Le banc de Davioud offert à la mairie de Paris

26/5/21 - Patrimoine - Mobilier urbain parisien - Il faut souligner le courage, ou peut-être la témérité, sinon l’inconscience d’Emmanuel Grégoire, adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris [1] : au milieu d’une petite foule d’amoureux de Paris désespérés par l’enlaidissement inexorable de cette ville au cours de ces dernières années, il affirmait encore hier, avec une impassibilité remarquable, qu’il se considérait comme le « défenseur et le gardien du patrimoine parisien » (ill. 1), provoquant tout de même quelques étranglements et ricanements amers dans l’assemblée. Et d’insister : « Je tiens à redire notre attachement au patrimoine historique de Paris et notre souhait de le maintenir [2] ».


1. Emmanuel Grégoire venu recevoir le banc Davioud
offert à la mairie de Paris le 25 mai 2021
Photo : bbsg
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Il faisait cette imprudente déclaration devant le banc de Davioud, offert à la mairie de Paris qui a eu la sagesse de l’accepter. Rappelons que ce banc Napoléon III a été acheté lors de la vente Lucien le 18 mai dernier par le collectif [3] réuni sur Twitter sous le mot dièse #saccageparis (voir la brève du 18/5/21), qui l’a officiellement remis à la municipalité hier soir (ill. 2 et 3). Il devrait être restauré avant d’être installé de nouveau dans l’espace public. En attendant, il sera exposé au Pavillon de l’Arsenal.


2. Le banc apporté à la mairie de Paris
par le collectif #SaccageParis
Photo : bbsg
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3. Le banc Davioud déposé devant la mairie de Paris
Photo : bbsg
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Avant de déposer le banc sur le parvis de la mairie, le collectif l’a promené dans la ville, s’arrêtant, telles les stations d’un chemin de croix, en des étapes douloureuses comme la place de la République (ill. 4 et 5), victime de la politique d’Anne Hidalgo (une réalisation initiée sous Bertrand Delanoë, alors qu’Hidalgo était première adjointe, et inaugurée sous son premier mandat). Il faut dire que la maire de Paris veille au saccage systématique et méthodique de la ville. Si seulement rien ne repoussait après son passage, hélas, elle sème des verrues dans toute la cité transformée en vaste jeu Playmobil : Ici des pissotières écologiques, là des boîtes ZZZ pour se détendre, plus loin des herbes folles, en alternance avec des plots fluos, partout. Et puis des bancs modernes, disparates et disgracieux. Ceux de la République donnent le sentiment que la place est encore en travaux.

En faisant ce don, le collectif tient à rappeler que ce « banc intemporel symbolise l’esthétique de notre ville ». La modernité n’est pas forcément un mal en soi, à condition qu’elle ne soit pas faite de palettes et de bois de récupération, ou de plastiques, dans des formes hideuses, comme nous la voyons en permanence surgir dans tous les quartiers. Le mobilier historique peut être complété dans certains quartiers, encore faut-il qu’il le soit avec goût et compétence. Malheureusement Paris, qui fut l’une des plus belles villes du monde, a depuis longtemps perdu son harmonie.


4. Le banc Davioud sur la place de la République
Photo : Quentin Divernois
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5.« Banc Davioud offert par les amoureux de Paris à leur ville. #RéparerParis, 25 mai 2021 »
Photo : Quentin Divernois
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« Oui nous avons un problème de coordination » admettait Emmanuel Grégoire, ajoutant que « l’irruption d’approches participatives dans l’espace public fonctionne parfois, mais pas toujours » ; il citait comme exemple la végétalisation de certains quartiers. Ce ne serait donc pas la faute de la municipalité, mais des Parisiens qui s’emballent un peu trop ? Il n’empêche que le mobilier urbain est l’affaire de la mairie. Et que le mystérieux manifeste qu’Emmanuel Grégoire présentait en novembre laisse craindre le pire (voir l’article).
Aux nombreuses personnes qui lui faisaient remarquer hier que les bancs Davioud disparaissaient les uns après les autres du paysage urbain sans crier gare, il rétorquait que ceux-ci sont régulièrement détériorés, tagués, cassés, à cause d’un problème d’incivilité majeur. Soit. Et alors ? Faut-il se réjouir que ces bancs soient remplacés par un mobilier contemporain d’une laideur à toute épreuve, qui peut donc être dégradé sans regret ? Et pourquoi la mairie n’adopte-t-elle pas à ce propos la tolérance zéro dont l’efficacité n’est plus à prouver ?

L’incivilité est l’affaire de la municipalité, l’entretien du mobilier aussi. Et les bancs Davioud ne souffrent pas seulement de dégradations volontaires, mais du temps qui passe et d’une absence criante d’entretien, rouillés, recouverts de fientes de pigeons.
Emmanuel Grégoire s’est esquivé et a cordialement invité la foule à participer à la contre-consultation organisée par la mairie et à aller voir l’exposition prometteuse intitulée « La Beauté d’une ville [4] » sur laquelle nous reviendrons. La capacité qu’ont certains hommes politiques à brasser du vent a quelque chose d’admirable, c’est une arme redoutable pour les associations qui ont bien souvent le sentiment de se battre contre des moulins.


6. Trois associations de défense du patrimoine :
SOS Paris, France Nature Environnement et Sites & Monuments
Photo : bbsg
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Le collectif qui avait lancé un appel au don pour l’achat du banc et récolté une somme supérieure au prix d’achat a hier partagé le solde, soit près de 4 000 euros, entre trois associations de défense du patrimoine : SOS Paris, Sites & Monuments, et France Nature Environnement (ill. 6).

Bénédicte Bonnet Saint-Georges

Notes

[1Emmanuel Grégoire est premier adjoint à la Mairie de Paris, en charge de l’urbanisme, de l’architecture, du Grand Paris, des relations avec les arrondissements et de la transformation des politiques publiques.

[2On peut voir la vidéo de ses déclaration sur le site actu.fr

[3Trois personnes à l’origine de cette action sur twitter : Quentin Divernois (@QsB75), @JCQDSE et @MarieCanL.

[4« La Beauté d’une ville, controverses esthétiques et transition écologique à Paris », Pavillon de l’Arsenal, jusqu’au 26 septembre 2021.

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