La réouverture (partielle) du musée de Beauvais : une évidente réussite

1. Tourelle de l’horloge de l’ancien palais
épiscopal de Beauvais, après restauration
Photo : E. Foucart-Walter
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On n’y croyait vraiment plus : après dix-huit ans d’interruption tout de même, le musée de Beauvais vient de rouvrir au début de cette année. Il était en grande partie fermé depuis 1997 pour d’impérieuses raisons de sécurité (l’aménagement louable mais sans doute imprudent d’un sous-sol trop brutalement asséché pour accueillir à partir de 1991 des collections archéologiques avait entrainé de graves désordres de structure, constatés dès 1992, dans le principal corps de bâtiment du musée). Il est vrai que certaines parties adjacentes de l’ensemble, les tours d’entrée notamment, continuaient d’être accessibles, ce qui permettait de présenter les sculptures médiévales et l’extraordinaire Résurrection du Christ du beauvaisien Caron acquise en 1964, de quoi sauver l’honneur ! – À coup sûr, une belle et victorieuse revanche que cette réouverture, fut-elle partielle ! Mais on peut bien regretter qu’elle n’ait pas encore été saluée ni commentée comme elle le mérite [1]. Par la faute sans doute d’une inauguration placée en plein mois de janvier, pour cause de calendrier électoral (élections départementales à l’approche) avec une présentation à la presse quelque peu précipitée, alors même que les œuvres n’étaient pas toutes mises en place [2]. Qu’il soit permis de réparer cette quasi injustice !

Dans son architecture mi-médiévale, mi-Renaissance reconfigurée par Daniel Ramée dans les années 1840, aussi brillamment que l’eût fait un Viollet-le-Duc (Ramée n’a pas eu la chance de devenir aussi célèbre), l’ancien Palais épiscopal de Beauvais [3], un temps préfecture sous l’Empire, à nouveau évêché sous la Restauration puis transformé en tribunal (inauguré en 1846), ne fut complètement dévolu au musée qu’en 1973, après une première amorce d’installation à partir de 1961, pour être pleinement ouvert en 1981 [4]. Ce nouveau musée avait succédé à l’ancien, brave établissement typiquement hétéroclite comme nombre de musées locaux d’avant-guerre (le fait qu’il soit devenu départemental en 1908 n’y avait pas changé grand-chose), musée vieillot pratiquement anéanti dans l’incendie de la ville en juin 1940, peu d’œuvres ayant été évacuées à temps, mis à part les bois sculptés du Moyen Age et de la première Renaissance [5]. Notre fastueux palais-musée, le temps de son éclipse forcée (on crut même en 1997 qu’il serait rouvert au bout d’un an !), a été, il faut le reconnaître, magnifiquement restauré, dans le meilleur esprit des Monuments historiques, par l’architecte Etienne Poncelet [6], jusqu’au charmant clinquant des enjolivures dorées de la tourelle de l’horloge et des lucarnes du palais si plaisamment réinventés par l’historiciste Ramée (ill. 1). Enfin ressorti de l’ombre, le voici qui se prend à revivre, entre claire fidélité et renouvellement : toujours le même en ses habits d’antan et dans ses toujours plus opulentes collections et pourtant totalement autre. A ceci près, soyons bon prince, qu’il était superflu de l’affubler d’un désopilant Mudo pour céder – par jeunisme ? – à la facile vogue des appellations raccourcies mais nullement contrôlées… Quoi, un musée, ce n’est tout de même pas un cabaret, un club de foot ou de judo [7] !

2. Vue actuelle de la salle Couture avec L’Enrôlement des
volontaires
de Thomas Couture, présenté là,
sur un fond rouge, comme en 1981.
Photo : E. Foucart-Walter
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L’actuelle réinstallation, on peut à bon droit parler de recréation, a d’abord porté sur les fonds du XIXe siècle, eu égard à la pièce majeure et centrale des collections, L’Enrôlement des Volontaires de Thomas Couture. Attribué au musée de Beauvais dès 1973 par un vrai coup de génie (il avait été déposé par l’Etat à Colmar en 1926 et à peine montré là), il fut révélé dans toute sa superbe ampleur en 1981, conférant à ce musée renaissant une durable et incontestable légitimité. Au deuxième étage, au-dessus de la salle Couture, dans un temps pas trop éloigné, espérons-le, devrait être présenté le reste du festin : incomparables ensembles mobiliers Modern-style de Serrurier-Bovy et de Bellery-Desfontaines, ineffable Âge d’or de Maurice Denis et peintures nabies, céramiques Art nouveau du régional Delaherche, tableaux Art déco des années 1920, j’en passe et des meilleurs. Pour le moment en tout cas, a fort logiquement primé l’effet Couture [8] : à tout seigneur (républicain !) tout honneur, son Enrôlement se voit comme précédemment glorifié dans l’ancienne salle d’audiences du tribunal, seule assez vaste pour accueillir cette immense toile de 9,15 m de large sur 4,80 de haut (ill. 2). A été maintenue l’efficace et somptueuse coloration rouge des murs adoptée pour l’ouverture de 1981 ; c’en était décidément fini, que l’on s’en félicite au passage, de la blanche muséologie raréfiée des premières années d’après-guerre comme on le voit à la voisine Galerie nationale de la tapisserie de l’architecte Hermant (1976) [9]. Par ailleurs, un ingénieux dispositif de parois coulissantes placées sur le mur opposé à l’Enrôlement fait dorénavant la part belle – ô sainte archéologie picturale ! – à des décors muraux en grisaille de trophées et motifs symboliques (ill. 3) remontant probablement à la fin du XVIIIe siècle (au temps de Mgr François-Joseph de La Rochefoucauld arrivé en 1772) et vraisemblablement occultés, une fois que la salle servit aux sessions de la Cour d’assises du département [10]. Dans le nouvel aménagement de la salle Couture doit être également noté le surélèvement latéral qui ménage désormais, face à l’Enrôlement, une commode circulation promenade facilitant la lecture de la grande toile, cela n’empêchant pas la saisissante impression de terribilità michelangélesque qui reste perceptible depuis le plancher d’origine. N’omettons pas non plus la solution aussi discrète qu’efficace des problèmes toujours délicats de climat et d’éclairage, sans compter une utile et très pédagogique présentation des nombreux dessins du fonds en relation avec le tableau, placés dans une vitrine ad hoc, lesquels s’associent à la dizaine d’études peintes, préparatoires à l’Enrôlement, robustes morceaux de détail qui ont tant fait pour la réputation d’exécutant de Couture, au point même de risquer de faire parfois méconnaître son génie de grand peintre de la composition et de l’éloquence des formes.


3. Vue de la salle Couture avec le décor en grisaille du XVIIIe
siècle rendu visible grâce à des parois coulissantes.
Photo : E. Foucart-Walter
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Que l’arbre ne cache pas la forêt, pour autant. Les six autres salles du premier étage qui viennent également d’être ouvertes, certaines entièrement remodelées, abondent en révélations non moins avenantes, soit tout de même déjà quelque deux cents peintures exposées ainsi qu’une trentaine de sculptures. Aussi bien, une telle mise en valeur du fonds correspondait-elle à l’un des principaux axes de la politique d’achats du musée et de reconstitution de son patrimoine menée à partir des années 1980 [11], portant sur un art du XIXe siècle encore facile à acheter, car abondant, méprisé et donc sous-coté, se prêtant aussi à la générosité des donateurs (le nombre des dons, dans les nouvelles collections de Beauvais, est impressionnant) [12]. S’il n’est pas question ici des peintures italiennes des XVIIe et XVIIIe siècles qui furent davantage recherchées du temps de la première conservatrice d’après 1945, Simone Cammas [13], c’est qu’elles doivent être montrées à l’avenir dans une autre partie du musée (vraisemblablement dans l’aile perpendiculaire côté sud).

Il convient en tout cas, puisque d’ores et déjà une première et considérable opportunité nous le permet, même limitée mais avec quel éclat au seul XIXe siècle, de saluer le labeur essentiel de ces deux « abeilles » [14] que furent les deux conservateurs qui occupèrent définitivement le palais-musée, à savoir Marie-José Salmon (1929-2001), nommée en 1970 et partie en retraite à la fin de 1997 (son action passionnée, aux allures d’une chanson de geste, a été célébrée dans un opuscule paru en 2003) [15] puis Josette Galiègue, sa fidèle collaboratrice pendant de longues années et son remarquable successeur en 1998. Tout aussi active et heureuse en acquisitions (il n’est que de voir les présentes salles du musée) et en expositions, et férue de catalogues privilégiant l’étude des œuvres du musée, tel celui de la capitale donation Laurenge [16], Josette Galiègue a eu aussi et surtout la redoutable tâche (et le grand honneur) de repenser totalement le musée et de mener à bonne fin sa réouverture et ce, malgré toutes sortes d’obstacles, tant les temps sont devenus difficiles (dans les années 1980-1990, tout était encore assez simple…) et il ne faut pas envisager ici les seules questions de coûts. Hâtons-nous d’agir et de réaliser, c’est le constat qu’il ne faut cesser de délivrer au vu de la fluctuante et parfois périlleuse histoire des musées !

Pour faire neuf dans ces mêmes espaces et non sans améliorer, il va de soi, les conditions d’exposition, notre conservatrice a su concilier une présentation thématique avec les impératifs clarificateurs de la chronologie et des styles. – Proposer de ce fait un regard renouvelé sur un Art devenu souvent étranger à la plupart des visiteurs, piquer et relancer l’attention en parlant voyages, fascination du lointain, beautés de la nature, enchantement du passé et de l’histoire, révérences chrétiennes… Faire donc goûter l’Art (ne cherchons pas à tout prix à faire comprendre !), installer et respecter le plaisir du beau en évitant l’apparat dogmatique qui enseigne trop et bientôt rebute (le Musée n’est pas école !), être juste et exact sur le sacro-saint plan de l’histoire de l’art et de la muséalité mais sans lassitude ni ennui. Ah ! ces abstraits défilés de tableaux accrochés à la queue leu leu, que diront-ils à tant et tant de visiteurs en corvée touristique, qui hantent comme par devoir musées, châteaux, expositions, parce que cela se fait, parce que c’est dit et vanté à la télé ou dans les magazines !


4. Théodore Caruelle d’Aligny (1798-1871)
Rochers en forêt de Fontainebleau
Huile sur toile – 30 x 45 cm
Beauvais, Musée départemental de l’Oise
Photo : Musée départemental de l’Oise
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5. Auguste Régnier (1787-1860)
Les ruines du château de Pierrefonds, 1829
Huile sur toile – 21 x 28 cm
Beauvais, Musée départemental de l’Oise
Photo : Musée départemental de l’Oise
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Alors, que d’efficacité dans l’agencement de ces nouvelles salles où l’accrochage est régi par une subtile et exemplaire logique d’assonances et d’associations. Quand une première salle est dévolue au paysage dont le musée est particulièrement bien pourvu grâce aux plantureuses donations Boudot-Lamotte et Laurenge et à quelques achats retentissants (Corot), une belle, apaisante succession de vues sur nature qui se pare avantageusement des noms de Flachéron, Aligny, c’est un petit chef-d’œuvre en tons verts et blonds (ill. 4), Régnier, émerveillé par les fameuses ruines de Pierrefonds [17] (ill. 5), Corot et son chef-d’œuvre du Pont-Saint-Michel, Marilhat, etc., se voit relayée et diversifiée par des raretés italianisantes entre genre et architecture (Abeele, Aurèle Robert) (ill. 6), tandis que l’autre Corot majeur de la collection, la Vasque de la Villa Médicis, se voit confronté à un moderniste Maurice Denis, évocateur du même site à presque quatre-vingts ans de distance, par un rapprochement explicite qui suffit à justifier exceptionnellement une entorse à la chronologie. Mais c’est aussi l’occasion d’insister à proximité sur un autre langage, celui des têtes d’études, figures italiennes de Chassériau, de Flandrin qui autrement eussent été quelque peu isolées, donc moins bien perçues.


6. Accrochage montrant des têtes d’étude italiennes
(Théodore Chassériau, Hippolyte Flandrin) disposées entre
des scènes de genre dans des architectures romaines ou
napolitaines (Josse Van Den Abeele à gauche
et Aurèle Robert à droite)
Photo : E. Foucart-Walter
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7. Disposition d’une salle rapprochant des peintures
d’Alexandre Decamps (Lion avec saint Jérôme, de Théodore
Chassériau (Les Troyennes), de Prosper Marilhat (Vue du
Nil
), de Jean Murat (Le Concert) et des objets d’art oriental
Photo : E. Foucart-Walter
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La même leçon de diversité autorise plus loin (ill. 7) l’insertion de Decamps (un superbe lion sur fond d’impérieux désert, brillant achat de 2006 [18]), aux côtés de Huet, de Georges Michel (avec une frappante superposition de tableaux qui rompt la disposition un peu trop sagement horizontale de la salle précédente, et non loin à nouveau de Chassériau et de Marilhat – paysages élus cette fois au nom de l’Orient, tout comme un biblique Murat de grand envol (voir l’article du 14/5/03]), choisi comme image publicitaire (ill. 8) pour saluer la réouverture du musée (ce n’est pas forcément le grand nom connu qui a été retenu : effet de bonne et intelligente surprise). La fraîche et franche découverte est ici celle d’un petit groupe de paysages danois (acquis de 1999 à 2010), à la pure lumière, même si elle n’est pas celle de l’Orient, dus à des artistes qu’on rencontre peu dans les collections françaises mais cette fois encore légitimés par leur coloris dans une salle vouée à l’exploration pittoresque, aux charmes et rêves d’évasion (ill. 9). Après tout, c’est le dépaysement, et pas forcément le pays, qui compte et vaut par sa transcription en peinture. Du coup, on est tout aussi agréablement séduit par une présentation en vitrine de quelques orfèvreries orientales, provenant entre autres de la donation Chancerel-Gobineau, et jamais mieux à leur place que dans ce contexte proprement littéraire, voire poétique. Dans la salle qui suit, et toujours au nom d’une conception large et suggestive – peu convenue en tout cas – du paysage : la nature comme atelier de plein air (jouons un peu sur les mots, car tous ces paysages n’ont pas forcément été peints sur nature mais participent bien d’un esprit de liberté), se voient rapprochés, unis même, Leprince, Troyon, Aligny, Belly, Flers et son Bord de rivière si savoureusement traité, Paul Flandrin, etc., autant de tableaux qui font hommage à la remarquable collectionneuse et insigne bienfaitrice du musée que fut Marie-Thérèse Laurenge, sans compter de fort beaux Chintreuil et Ribot, eux légués par sa tante Boudot-Lamotte. La belle idée est d’avoir placé dans cette même salle un très insolite Guillaumet, hors de sa future et habituelle veine algérianiste, la Destruction de Sodome de 1861 au ciel embrasé, du meilleur pathétique, qui invite à ne pas scolairement séparer la peinture d’histoire de la peinture de paysage et par conséquent à ne pas exalter la seconde aux dépens de la première réputée moins libre ! Cette salubre entente entre les deux genres se voit soulignée à dessein avec le voisinage d’un rageur Benedict Masson, évocation cette fois d’un antique passé gaulois sur fond de durs rochers et d’arbres aux troncs nus et tordus (voir la brève du 25/5/07) : paysagisme d’une éloquence historico-romanesque infiniment prenante. Dans ce riche ensemble aux présences parfois inattendues est venu se glisser au nom d’un sage opportunisme le seul Impressionniste de la collection, un Sisley d’un legs tout à fait isolé, et d’une générosité de couleurs presque exagérée qui transcende une vision de nature un peu sagement banale (comme souvent chez les Impressionnistes !) Mais par le seul plaisir de peindre, ce Sisley en soi un peu embarrassant, tant il est seul de son espèce (et Sisley est-il finalement un si grand peintre ?), s’associe sans murmures aux autres paysages, eux, plus dérangeants sinon plus attachants. – Encore une fine et vertueuse leçon d’accrochage !


8. Tours d’entrée du musée avec, à gauche,
la bannière publicitaire de la réouverture du
musée, illustrée par un détail du tableau de Murat.
Photo : E. Foucart-Walter
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9. Ensemble de paysages danois (de gauche à droite :
E. Larsen, W. Kyhn, J.-C Neumann, Th. Laessøe et C.-F Dahl)
Photo : E. Foucart-Walter
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Du hasard d’acquisitions échelonnées dans le temps par le fait du marché et de ses offres discontinues ou des enthousiasmes et coups de cœur comme l’on dit facilement –, surgit un ordre étonnamment concerté qui remplit d’aise après coup. Telle salle consacrée à la grande peinture décorative permet de faire se rencontrer Bonnat, superbe orgie de couleurs pour préparer un plafond de la Cour d’appel de Paris, Mazerolle et sa suite de frises de la Villa Stoltz inspirées par l’Ancien Testament, Galland et ses tiepolesques études, de monumentales évocations religieuses de Balze et de Couture mais aussi de flexibles sculptures d’Aizelin comme son théâtral Loup et l’Agneau de 1892, qui aèrent à point le parti du pur pictural (ill. 10). Un tel dialogue entre les matières, les techniques, les formes est toujours bienvenu, d’autant qu’il permet de laisser moins d’œuvres inexposées. Pareillement, dans la grande salle Couture voisine, coexistent portraits plus ou moins aristocratiques, qu’ils soient peints (Scheffer, Vollon, Couture – on eût pu rajouter un Yvon laissé en réserve) ou sculptés (Nieuwerkerke, Carpeaux ou telle avantageuse effigie de politicien, le député Desjardins par Courtet qui échappe ainsi au risque d’une section historique trop localiste, tandis que l’allégorie politique et la proximité des événements historiques justifient une intéressante série iconographique de Républiques (concours de 1848) [19] et de figures des Trois glorieuses (Blondel, tableau allusif à la Révolution de 1830) [20].


10. Salle illustrant l’éclectisme avec des sculptures (Buste
par Alfred Ernest Carrier-Belleuse), des grès de Jules Ziegler
(Vase aux apôtres), des peintures (Luc-Olivier Merson),
des objets d’art (meuble-cabaret à la manière de Boulle).
Photo : E. Foucart-Walter
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11. Salle illustrant l’éclectisme avec des sculptures
(Buste par Alfred Ernest Carrier-Belleuse),
des grès de Jules Ziegler (Vase aux apôtres),
des peintures (Luc-Olivier Merson),
des objets d’art (meuble-cabaret à la manière de Boulle).
Photo : E. Foucart-Walter
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Au nom d’une thématique axée cette fois sur l’inspiration du passé – de quoi souligner les irrésistibles et fort nourrissantes tentations éclectiques d’un siècle protée –, une autre salle propose d’étonnants rassemblements (ill. 11), fût-ce en marge d’une rigide ligne chronologique ou stylistique. Mais ne fallait-il acheter que selon un dessein préétabli ou bien, dans l’exposition des œuvres, se refuser au mélange de la peinture d’architecture (le grand rêve de Pierrefonds cher à Viollet-le-Duc et à Napoléon III, si exactement mis en peinture par Lansyer) avec le genre historique (Chifflart, Muller, fort bon rival de Couture, Robert-Fleury fascinant peintre de cardinaux de l’Inquisition, De Dreux et ses pittoresques cavaliers au temps de Charles VII – voir l’article du 14/5/03), et comment ne pas être tenté de passer de l’étonnante rêverie mythologique et parnassienne (Luc-Olivier Merson en ses débuts, en 1867, ill. 12) à la rétrospective et très imagière Enfance de Callot de Debacq (1844), ill. 13, un récent et avisé dépôt du Centre national des Arts plastiques (2011), voire à la savoureuse évocation d’un jeune enlumineur de sculptures moyenâgeuses, telle que l’imagine l’anecdotier Bauer vers 1890-1900 ? Non sans truffer cette salle-carrefour, stylistiquement hétéroclite, de grès de Ziegler, de vases de Sèvres, de sculptures de Carrier-Belleuse, Récipon ou Gréber, lequel gagne aussi à sortir d’un horizon purement beauvaisien, et jusqu’à un cocasse meuble-cabaret à la Boulle (précédemment, il était en inconfortable exil dans la salle Couture) [21] . De quoi associer meubles, objets d’art, peintures, sculptures sans tourner pour autant à la vaine reconstitution kitsch, voilà bien une heureuse façon de récrire l’histoire de l’art, de lire l’un par l’autre style et iconographie, formes et sujets, et un musée qui a de riches collections peut-il avoir jamais peur de sa diversité !


12. Luc-Olivier Merson (1846-1920)
Leucothoé et Anaxandre, ou La Diseuse de bonne aventure, 1867
Huile sur toile –157 x 116 cm
Beauvais, Musée départemental de l’Oise
Photo : E. Foucart-Walter
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13. Accrochage dans la même salle éclectique associant
Joseph-Nicolas Robert-Fleury (Un cardinal),
Charles-Louis Muller (Henri VIII et ses conseillers)
et Alexandre Debacq (L’Enfance de Callot).
Photo : E. Foucart-Walter
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La plus réussie de toutes ces salles est assurément celle qui est consacrée en fin de parcours à la peinture religieuse [22]. Vantons-en le fond bleu céleste très opportunément choisi, ou les hardis décrochements d’accrochage qui cassent un effet de monotonie et soulignent la force des évocations comme celle de ce majestueux Christ jupitérien de Geefs, vers 1850, qui trône, inoubliablement souverain, sur un socle inséré très haut dans un mur, ou tel Ange semeur de Cambon, qui paraît s’envoler au-dessus des autres œuvres exposées (ill. 14). A nouveau, la sculpture est mêlée à la peinture : citons encore à cet égard, en plus de Geefs, l’Ange gardien de Tenerani qu’on ne peut guère oublier tant son apparition est attachante, ou bien le rare et délicat petit buste de Christ de Delaville et, une fois de plus, le prolifique Aizelin (Beauvais a reçu tout un fonds d’atelier) qui se pérennise ici grâce à une noble Sainte Geneviève de 1874, sans compter des vitrines pour petites maquettes sculptées et tableaux de format réduit. La peinture reste bien sûr en force (ill. 15). De Landelle (ses Anges de la Passion à l’efficace ovale : charme et importance de la pluralité des formats) à Ducq, une séraphique Annonciation qui distingue ce Flamand néo-classique davidien – qui, en France, à part Beauvais, l’aurait achetée ? –, d’Hippolyte Flandrin évidemment (le musée fit plusieurs achats auprès des héritiers de l’artiste) à Nicolas Hesse, si chatoyant de couleurs, si svelte de formes, de Delaroche à Bouchot avec leurs vives esquisses pour l’église de la Madeleine, de Lehmann à Couture – c’est bien plus intelligent de ne pas concentrer tous les Couture en une seule salle –, de Ziegler, tout récent achat de 2015, à Doze, mais regrettons quand même l’absence d’un Chazal acquis en 2000 (voir l’article), on se convaincra sans mal que les tableaux religieux sont de la plus convaincante variété, que les sujets de piété et d’histoire sacrée infusent tous les styles et autorisent toutes les explorations de l’époque, autant, avouons-le, que peut le faire le paysage, qu’il y a bien charme par la couleur comme par l’émotion et, en cela, la peinture religieuse est imbattable, tant et si bien qu’il n’y a plus lieu de s’enfermer dans d’artificielles classifications et vains palmarès entre Néo-classiques, Romantiques, Réalistes, tenants du juste milieu ou Idéalistes. Pour couronner le tout, point de mire de la salle, il faut saluer l’impressionnante Tête de Vierge, en rouge et bleu, d’Ingres, inédit jusqu’à son apparition en vente publique [23], une acquisition inespérée que l’insatiable musée de Beauvais put réaliser en 1999 et l’un des derniers tableaux du quasi inaccessible Ingres entrés dans un musée français. Un tel tableau ne mérite certes pas moins d’attention que L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint, récemment acheté par Lyon et, lui, servi par une intense médiatisation…


14. Salle consacrée aux sujets d’art religieux.
Au premier plan, sculptures de Pietro
Tenerani (L’Ange gardien) et Eugène
Antoine Aizelin (Sainte Geneviève) ; au
fond, peintures de Joseph-François Ducq
(L’Annonciation) et d’Armand Cambon
(L’Ange semeur).
Photo : E. Foucart-Walter
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15. Esquisses pour des compositions religieuses
(à gauche, Paul Delaroche ; au centre, Delaroche
à nouveau, au-dessus de François Bouchot ;
Thomas Couture à droite).
Photo : E. Foucart-Walter
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Il ne reste, pour conclure, qu’à attendre la venue d’un nouveau conservateur, puisque, hélas !, Josette Galiègue, l’artisan de cette première résurrection muséale si réussie [24], part en retraite, et d’espérer que bientôt s’accomplira (avec autant d’esprit !) la deuxième mue, complémentaire de la première, du musée, l’un des plus prometteurs de France, cette « collection miraculée » comme l’écrivait si bien Bruno Foucart en 1994 [25] qui ne croyait pas si bien dire… Oui, un autre miracle que celui de la réouverture de 2015 après tant d’adversités !

Jacques Foucart

Notes

[1Signalons au moins la note courte mais bien informée quoique trop peu illustrée de Myriam Escard-Bugat, dans L’Objet d’art, février 2015, p. 26, ainsi que l’article de Sarah Hugounenq, « La lente renaissance du Mudo », dans Le Quotidien de l’Art, 14 janvier 2015, n° 749, p. 5-6, qui nous semble exagérément critique et ne cite pas assez d’œuvres exposées.

[2C’est pourquoi La Tribune de l’Art n’en a pas rendu compte de suite.

[3Sur l’histoire quelque peu chaotique du musée (et du palais qui l’abrite, mais sa transformation en musée se fit relativement tard), voir la plaquette, riche en informations, de Marie-José Salmon, Un palais-musée à Beauvais : tours et détours de l’ancienne demeure épiscopale, Beauvais, s. d. [1984], notamment les p. 41-42 sur l’ancien musée départemental (avant 1940) qui eut deux localisations successives (à partir de 1846 puis de 1912-1913 à 1940), et p. 44-47 sur la chronologie des travaux d’installation du nouveau-musée (de 1973 à 1991). Voir aussi la commode résumé de Richard Schuler, « L’ancien palais épiscopal, Deux mille ans d’histoire », dans Le Mudo/Musée de l’Oise, L’Objet d’art, hors-série musée, n° 86, janvier 2015, p. 15-23 ainsi que p. 6. Notons que cette publication, rédigée pour l’essentiel par Josette Galiègue et Richard Schuler, avec la participation d’Isabelle Mauchin, est remarquablement conçue et richement illustrée (observons quand même au passage que la fig. 1 p. 8, relative à la salle à manger de Serrurier-Bovy, montre un état ancien – d’avant 1997 – qui n’a plus cours aujourd’hui : n’eût-il pas été correct de l’indiquer ?). Reste que cet album de L’Objet d’art est une véritable introduction à la visite du musée, d’une heureuse initiative pédagogique.

[4Son inauguration officielle par le ministre de la Culture de l’époque, Jack Lang, eut lieu le 1er juillet 1982, comme le rappelait une plaque curieusement remplacée par une autre, placée à l’entrée des nouvelles salles (au pied de l’escalier) qui signale seulement la récente inauguration effectuée, le 23 janvier 2015, par le sénateur Yves Rome, alors président du Département de l’Oise, comme si rien ne s’était accompli avant cette date. Notons évidemment, le précautionneux abandon du terme « départemental » dans l’actuelle dénomination du musée, même si l’idée de département est toujours ou encore d’actualité…

[5Voir le catalogue d’exposition Pierres et bois sculptés du musée départemental de l’Oise du XIIe au XVIe siècle, Beauvais, 1975. Les pertes furent massives, que ce soit en objets d’art, céramiques, meubles, peintures, sculptures.

[6Voir ses propos recueillis par Isabelle Mauchin et Richard Schuler : « Métamorphoses du palais », dans Le Mudo/Musée de l’Oise, op. cit. à la note 3, p. 26-27.

[7Maux pour mots, on ne nous a pas épargné un incongru M’O pour dénommer le Musée d’Orsay, appellation qui n’est pas vraiment passée dans l’usage courant, mais qu’aurait-on pensé d’un musée QB (quai Branly) ? Il est vrai qu’on a la chance de bénéficier d’un obscur Muma pour le Musée d’art moderne André Malraux du Havre ou bien d’un piètre Mnaag pour le Musée national des arts asiatiques-Guimet. Non moins cocasses, et finalement dérisoires et ridicules, le Mamac à Nice (Musée d’art moderne et d’art contemporain), le Bozar (Palais des Beaux-Arts) de Bruxelles, à Genève, le Meg (Musée d’ethnographie) et le Mamco (Musée d’art moderne et contemporain) ou encore un imprononçable Mamcs (Musée d’art moderne et contemporain), à Strasbourg. A tout prendre, le Mucem de Marseille (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) passe assez bien sur le plan vocal, à défaut de la clarté du concept… Par chance, le Musée des Confluences à Lyon a échappé, lui, à cette manie des initiales. N’insistons pas davantage sur ces inconsistants et puérils travers de l’époque et relevons, pour en revenir à Beauvais, que le musée fait sagement suivre l’affligeant nom de « Mudo » de l’explicite dénomination de Musée de l’Oise. – Honnête et significatif rétropédalage !

[8Rappelons que le tableau a bénéficié pour l’occasion d’une remise en état financée par le Conseil général de l’Oise et la Direction régionale des Affaires culturelles de Picardie de Picardie, le tout complété en 2014 par une souscription publique. Voir la brève du 30/9/14.

[9Sa première vocation – lieu d’exposition du Mobilier national – semble avoir été quelque peu modifiée, sinon délaissée, depuis que la galerie a été « reprise » (sic) par la ville de Beauvais en avril 2013 (le terme de « repris » est impropre : la galerie n’avait jamais appartenu à la ville…). On peut estimer qu’une symbiose ou tout au moins une bonne articulation avec le musée serait souhaitable, ne serait-ce que pour accueillir au mieux d’intéressantes expositions comme celle de La Patellière, actuellement répartie peu commodément entre deux locaux annexes du musée, et qu’il faut se hâter d’aller voir car elle va bientôt fermer (15 juin), une exposition d’une riche et stimulante nouveauté.

[10Voir Marie-José Salmon, op. cit à la note 2, p. 28, qui note que des travaux extérieurs et intérieurs furent entrepris sous l’épiscopat de cet évêque. Les décors de trophées sont mentionnés dans le compte-rendu de visite du palais épiscopal effectué en 1793 (Archives départementales de l’Oise, Q2 333). Pour apprécier le changement du lieu, signalons qu’une photo de la salle des Assises où se trouve maintenant exposé l’Enrôlement est reproduite par M.-J. Salmon, fig. 49 p. 50, et ce, en vis-à-vis, fig. 51 p. 51, d’une vue de la même salle avec le Couture, telle qu’on le vit de 1981 à 1997. Une petite photo de cette salle des Assises figurait même dans la salle Couture avant 1997, où l’on distinguait les magistrats siégeant, dont le père de l’auteur du présent article… Puisse-t-elle être remise pour honorer la mémoire du lieu.

[11À de rares exceptions près (voir supra note 4), toutes les œuvres du XIXe siècle disparurent à part deux peintures : un Chassériau déposé par le Louvre en 1935 et un Gustave Doré (envoi de l’Etat, 1872). Furent ainsi perdues les œuvres que le musée possédait du peintre Diogène Maillart, si renommé à Beauvais (on lui devait aussi d’importants décors à l’Hôtel de ville, également disparus).

[12Une première vue d’ensemble de ce que possède à présent le musée en œuvres du XIXe siècle (peintures, sculptures, meubles), nous est procurée par la fondamentale publication en deux tomes, De Thomas Couture à Maurice Denis / Vingt ans d’acquisitions du Conseil général de l’Oise, soit le catalogue raisonné des collections XIXe et XXe siècles du Musée départemental de l’Oise par M.-J. Salmon et J. Galiègue, Conseil général de l’Oise et Editions Monelle Hayot, Beauvais – Saint-Rémy-en-l’Eau, 2 vol., 1994, avec rien moins que 700 reproductions. Enfin un musée qui publiait de façon exemplaire tout son patrimoine ! Si peu de musée l’ont fait… Cet ouvrage est d’une intelligente formule, car il répartit les notices en grandes sections mi-thématiques, mi-stylistiques, précédées d’exposés d’ensemble, tout en ménageant à l’intérieur de ces sections un classement alphabétique redoublé par un index final. On dirait pour un peu que l’accrochage actuel s’inspire d’une telle ordonnance. Ce catalogue qui étudie toutes les œuvres du fonds entrées jusqu’en 1992 (t. I) et jusqu’en 1994 (t. 2), se complète en partie par l’autre publication essentielle du musée, due à J. Galiègue et autres auteurs, De l’école de la nature au rêve symboliste / Donation Marie-Thérèse Laurenge au musée départemental de l’Oise, Conseil général de l’Oise – Somogy, Beauvais – Paris, 2004 (75 peintures, 245 dessins et gravures, 344 œuvres reproduites). On aimerait évidemment qu’un nouveau catalogue recense et étudie les nombreuses acquisitions effectuées depuis la parution du catalogue de 1994 dont une bonne partie (mais pas toutes les œuvres, bien sûr, pour s’en tenir au XIXe siècle) est exposée dans les nouvelles salles du premier étage, nonobstant celles à venir au deuxième étage...

[13Voir l’évocation qu’en fait Marie-José Salmon dans Musées et collections publiques en France, n° 157, 1982/4, p. 123, saluant le remarquable travail de conservateur de Simone Cammas (1899-1982) : nommée à Beauvais en 1953, elle acquit pour le musée nombre de peintures anciennes (principalement italiennes) et modernes, avec le concours de l’Inspection des musées de province. La moisson italienne fut continuée un temps par M.-J. Salmon (voir le catalogue de l’exposition Peintures italiennes (XVIIe-XVIIIe siècles) du musée départemental de l’Oise, Beauvais, 1971, à compléter par la description des salles de peintures anciennes dans le guide du musée édité en 1981, p. 35-48 avec 34 fig.).

[14Cette jolie dénomination, « L’abeille du Beauvaisis », se trouve sous la plume d’André Fermigier dans son admiratif article du Monde consacré à la renaissance du musée de Beauvais (5 novembre 1981, p. 15). Si cela concerne explicitement Marie-José Salmon, le qualificatif vaut bien sûr aussi pour Josette Galiègue.

[15Marie-José Salmon, le patrimoine pour passion, par Josette Galiègue, Jacques Foucart et divers auteurs, Conseil général de l’Oise et Editions Monelle Hayot, Beauvais – Saint-Rémy-en-l’Eau, 2003, 144 p. (avec chronologie de ses publications et expositions, majoritairement liées à l’enrichissement du musée, et liste des œuvres léguées par elle au musée ou données en son honneur). Voir l’article.

[16Citons par exemple, en sus du catalogue Laurenge (voir à la note 12), de remarquables publications comme L’idéal Art nouveau / Une collection majeure du musée départemental de l’Oise, Paris, Gallimard, 2013 (catalogue de l’exposition correspondante tenue à Evian, dont Julie Demarle a donné le compte rendu dans La Tribune de l’artvoir l’article), Dessiner-Tracer / De Burne-Jones à Cappiello, l’envers du décor, Beauvais, 2011, ou encore L’art au cœur de la Grande Guerre, Beauvais, 2009, une contribution, restée malheureusement un peu trop confidentielle, aux célébrations de la guerre de 1914-1918.

[17Juste à côté est accroché un petit tableau du même site, acquis en vente publique à Louviers, le 18 octobre 2009, n° 11, sous le nom de Corot (cité et reproduit par dans la brève du 12/6/10), ce qui nous semble d’une attribution un peu trop généreuse. Le manque de finesse dans le rendu de la profondeur et l’échelonnement des plans, la lourdeur peu subtile du ciel nuageux, un aspect d’ensemble massif incitent à nuancer le cartel (au moins avec un ?) et fragilisent la datation proposée : 1821-1823. Est-ce à dire que le paysage en question n’a pas été vendu assez cher (23.000 euros environ) pour un si grand nom ? En tous cas, le Régnier est infiniment plus attachant et supérieur en qualité.

[18Un lion de surcroît justifié par la présence de saint Jérôme dans une grotte, à l’arrière-plan. Voir la brève du 1/4/06. Non loin se voit un autre Decamps, de belle venue, Le garde-chasse du château d’Hénonville (Oise), sympathique œuvre de jeunesse, acquise en 1997.

[19Une des esquisses de République (inv. 82.120), don E. et J. Foucart, 1982, est présentement pourvue d’un cartel Paul Baudry, alors qu’elle entra comme anonyme. Cette nouvelle attribution n’est pas fondée, la contribution de Baudry au concours de la République (1848) étant bien documentée, mais l’on sait que ce concours donna lieu à une prolifique émulation de projets dont beaucoup sont restés évidemment anonymes, ce qui ne les rend pas pour autant indifférents, ne serait-ce que pour l’étude de l’allégorie politique en peinture. Dans l’accrochage, ces tableaux voisinent intelligemment avec une représentation d’un événement de l’actualité du moment, Le baptême du prince Louis-Philippe de Belgique à Bruxelles (1833), de Frans Vervloet, acquis à Amsterdam en 1990, le jeune prince étant comme l’on sait petit-fils de Louis-Philipe, roi des Français.

[20C’est le premier tableau acquis (en 1971) par Marie-José Salmon, nouvelle conservatrice du musée, chez un antiquaire beauvaisien (M. Bloch) officiant juste en face de la cathédrale.

[21Voir une photo de la salle dans Marie-José Salmon, le patrimoine pour passion, op. cit. à la note 15, p. 54.

[22Didier Rykner (ici et ) a reproduit plusieurs des tableaux montrés dans cette salle (Bouchot, Couture, Delaroche, Landelle, Lazerges). On appréciera au passage nombre de réencadrements dus à Bruno Hochart (par exemple pour Ingres, Ducq, Balze, etc.), et du plus utile effet. Il en avait déjà effectué pour la donation Laurenge (voir son article, « Une campagne de réencadrement », op. cit. à la note 11, p. 66-71).

[23Didier Rykner (voir l’article), signale que le tableau était passé en vente à Paris, Hôtel Drouot (étude Calmels – Chambre – Cohen), le 12 mars 1999, n° 28, et le situe à bon escient tout à la fin de la carrière d’Ingres, dans les années 1860.

[24Cela se vérifie par exemple au fort petit nombre de regrets que peut susciter l’accrochage, soit quelques oublis que sont, tout choix subjectif à part, d’incontournables œuvres comme l’Hivernage en Nouvelle Zemble de Le Poittevin, le Portrait d’Eugénie de Saint-Amand de Claude-Marie Dubufe et La pie sur le fromage de Philippe Rousseau, ou encore des peintures attachantes comme la noble Allégorie de l’Etude de Timbal, tel distingué portrait d’homme anonyme d’Yvon, ou la Jeune mère de Jean-Baptiste Guignet, sans compter le grand mais très délicat portrait de famille de Constant Desbordes, Le chariot brisé (1806), une évocation à la Boilly de la famille douaisienne des Paulée sur fond de nature bucolique. N’y aurait-il pas çà et là quelques parties de cimaises où l’accrochage serait encore densifiable ?

[25Dans son article du Figaro, « Beauvais : retrouver le passé après un bombardement / De Delaherche à Corot », 20-21 août 1994, p. 21. Du même auteur, retenons le texte aux formulations bien frappées « Aux Arts citoyens ! L’inauguration du musée de Beauvais », Le Quotidien de Paris, jeudi 8 juillet 1982, p. 32.

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