Le square Pasdeloup détruit par la mairie de Paris

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10/1/23 - Patrimoine - Paris, square Pasdeloup - Il est probable que Paris, sans les architectes des Bâtiments de France, serait encore plus dévasté qu’elle ne l’est. Mais ce qui est en cours devant le cirque d’Hiver, monument protégé [1] de Jacques-Ignace Hittorff, témoigne qu’il y a malgré tout un problème réel de contrôle du ministère de la Culture sur les errements destructeurs de la Ville de Paris. En cela, l’État est complice d’Anne Hidalgo.


1. Vue du square Pasdeloup (état actuel en cours
d’« embellissement ») et du cirque d’Hiver
Photo : Didier Rykner
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En effet, non loin d’un autre scandale patrimonial ancien, mais que nous ne cessons avec d’autres de dénoncer : la destruction de la place de la République (voir les articles), qui a vu notamment éliminer ses squares et affaiblir ses arbres, dont une partie est morte depuis, c’est un nouveau square parisien qui vient d’être rasé impitoyablement : le square Pasdeloup avec l’assentiment de l’architecte des Bâtiments de France.
Contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, ce square n’a pas été créé par Hittorff. Selon le catalogue de l’exposition Hittorff du Musée Carnavalet en 1986 [2], l’architecte souhaitait construire, sur le boulevard des Filles-du-Calvaire, devant le Cirque, une place en forme d’hippodrome antique, avec deux fontaines, d’un modèle proche de ce qu’il avait créé au centre de la place de la Concorde. Mais il ne put mener à bien ce projet, d’autant que sur une partie des emplacements furent construits des immeubles. Nous n’avons pas réussi à identifier l’époque où le square a été créé sur la place portant le nom du musicien Jules Pasdeloup, mais celui-ci est typique de l’urbanisme parisien et participait au charme des lieux. Au centre se trouve la fontaine Dejean, dessinée par l’architecte Jean-Camille Formigé et datant de 1906. Nous l’avions signalée en 2017 dans notre enquête consacrée aux fontaines parisiennes comme étant « en mauvais état, taguée et hors d’eau ». Seule cette fontaine va rester du square qui se trouvait là. Il y a par ailleurs fort à craindre que les arbres ne finissent par dépérir comme c’est souvent le cas à Paris en raison de travaux menés de manière brutale.


2. Square Pasdeloup en cours d’« embellissement »
Photo : Didier Rykner
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Quelle est l’intention de la mairie ? « Ouvrir le square sur l’espace public », notamment « en repens[ant] les circulations dans une logique de traversées linéaires bordées par des bandes plantées sur les surfaces végétalisées existantes ». La novlangue municipale est toujours aussi fascinante.
Cela a impliqué la transformation de ce square si typique de Paris par la destruction des grilles qui l’entouraient et la création d’un « espace jardiné ouvert sur les emprises du square existant, dédié à la promenade et au repos ». On sait ce qu’il advient en général de ces « espaces jardinés », aussi appelés espaces « végétalisés » ou encore - nous ne l’inventons pas, c’est dans le document présentant le projet - « strate arbustive, arborée et herbacée ». Ce qui est certain en revanche, c’est que les enfants ne pourront plus y jouer, car il n’y aura plus aucune séparation avec la chaussée. On imagine les bambins échappant à l’attention de leur mère pour aller voir de plus près les « circulations douces ».


3. Le square Pasdeloup avant les travaux d’« embellissement »
Photo : Pierre-Yves Beaudouin (CC BY-SA 3.0)
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Un aficionado de la mairie de Paris a écrit sur Twitter : « Le square Pasdeloup était depuis longtemps un repaire d’alcooliques, parfois agressifs, souvent insécurisants [sic]. » Nous n’en savons rien, mais cela est probable puisque la politique de la mairie de Paris a consisté à supprimer tous les surveillants de square et que ceux-ci sont désormais squattés par une faune « insécurisante » sans que ni la police municipale ni la police nationale d’ailleurs ne fassent rien pour protéger ces lieux. Les squares de la place de la République avaient été ainsi livrés à la même population, ce qui avait permis de les détruire en toute bonne conscience. Il est à peu près certain d’ailleurs qu’il en ira de même sur cet endroit désormais « ouvert sur la ville » sans davantage de réactions de la mairie ou de la Préfecture de police.

La destruction du square Pasdeloup fait partie du programme intitulé par la mairie « Embellir Paris » (ou « Embellir votre quartier », on ne sait pas trop). Un exemple parfait d’oxymore. Il s’agit en réalité d’une étape de plus dans la disparition de Paris.

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