Laurent Le Bon à Beaubourg : la bonne nomination, au bon moment

8 8 commentaires
Laurent Le Bon
Photo : Pascal Ferro (CC BY-SA 3.0)
Voir l´image dans sa page

La nomination de Laurent Le Bon à la présidence du Centre Pompidou, nouvelle qui se murmurait officieusement depuis plusieurs jours et que vient de confirmer le ministère de la Culture dans un communiqué, en attendant le Conseil des Ministres de mercredi prochain qui devra l’officialiser, est l’une de celles qui laisse espérer qu’il est encore possible de nommer des personnalités compétentes à la place qui leur revient. C’est la première fois depuis presque trente ans, après le décès de Dominique Bozo en 1993, qu’un conservateur du patrimoine est nommé à ce poste prestigieux, qui chapeaute non seulement le Musée d’Art Moderne, mais aussi la Bibliothèque publique d’information et l’IRCAM. Surtout, Laurent Le Bon a fait ses preuves à de nombreuses reprises non seulement en tant que conservateur au Musée national d’art moderne de 2000 à 2010, mais aussi comme directeur du Centre Pompidou Metz où il avait notamment mis en place un programme remarquable d’expositions, puis au Musée Picasso dont il était devenu le président en 2014. Rappelons aussi comment il avait sauvé l’hôtel Salé, classé monument historique, de l’infâme pergola qu’y avait installé Anne Baldassari avec l’assentiment du ministère de la Culture (voir la brève du 27/9/14).

On ne compte plus les expositions marquantes organisées par lui ou sous son égide dans ces trois établissements, dont nous avons d’ailleurs parlé à plusieurs reprises sur ce site, celui-ci n’allant pas au de la des années 30, mais couvrant tout de même une partie du XXe siècle. Citons l’exposition Dada au Centre Pompidou mais aussi 1917 au Centre Pompidou Metz (voir l’article), une démonstration fleuve comme Laurent Le Bon les aime, et particulièrement réussie, Formes Simples également, toujours à Metz (voir l’article), ou plus récemment Jardins au Grand Palais (voir l’article). S’il aurait pu être nommé il y a huit ans à la tête du Musée du Louvre - il était favori, mais avait finalement été évincé par Jean-Luc Martinez (voir la brève du 3/4/13) - Laurent Le Bon était certainement le candidat le plus légitime à ce poste de président de Beaubourg. Il y arrive néanmoins à un moment crucial de cette institution, qui doit fermer pour au moins trois ans (et probablement plus) en raison de travaux de restauration du bâtiment.

Le communiqué du ministère souligne que Laurent Le Bon aura « pour première tâche de concevoir, avec l’ensemble des équipes, un nouveau projet culturel pour le Centre pendant et après le chantier ». Nous nous permettons ici de suggérer deux choses, l’une qui sera sans doute compliquée (et qui ne dépendra pas de lui) et une autre qui le serait beaucoup moins.
La première : il est temps, alors que la Bibliothèque publique d’information doit déménager temporairement le temps des travaux, de s’interroger sur la nécessité évidente d’augmenter fortement les surfaces d’exposition du musée d’art moderne, très à l’étroit aujourd’hui sur seulement deux niveaux du Centre Pompidou. Les collections du musée ont été multipliées par dix depuis la création du Centre. Pour montrer correctement le XXe siècle dans son intégralité, il faudrait que l’ensemble du bâtiment soit consacré au musée, et que la bibliothèque puisse trouver un nouveau lieu permanent. L’idéal serait même - on peut rêver - qu’il soit dédié entièrement au XXe siècle « historique » et que l’art contemporain puisse trouver lui aussi un nouveau lieu, ce qui aurait une certaine logique.

La seconde chose, qu’il nous semble urgent de mettre en œuvre et dont nous avons parlé à plusieurs reprises, est la présence de TOUT le XXe siècle à Beaubourg, comme Orsay présente toute la période 1848-1914, y compris les artistes dits « pompiers » (un terme que nous n’aimons pas du tout). Tout le XXe siècle, cela veut dire également l’Art déco, les peintres et les sculpteurs des années 30 qui sont aujourd’hui si mal traités alors qu’ils sont présents dans les collections du Centre Pompidou. Laurent Le Bon avait d’ailleurs montré ces artistes lors de l’exposition inaugurale de 2010 (voir l’article), et nous pouvions même écrire alors : « on ne peut que se réjouir de voir que Laurent Le Bon a voulu casser l’ostracisme qui entoure l’art figuratif des années 1930 ». Voilà un nouveau signe encourageant, qui achève de démontrer que cette nomination est de celle dont on peut se réjouir, à une époque rarement réjouissante pour le patrimoine et les musées.

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.