La politique patrimoniale de Blois, ou plutôt son absence

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Le 26 septembre 2022, le maire de Blois, Marc Gricourt, déclarait au conseil municipal que la « maison du jeu de Paume », qu’il « considère comme un élément sans grand intérêt », une « obsession de la direction régionale des affaires culturelles » aurait « mérité d’être bombardé en 1940 ». Vous pouvez voir la vidéo de cette intervention ici.


1. La maison du gardien du Jeu de Paume, d’époque Renaissance, dont le maire de Blois regrette qu’elle n’ait pas été détruite dans les bombardements de 1940
Photo : Didier Rykner
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2. Jacques Androuet Du Cerceau
(vers 1520-1586)
Le Château de Blois, vers 1570
Dessin sur vélin - 51,2 x 74,3
Londes, British Museum
Photo : British Museum
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Cette phrase largement commentée au niveau local mais qui ne semble curieusement pas avoir dépassé celui-ci nous a donné envie d’aller voir dans cette ville comment ce patrimoine était traité par un maire qui regrette qu’un quartier de sa ville n’ait pas été bombardé. Car au-delà de l’ignominie de la phrase, il faut rappeler de quoi l’on parle. Il s’agit avec le château de Blois, son Orangerie et le pavillon Anne de Bretagne (sur lequel nous reviendrons plus loin) du seul élément architectural encore debout (ill. 1) et visible sur le dessin de Jacques Androuet du Cerceau (ill. 2). Une maison Renaissance modeste certes - comme si le patrimoine n’était fait que de monuments majeurs - mais qui n’en est pas moins classée monument historique en tant que dépendance du château, avec la protection datant de 1840. Voilà pourquoi cette maison, entre autre, est une « obsession » de la DRAC dont on a plaisir ici à souligner qu’elle fait son travail.

Un maire indifférent au patrimoine

Marc Gricourt et le patrimoine [1]. Un sujet qui n’est pas inintéressant quand on regarde quelques déclarations du personnage, maire de la Ville depuis 2008 et qui en est donc à son troisième mandat. Le mandat de trop comme le pensent certains. Si son absence de conscience patrimoniale, qui a même occasionné déjà certaines destructions, ne date pas d’aujourd’hui, elle semble se cristalliser dans quelques dossiers particulièrement scandaleux, dont la maison du jeu de Paume n’est finalement qu’un élément.
Tout ce que nous avons pu voir sur place, qui n’est guère différent de ce que nous pouvons observer dans certaines autres villes, montre à quel point la décentralisation a créé des baronnies locales, dans un pays qui redevient de plus en plus une féodalité, où certains se croient tout permis devant l’affaiblissement toujours plus grand du rôle de l’État. Celui-ci est d’autant plus grave qu’il donne un très grand pouvoir à des maires comme Marc Gricourt qui n’a manifestement pas les épaules et surtout la culture pour l’endosser. On ne peut pas demander à un élu d’être omniscient. Personne ne peut être blâmé de n’avoir aucune culture patrimoniale ni même aucun amour pour le patrimoine. Mais lorsque l’on est maire, on doit au moins s’entourer des compétences nécessaires dans les différents domaines. Ce n’est évidemment pas le cas à Blois où il n’y a pas de service en charge des monuments historiques [2], et le patrimoine y est compris comme constitué des biens immobiliers de la ville, sans distinction de qualité. Et s’il fallait citer une seule action du maire de Blois ce pourrait être le commentaire qu’il a salué, sur sa page Facebook, de quelqu’un écrivant sous l’une de ses publications où il se plaignait des blocages administratifs qu’il subissait. Voilà donc le commentaire, in extenso, que le maire de Blois a apprécié publiquement : « En fait, on se tape de votre patrimoine de merde. Le château on le conserve car il fait venir du monde. Mais le reste on s’en tape de votre ancienne salle du jeu de paume ou le truc du genre. Les touristes seront bien contents de trouver un h&m ou un bon mac do, alors que vos ruines que personne ne connaît elles ne font venir personnes et ne participent pas à l’attractivité de la ville [3] ».

Le centre commercial derrière l’église Saint-Vincent


3. Vue du chantier du centre commercial derrière l’église Saint-Vincent, à gauche, la Poste, au fond, la maison du garde du Jeu de Paume et les restes du grand Jeu de Paume
Photo : Didier Rykner
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4. Vue de l’emplacement du futur centre commercial ; au fond, le collège des Jésuites, l’église Saint-Vincent, l’Orangerie et le château, à droite la maison du garde du Jeu de Paume, à gauche la Poste (septembre 2022)
Photo : Google Street
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Nous évoquions en introduction de cette enquête la maison du gardien du jeu de Paume. Celle-ci est menacée car elle se trouve (ill. 3) sur un très grand terrain qui était récemment encore un parking où la mairie va construire un centre commercial, quasiment au pied du château, juste derrière l’église Saint-Vincent (ill. 4), sur l’emplacement d’une partie des anciens jardins et du petit jeu de paume détruit il y a fort longtemps.
La première question que peut se poser quelqu’un qui se sera promené un peu dans Blois est celle de la nécessité d’un centre commercial alors que les commerces ont déserté la ville. En quelques dizaines de mètres à peine parcourus dans la rue du Commerce, nous avons vu pas loin de dix boutiques vides (ill. 5 et 6) qui attendent un repreneur. Gérer une ville cela demande une vision, et pas seulement sur le plan patrimonial. Ce que nous avons pu voir semble démontrer que le maire ne possède ni vision patrimoniale, ni vision économique. Et son projet au cœur de la ville le démontre.


5. Commerces fermés rue du Commerce
Photo : Didier Rykner
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6. Commerces fermés rue du Commerce
Photo : Didier Rykner
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Les fouilles archéologiques, imposées par la DRAC là encore - c’est la loi, tout projet immobilier destructeur doit être précédé de fouilles préventives, ont mis au jour les importantes fondations du petit jeu de paume, aujourd’hui déjà détruites pour la poursuite du projet. 
Mais ces destructions - les vestiges n’étaient guère spectaculaires - ne sont pas les seules qui vont avoir lieu. De la rue du Père Monsabre qui longe le chantier, on peut voir une Poste (ill. 7) édifiée après la guerre par Georges Labro, également architecte de l’aérogare de l’aéroport du Bourget inscrit monument historique et récemment restauré (voir l’article). Celle-ci est d’un Art déco tardif avec d’intéressantes sculptures par Armand Martial et Louis-Aimé Lejeune. Pourtant, elle gêne les projets de monsieur le Maire pour des raisons totalement fallacieuses et grotesques [4] . Elle sera donc détruite - on nous dit que les reliefs sculptés seront conservés, on est prié de le croire - et qu’un nouveau bâtiment sera reconstruit vingt mètres plus loin. Coût de ce vandalisme - cette fois autorisé par le ministère de la Culture, on ne peut non plus lui demander l’impossible… - 1,5 millions d’euros. On pourra rapprocher cela de l’affirmation du maire à propos de la conservation de la maison du jeu de Paume : « la Ville n’a pas la capacité [d’entretenir tout le patrimoine] ». Donc une ville qui s’apprête à dépenser 1,5 millions d’euros pour détruire une poste Art déco et en reconstruire une autre à vingt mètres de là n’a pas la capacité d’entretenir son patrimoine classé. Voilà une phrase qui définit tout entier la politique patrimoniale du maire.


7. Georges Labro (1887-1981)
Bureau de poste
Blois
Photo : Didier Rykner
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8. Cours médiévales près des vestiges du grand Jeu de Paume à Blois
Photo : http://blois.me
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L’examen du quartier où va être construit ce centre commercial dont Blois n’a pas besoin montre combien une vision d’ensemble de l’urbanisme et du patrimoine de sa ville manque à Marc Gricourt. Car outre l’église Saint-Vincent et une aile de l’ancien collège des Jésuites qui délimite le terrain au sud-est, outre la Poste qui le ferme en partie côté nord-est, se trouve du côté nord-ouest, avec la maison du jeu de Paume, la terrasse du « grand » jeu de paume, qui montre de nombreux vestiges archéologiques très importants qui mériteraient d’ailleurs une fine étude et remise en état. Plusieurs cours médiévales subsistent dont nous donnons ici une illustration (ill. 8). Le maire ne peut pas construire là aussi, car heureusement tout cela est classé, comme la maison du jeu de Paume.
Un tel terrain, dans un lieu si chargé d’histoire, et là où se trouvait à la Renaissance une partie des jardins du château ne devrait pas être construit. Un vrai projet - à la place des parkings qui occupaient les lieux - aurait été de recréer un parc, qui aurait d’ailleurs pu inclure les vestiges archéologiques du petit jeu de Paume et qui aurait pu mettre en valeur le grand jeu de Paume, nettement mieux conservé.

Le patrimoine de Blois mis en vente


9. Vue des Jardins des Simples et des Fleurs Royales et de l’ancienne école de garçon
Photo : Didier Rykner
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10. Grille Art nouveau de l’ancienne école
Photo : Didier Rykner
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Tout aussi grave est, de l’autre côté de l’avenue du Dr Jean Laigret au sud, la vente récente à un promoteur de l’ancienne école de garçon construite au tout début du XXe siècle (ill. 9). Certes, ce bâtiment assez banal mais qui n’est pas privé de qualités architecturales, notamment la grille Art nouveau du côté de l’avenue (ill. 10), ne sera pas détruit. Mais il sera transformé en logement, privatisé, et le passage que l’on peut faire aujourd’hui facilement des Jardins dit « des Simples et des Fleurs Royales » vers l’avenue et le jeu de Paume, en traversant la propriété ne sera plus possible. On morcelle donc encore davantage le domaine royal déjà difficilement lisible des visiteurs de la ville faute de projets digne de ce nom.
Cette absence de vision de ce que fut l’un des lieux de villégiature des rois de France transparaît aussi de la vente de l’Orangerie (ill. 11) qui a eu lieu il y a quelques années, et de celle que veut faire désormais la mairie du pavillon Anne de Bretagne (ill. 12). Ce dernier projet de cession du patrimoine municipal a été connu par les associations alors qu’il n’est pour l’instant pas public. Officieusement la mairie y aurait temporairement renoncé, mais on a appris qu’un acheteur avait pourtant visité les lieux. En réalité, la vente de l’ancien pavillon royal est bien dans les tuyaux et pourrait intervenir très bientôt.


11. Ancienne Orangerie du château de Blois
Photo : Didier Rykner
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12. Pavillon d’Anne de Bretagne
Photo : Didier Rykner
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Car vendre le patrimoine historique de la Ville semble être une mission prioritaire de la municipalité. Une autre vente est prévue, celle-ci officiellement, et la déclaration de Marc Gricourt sur la maison du jeu de Paume intervenait d’ailleurs dans un débat qui lui était consacré. Il s’agit de se séparer du bâtiment de la Tupinière (ill. 13 à 17), un monument historique inscrit depuis 1946 et cédé à la Ville pour un euro symbolique en 2003.


13. La Tupinière
Photo : Didier Rykner
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14. Intérieur de La Tupinière
Photo : Didier Rykner
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15. Escalier à vis de La Tupinière
Photo : Didier Rykner
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Ce bâtiment, qui date des XIVe et XVe siècles, est l’une des deux graineteries que possédait à Blois l’abbaye de Marmoutier et a servi de prison au XVIIIe siècle. Si sur des photos de l’Inventaire général datées de 1986 on voit encore des poutres anciennes subsistantes, celles-ci ont aujourd’hui totalement disparu et ne restent désormais que les murs et un escalier à vis (ill. 15 à 17). L’importance historique et la beauté de ces vestiges ne fait aucun doute, et ils mériteraient d’être consolidés et visitables tels qu’ils sont.
Or, la vente que la mairie souhaite faire à un promoteur prévoit sa transformation en logements, ce qui dénaturerait complètement une architecture qui n’est aucunement prévue pour cela. D’ailleurs, selon un article paru dans La Nouvelle République : « dans les années 90 un promoteur s’y était intéressé en vue d’y créer des logements avant de se heurter à l’avis négatif de l’architecte des bâtiments de France ». Rappelons que l’on se trouve ici dans un secteur sauvegardé et qu’il n’y a pas de raison que « l’étude patrimoniale » qui doit être faite permette d’autoriser aujourd’hui ce qui avait été interdit hier. Le maire déclarait déjà avant le conseil municipal que la ville n’avait « pas la capacité financière de réhabiliter tout son patrimoine ». Nous avons vu ce qu’il convient de penser de cette affirmation, alors même, pour ne prendre qu’un exemple, qu’elle vient d’installer une sculpture contemporaine (pas inintéressante d’ailleurs, mais là n’est pas le propos) devant la gare pour un coût total de 70 000 €.


16. Escalier à vis de La Tupinière
Photo : Didier Rykner
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17. Vue sur Blois en haut de l’escalier
à vis de La Tupinière
Photo : Didier Rykner
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Là encore, tout cela démontre une absence totale de vision de sa ville : si la Tupinière n’est pour l’instant pas visible par le public, puisqu’elle se trouve derrière un immeuble d’habitation, rien n’empêcherait d’ouvrir un passage sur la rue de l’autre côté.
Nous pourrions encore citer d’autres ventes du patrimoine blésois comme celle de l’Hôtel-Dieu, ancienne abbaye Saint-Laumer, jouxtant l’église Saint-Nicolas, à un promoteur, également pour y faire une centaine de logements. Le jardin public dit de l’Abbé Grégoire (ill. 18) qui n’était plus ouvert au public depuis fort longtemps et qui se trouve devant ce monument a également été cédé à l’acheteur et sera donc privatisé. Cette vente, fortement combattue par les associations qui craignent à juste titre une détérioration des intérieurs du monument mériterait à elle seule un article complet.


18. Square (fermé) de l’Abbé Grégoire, au fond à gauche
l’Hôtel-Dieu (vendu) et l’église Saint-Nicolas
Photo : Didier Rykner
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Des restaurations parcimonieuses

L’autre réponse de la mairie à ceux qui l’accusent de brader le patrimoine est de dire qu’il le restaure, à l’église Saint-Nicolas où un chantier en cinq phases est en cours sur le clos et le couvert, et à l’Aître Saint-Saturnin, un ancien cimetière à galeries comme il n’en existe presque plus en France qui bénéficiera bientôt de travaux de restauration. Mais si l’on y regarde de plus près, on voit bien que la mairie n’y est en réalité pas pour grand chose et qu’elle n’y participe que relativement peu, et contrainte et forcée.


19. Nef de l’église Saint-Nicolas avec des filets
Photo : Didier Rykner
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Pour l’église Saint-Nicolas, les désordres existent depuis fort longtemps. Cela fait près de vingt ans que la nef est protégée par des filets (ill. 19), et plus longtemps encore que la tour Nord montre des signes d’instabilité. La mairie s’était toujours refusée à y lancer des travaux, et ce n’est que devant l’urgence et la pression de la direction régionale des affaires culturelles que celle-ci a dû s’y résoudre. Des travaux auxquels d’ailleurs elle ne participe que de manière fort modeste : la deuxième tranche sur cinq, si l’on en croit l’affichage obligatoire sur le monument, vient de se terminer au mois de septembre, et le financement est le suivant : 307 625 € pour l’État, 160 000 € pour un mécène (la fondation Sisley-Ornano), et seulement 132 375 € pour la Ville, soit seulement 22 % du total. Sur toute la restauration (pour « pallier les dégradations les plus urgentes »), d’un montant total de 3 333 000 €, la ville donnera en tout sur six ans 565 000 € soit 16 % seulement de la totalité de la somme. Ce qui représente environ un tiers du coût de destruction reconstruction de la Poste. Le désintérêt de Blois pour son patrimoine tient tout entier dans ces chiffres.


20. L’Aître Saint-Saturnin
Photo : Didier Rykner
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21. Vue aérienne de l’Aître Saint-Saturnin
Photo : Fondation du
Patrimoine/Ville de Blois
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Quant à l’Aître Saint-Saturnin (ill. 20 et 21), le déclic est dû à la Mission Stéphane Bern sollicitée par les associations. Là encore, même si l’on se réjouit de ce chantier de restauration à venir, la mairie n’en financera qu’une petite partie. Car ce qu’elle prévoyait pour ce lieu majeur du patrimoine blésois, c’était surtout la construction d’un immeuble de cinq étages juste derrière le cimetière (ill. 22), qui aurait dépassé la hauteur de celui-ci en le dénaturant définitivement. Fort heureusement, ce sont les associations qui se sont opposées avec succès à ce projet.
Un mot enfin sur l’église Saint-Saturnin elle-même. On ne sait pourquoi, le côté de celle-ci est fermé par des grilles temporaires fort disgracieuses et les abords sont très peu accueillants (ill. 23). Comme nous l’a dit le curé de l’église, le père Emmanuel de Valicourt : « La mairie ne fait rien pour la sécurité. Il y a du trafic de drogue jusque dans l’église. Fin août, j’ai été tabassé par six junkies dans le baptistère, et le maire s’en moque ».


22. Arrière de l’Aître Saint-Saturnin où devait s’élever un immeuble de cinq étages
Photo : Didier Rykner
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23. Abords de l’église Saint-Saturnin
Photo : Didier Rykner
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D’autres dossiers

Le manque de sensibilité au patrimoine de sa ville, Marc Gricourt en donne couramment moult exemples. En voulant expulser le musée d’art religieux (ou musée diocésain) de l’étage qu’il occupe dans un bâtiment municipal sans lui proposer de solution de remplacement, ou en détruisant, en 2013 et avant que les associations ne réussissent à la faire protéger, une rotonde ferroviaire (ill. 24) pourtant remarquable sous prétexte que ce n’était pas du patrimoine.


24. Rotonde ferroiviaire en cours
de démolition en 2013
Photo : http://blois.me/
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25. Maison du XVe siècle du quartier
de Vienne à Blois, en cours
de démolition en 2013
Photo : http://blois.me/
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26. Carlos Ramous (1926-2003)
Façade de l’ancienne imprimerie Cino del Duca/Québécor, Blois
Photo : Dossier de presse de Blois Patrimoine Cadre de vie Paysage Environnement
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En 2013 également, dans le quartier de Vienne de l’autre côté de la Loire, qui mériterait, par parenthèse, d’être inclus dans le secteur sauvegardé, un grand logis de type seigneurial - le seul connu de ce quartier - et construit aux environs de 1500 a été démoli pour édifier 33 logements sociaux (ill. 25).
Si le patrimoine de la Renaissance n’est pas bien traité, celui beaucoup plus récent ne l’est pas mieux : outre la démolition de la rotonde ferroviaire, on peut signaler celle qui était prévue des deux-tiers de la façade de l’ancienne imprimerie Cino del Duca/Québecor qui porte un relief monumental du sculpteur italien Carlo Ramous (ill. 26). Ce projet s’est heureusement heurté à une forte opposition, dont celle de Jack Lang, et a finalement échoué. Si cette construction sort du champ de La Tribune de l’Art, son intérêt est évident (vous pouvez en savoir plus sur ce site). Le bâtiment n’est toujours pas détruit, mais son devenir reste incertain et le ministère de la Culture ne lui a pour l’instant accordé aucune protection monument historique.
Et alors que la conservatrice du château de Blois (qui est également, rappelons-le, un musée des Beaux-Arts) va partir à la retraite d’ici la fin de l’année, la municipalité envisage très sérieusement de ne pas la remplacer pendant quelque temps temps, et de mettre à sa place en intérim le directeur de l’Action Culturelle de la Ville de Blois (qui cumulerait donc un temps les deux fonctions). Tout est bon pour faire des économies, dans une ville qui n’a pas les moyens de restaurer son patrimoine.


27. Fontaine Louis XII à Blois, ne fonctionnant pas
Photo : Didier Rykner
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28. Élégante poubelle (?) le long de la Loire devant le pont Jacques Gabriel
Photo : Didier Rykner
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Une ville où le maire semble bien indifférent à l’insécurité, une ville où les fontaines en fonctionnement se font rares (ill. 27), une ville où le mobilier urbain ne tient pas vraiment compte de l’environnement historique (ill. 28), une ville où le patrimoine n’est pas très bien traité, une ville où les réverbères sont enlevés, même sur l’un des lieux les plus emblématiques comme l’escalier Denis Papin (ill. 29 et 30) - par ailleurs régulièrement « décoré » d’une manière ludique -, une ville aussi où les associations se battent pour sauvegarder les arbres (nous aurions pu aussi évoquer ce point)…


29. Haut de l’escalier Denis Papin : seuls les deux réverbères anciens encore conservés
Photo : Didier Rykner
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30. Escalier Denis Papin : on ne voit plus les réverbères anciens qu’on a enlevé
Photo : Didier Rykner
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31. Couverture de l’autobiographie de Marc Gricourt
Photo : Didier Rykner
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Sans doute cela rappelle-t-il quelque chose. Peut-être n’est-ce qu’un hasard, mais lors de la dernière élection présidentielle, Marc Gricourt était un fervent soutien d’Anne Hidalgo et l’un de ses nombreux porte-paroles… Et comme la maire de Paris, celui de Blois aime écrire sur lui-même : il a fait paraître son autobiographie intitulée modestement « Aventures en territoire humain » (ill. 31).

Quelle tristesse de voir Blois, pourtant l’une des plus belles ville de France et les plus riches en monuments historiques être traitée ainsi, avec si peu de considération. Blois qui possède le label ville « d’art et d’histoire ». Blois qui a eu pour maire, il y a longtemps, Jack Lang, un élu dont l’intérêt pour le patrimoine était tout autre, et pourtant du même bord politique que Marc Gricourt. Soulignons que les blésois qui nous ont reçu et qui déplorent le traitement infligé à leur ville se réclamaient autant de gauche que de droite. Nouvelle preuve que le patrimoine n’est pas une affaire de couleur politique. Il est une affaire de goût, de culture, et de sens de l’intérêt public [5].

Didier Rykner

Notes

[1Signalons que nous avons posé toutes nos questions par mail à Marc Gricourt que nous avions d’ailleurs croisé par hasard pendant notre visite dans la ville et à qui nous nous étions présenté. Il ne nous a pas répondu ni accusé réception de nos mails.

[2Il y a un service « Ville d’Art et d’Histoire », mais il n’a qu’un rôle de médiation.

[3Le post apprécié par Marc Gricourt date du 15 juin 2017. Depuis, le ménage a été fait et le commentaire retiré. Mais des copies écran ont été faites qui ont même été incluses dans le recours gracieux envoyé par l’association Blois Patrimoine Paysage Environnement Cadre de Vie à la mairie et qu’on peut trouver ici.

[4On lit en effet dans le permis de construire que sa conservation donnerait lieu « à des constructions de trois époques distinctes » […] « incompatibles avec la perception nécessaire de l’ensemble commercial »… À ce titre, autant raser le château de Blois juste à côté qui date de plus de trois époques distinctes ! On apprend aussi que le bâtiment « bouche[rait] la visibilité du site » et « bloque[rait] la vue de l’ensemble des enseignes en cœur de site ». Quel dommage en effet qu’un bâtiment patrimonial vienne boucher la vue sur un centre commercial ! Nous tirons ces informations du recours posé par les associations que l’on peut trouver ici.

[5Nous avons rajouté après publication l’illustration 31 que nous avions oublié d’insérer.

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