Les peintures d’Hippolyte Flandrin à Nîmes en danger

1. Charles-Auguste Questel (1807-1888)
Église Saint-Paul
Nîmes
Photo : Didier Rykner
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29/6/21 - Patrimoine - Nîmes, église Saint-Paul - L’église Saint-Paul de Nîmes (ill. 1), construite par l’architecte Charles-Auguste Questel, possède un ensemble remarquable de peintures murales d’Hippolyte Flandrin, que nous avons répertoriées, ainsi que les autres œuvres de l’édifice, dans notre base Stella. Ce décor orne le chœur et les deux chapelles de part et d’autre du chœur. On retrouve dans ces dernières deux théories de saints (ill. 2), comparables à ce que l’artiste réalisera à grande échelle à Saint Vincent de Paul, tandis que les trois culs-de-four sont peints de scènes rappelant les mosaïques byzantines, comme à Saint-Martin d’Ainay à Lyon, exécuté après Nîmes. Le chœur est proche dans sa conception de celui l’église Saint-Germain-des-Prés dont la réalisation est pratiquement contemporaine. Comme à Saint-Germain-des-Prés, d’ailleurs, il collabora sur ce chantier avec Alexandre Denuelle pour les peintures purement décoratives. C’est dire l’importance de cet ensemble pour la connaissance de l’œuvre de Flandrin, mais également pour toute la peinture française du XIXe siècle.


2. Hippolyte Flandrin (1809-1864)
Saints martyrs
Peinture à la cire
Nîmes, église Saint-Paul (chapelle à gauche du chœur)
Photo : Didier Rykner
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Une partie de ce décor est aujourd’hui en grave danger. Des quatre figures d’anges se trouvant au-dessus des théories de saints, deux sont dans un état presque désespéré (ill. 3 et 5), même si l’on peut encore les restaurer et en sauver quelques éléments. Nul doute que d’ici peu rien ne pourra plus être récupéré.


3. Hippolyte Flandrin (1809-1864)
Ange (état actuel)
Peinture à la cire
Nîmes, église Saint-Paul
(chapelle à gauche du chœur)
Photo : Didier Rykner
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4. Ange de l’ill. 3 avant les dégradations
Photo : CAOA/Base Mémoire
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De quand datent ces dégradations ? On trouve, sur la base de données Mémoire du Ministère de la Culture des photographies datées de 2013 (ill. 4 et 6), mais nous n’avons pas réussi à savoir s’il s’agissait de la prise de vue, ou de la numérisation d’une photo préexistante. Mais le constat est là : si rien n’est fait, ces œuvres auront bientôt complètement disparu. Et d’autres parties des peintures sont très dégradées (ill. 7 à 9), même si heureusement cela ne touche pas beaucoup les autres figures, à l’exception des deux autres anges qui font pendant à ceux en train de disparaître, et qui pourraient à terme connaître le même sort.


5. Hippolyte Flandrin (1809-1864)
Ange (état actuel)
Peinture à la cire
Nîmes, église Saint-Paul
(chapelle à droite du chœur)
Photo : Didier Rykner
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6. Ange de l’ill. 5 avant les dégradations
Photo : CAOA/Base Mémoire
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Qui est responsable de ce scandale ? D’abord, bien sûr, la ville de Nîmes, et son maire, Jean-Paul Fournier, à sa tête depuis vingt ans. Vingt ans qui n’étaient manifestement pas suffisants pour restaurer cet ensemble majeur pour le patrimoine de la ville. Il est vrai que ce n’est pas sa priorité principale, et que nous avions déjà parlé de la démolition par sa faute de l’hôtel Colomb de Daunant, pourtant inscrit monument historique (voir l’article).


7. Chapelle à droite du chœur de l’église Saint-Paul, avec les décors d’Hippolyte Flandrin et Alexandre Denuelle
(état actuel)
Photo : Didier Rykner
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8. Chapelle à gauche du chœur de l’église Saint-Paul, avec les décors d’Hippolyte Flandrin et Alexandre Denuelle
(état actuel)
Photo : Didier Rykner
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9. Chapelle à droite du chœur de l’église Saint-Paul, avec les décors d’Hippolyte Flandrin et Alexandre Denuelle
(état actuel)
Photo : Didier Rykner
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Ensuite, bien entendu, le ministère de la Culture qui une fois de plus regarde passivement la disparition de ce qui est pourtant entièrement classé monument historique depuis 1909. Rappelons que cela implique l’obligation de l’entretenir, et que l’État peut imposer des travaux d’office si le propriétaire - c’est-à-dire la mairie - s’y refuse. Roselyne Bachelot pleurait, à juste titre, sur la destruction du Saint Clair guérissant les aveugles d’Hippolyte Flandrin : nous lui donnons ainsi l’occasion de sauver un autre chef-d’œuvre du peintre et, contrairement à ce qui s’est passé à Nantes - elle venait alors d’être nommée - elle a toutes les cartes en main pour le faire. Précisons que nous avons interrogé le maire de Nîmes, la DRAC Occitanie et le ministère de la Culture à Paris à propos de ces peintures en danger, et qu’aucun n’a cru devoir nous répondre. Cela en dit long sur l’intérêt qu’ils leur portent.


10. Grille rouillée, pavage défoncé devant l’église Saint-Paul
Photo : Didier Rykner
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Les menaces sur ce monument montre que, contrairement à ce que voudraient faire croire certains, le patrimoine n’est ni de droite, ni de gauche. On se croirait avec Jean-Paul Fournier, maire Les Républicains, comme dans une église appartenant à la Ville de Paris, gérée par Anne Hidalgo, maire socialiste. Même la grille (ill. 10), rouillée, fait penser à celle de Saint-Vincent-de-Paul... L’indifférence à la culture n’a pas de couleur politique.

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