne le sait pas : Jean-Pierre Dréau, président de la Financière du Steir, ne nous a pas répondu. Nous n’avons malheureusement pas eu davantage de réponses à nos question sde la part de Vincent Montagne (famille Michelin), car celui-ci est actuellement en déplacement, ni de Benoît Habert (famille Dassault), aucune de nos tentatives pour le joindre n’ayant abouti). Cela est dommage, car tant les Michelin que les Dassault sont des mécènes du patrimoine, via leurs fondations. Comment peut-on ainsi donner de l’argent pour des restaurations de monuments historiques, et parallèlement participer au vandalisme d’un monument historique ? Nous aurions aimé le comprendre.

Notons enfin, pour ceux qui s’étonneraient qu’une société qui paraît aussi mal en point soit valorisée à un tel niveau (116 euros de prime d’émission pour 10 euros de valeur nominale), que le commissaire au compte, ce qui est plutôt inhabituel dans ce type d’opération, n’a pas voulu s’engager sur ce montant. Il explique en effet que « le prix d’émission des actions résulte de négociations entre les associés. De ce fait, le Président n’a pas donné dans son rapport le choix des éléments de calcul retenus pour la fixation de ce prix et son montant avec leur justification, prévus par les textes légaux et règlementaires ». On peut en effet penser qu’il serait difficile de justifier un tel prix pour une telle société, aussi endettée et avec de tels résultats. Et on peut s’étonner que, malgré l’obligation légale et règlementaire (c’est le commissaire aux comptes qui parle), les justifications du prix d’émission n’aient pas été fournies. Mais sans doute Vianney d’Alançon, qui après ces différentes opérations est désormais très minoritaire (il ne possède plus que 6,8 % des actions), va-t-il demander une régularisation ?

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