La Cité du Vitrail et l’exposition sur le vitrail à Troyes au XIXe siècle

1. Hôtel-Dieu-le-Comte à Troyes
Photo : GO69 (CC BY-SA 3.0)
Voir l´image dans sa page

Née d’une initiative départementale, la Cité du Vitrail est encore dans une phase de préfiguration, mais ce qui est prévu est d’ores et déjà très prometteur. Depuis l’été 2013, une petite exposition permanente a été ouverte dans une annexe de l’Hôtel-Dieu-le-Comte, mais c’est dans une aile de ce monument historique (ill. 1) (qui abrite également des locaux de l’Université de lettres de Troyes) que va bientôt se déployer l’ensemble du projet. Les travaux commenceront en janvier 2018 et doivent se terminer en 2021.
Dépendant des Archives départementales, il ne s’agit pas vraiment d’un musée, même s’il a vocation à se constituer et à présenter une collection permanente et qu’une conservatrice des musées, issue de l’Institut National du Patrimoine, a récemment été engagée pour s’en occuper.


2. Combles de l’Hôtel-Dieu-le-Comte prochainement
inclus dans le parcours de la Cité du Vitrail
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page
3. Une salle de l’Hôtel-Dieu-le-Comte prochainement incluse
dans le parcours de la Cité du Vitrail
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

4. Chapelle de l’Hôtel-Dieu-le-Comte
(prochainement inclus dans le parcours
de la Cité du Vitrail)
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

Si des salles d’exposition ont déjà été aménagées, le reste du bâtiment fera l’objet de travaux à partir de janvier 2018 pour une ouverture prévue en 2021. Plusieurs salles seront dévolues à la présentation des collections permanentes, dont les combles (illl. 2) où sera installé un parcours consacré à la technique du vitrail. À l’étage inférieur, on notera particulièrement une grande salle baignée de lumière (ill. 3), idéale pour présenter des vitraux (faisant partie du fonds de la Cité tout autant que des verrières déposées temporairement lors de travaux de restauration), tandis que d’autres verrières seront installées dans les baies de l’ancienne chapelle, ceux d’origine ayant été détruits par une explosion pendant la guerre, à l’exception de celui qui se trouve dans le chœur (ill. 4). D’autres pièces seront réservées notamment à la présentation des dessins et cartons, à un centre de recherche et de documentation, et à l’accueil du public.

L’exposition actuelle, qui dure jusqu’à la fin de l’année, est l’occasion de découvrir un important fonds d’atelier du maitre verrier troyen Louis Germain Vincent-Larcher, que son descendant Olivier Gaillot a dans un premier temps déposé puis donné aux Archives départementales. Ce sont ainsi pas moins de 3000 œuvres, dessins et cartons préparatoires, qui ont pu entrer dans les collections. Le département a financé intégralement [1] leur restauration pour 90 000 € au total répartis sur plusieurs années (27 000 € pour le dépoussiérage, 63 000 € pour la restauration proprement dite). Celle-ci était particulièrement nécessaire car ces œuvres se trouvaient dans un grenier dans de mauvaises conditions de conservation.


5. Louis Germain Vincent-Larcher (1816-1894)
Les Rois Mages, vers 1844-1845
Vitrail
Troyes, Musée des Beaux-Arts
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page
6. France, vers 1235-1240
Renvoi des démons
et Louis Germain Vincent-Larcher (1816-1894)
Vocation de saint André, vers 1866
Panneaux inférieurs de la verrière
des Miracles de saint André
Troyes, cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

L’exposition présente des vitraux originaux, déposés d’édifices en cours de restauration ou conservés dans des dépôts en attendant une hypothétique repose dans des monuments actuellement en trop mauvais état pour les y laisser. On y voit aussi beaucoup de dessins préparatoires provenant du fonds récemment donné, que l’on peut comparer soit avec les vitraux définitifs, soit le plus souvent avec des fac-similés. Vincent-Marcher semble avoir été entièrement autodidacte et s’être formé à partir de méthodes d’apprentissage du dessin. Même si sa production est inégale, la qualité de beaucoup de ses vitraux est impressionnante. On admirera une Adoration des Mages (ill. 5) que l’artiste a confectionné pour prouver qu’il était capable de compléter les vitraux de la cathédrale de Troyes en imitant parfaitement la manière du XIIIe siècle. Ce panneau lui valut la commande d’une baie entière. Il fut aussi en charge de restaurations, et un autre vitrail exposé ici montre deux parties : la première originale, la seconde due entièrement à Vincent-Larcher (ill. 6). La différence entre les deux n’est pas évidente pour un œil non exercé.

Il ne s’est d’ailleurs pas contenté de pasticher la manière du XIIIe siècle mais créa aussi des vitraux dans le style du XVIe comme la verrière de l’église Saint-Rémy de Troyes (ill. 7) qui est peut-être son chef-d’œuvre. Cette Proclamation de saint Joseph patron de l’église universelle par le pape, présente, agenouillés au premier plan et parmi une foule immense, Napoléon III et l’Impératrice Eugénie ! Une scène étonnante puisque datée de 1874 ! Peut-être l’œuvre fut-elle commandée en 1870 avant l’abdication ?


7. Louis Germain Vincent-Larcher (1816-1894)
Proclamation de saint Joseph patron de l’Église
universelle par le Pape Pie IX
, 1874
Vitrail
Troyes, église Saint-Rémy
Photo : Conseil départemental de l’Aube/N. Mazières
Voir l´image dans sa page
8. Jean-François Martin-Hermanowska (1806-après 1865)
Grande Crucifixion, 1857
Vitrail
Bar-sur-Seine, église Saint-Étienne
Photo : Conseil départemental de l’Aube/N. Mazières
Voir l´image dans sa page

Le catalogue qui accompagne l’exposition va bien au delà d’une simple étude sur Vincent-Larcher. Il étudie également certains des ses confrères actifs au XIXe siècle à Troyes, tous, d’ailleurs, aussi méconnus que lui. Le principal est Jean-François Martin-Hermanowska, qui œuvra également à la cathédrale de Troyes et est l’auteur d’une grande Crucifixion dans l’église Saint-Étienne de Bar-sur-Seine (ill. 8). Les autres, Honoré-Louis Vincent ou Louis Hugot sont des artistes beaucoup plus modestes. Le propre frère de Vincent-Larcher fut également maître-verrier et l’on peut voir deux œuvres de lui au début du parcours, là encore de qualité nettement moins haute.


9. Louis Germain Vincent-Larcher (1816-1894)
Passion du Christ
Vitrail
Villemoiron-en-Othe, église Saint-Sébastien
Photo : Conseil départemental de l’Aube/N. Mazières
Voir l´image dans sa page
10. Louis Germain Vincent-Larcher (1816-1894)
Le Baiser de Judas
Carton préparatoire pour les vitraux de l’église
Saint-Sébastien de Villemoiron-en-Othe
Troyes, Archives départementales de l’Aube
Photo : Conseil départemental de l’Aube/N. Mazières
Voir l´image dans sa page

Plusieurs essais étudient les commandes du maître-verrier pour des restaurations ou des créations de vitraux dans des édifices religieux de l’Aube. Il n’y a d’ailleurs pas de solution de continuité entre ces deux activités, l’artiste complétant parfois des restaurations par la création de vitraux venant remplir des emplacements restés vide par la destruction du vitrail d’origine. Outre les exemples cités plus haut, signalons la création, dans l’église Saint-Sébastien de Villemoiron-en-Othe, de sept scènes inscrites dans trois lancettes, d’une particulière qualité et dont les cartons préparatoires font partie du fonds d’atelier (ill. 9 et 10). On verra aussi dans l’exposition une large évocation de la chapelle du Petit Séminaire de Troyes (ill. 11), aujourd’hui lycée Marie de Champagne, dont les vitraux réalisés entre 1862 et 1866 ont été déposés (il semble qu’ils ne puissent plus revenir dans leur emplacement original transformé en gymnase...).

11. Louis Germain Vincent-Larcher (1816-1894)
Vitraux de la chapelle du Petit Seminaire de Troyes
Ville de Troyes
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

Cette exposition est aussi le résultat d’un travail important d’inventaire mené de 2015 à 2017 par le département de l’Aube sur les vitraux postérieurs au XVIIIe siècle. Cette entreprise a abouti à l’ouverture de 1115 notices objets correspondant à 2085 verrières (certaines étant regroupées dans un ensemble). Sur tous ces vitraux des XIXe, XXe et même XXIe, pas moins de 42,5% sont protégés monument historique [2], ce qui représente un chiffre considérable, cohérent avec le fort taux d’objets mobiliers protégés dans ce département très attentif à son patrimoine. Les résultats de cet inventaire sont détaillés dans le catalogue en même temps qu’est esquissée une histoire du vitrail du XIXe siècle dans l’Aube.

Acquisition, restauration d’un fonds d’atelier, inventaire, protection, création d’un musée qui a vocation à accueillir et à conserver les fonds de maîtres-verriers non seulement de l’Aube mais en étendant son champ d’étude à toute la France, le mouvement en cours à Troyes autour du vitrail grâce au département de l’Aube est tout à fait remarquable et doit être encouragé. Nous suivrons l’aventure de cette institution au fur et à mesure de son avancement.


Commissaires scientifiques de l’exposition : Sylvie Balcon-Berrry, Laurence de Finance et Danielle Minois.


Sous la direction de Nicolas Dohrmann, Regards sur le vitrail du XIXe siècle. L’œuvre de Louis Germain Vincent-Larcher, Éditions Snoeck, 2017, 319 p., 29 €, ISBN : 9789461613851.


Informations pratiques : Cité du Vitrail-Hôtel-Dieu-le-Comte, 1 rue Roger Salengro 10000 Troyes. L’exposition a lieu du 3 juin au 31 décembre 2017. Ouvert du mardi au dimanche, jusqu’à fin octobre de 9 h 30 à 18 h, puis en novembre et décembre de 9 h 30 à 12 h 30 et de 13 h 30 à 17 h. Tarif : 4 €.

Site internet de la Cité du Vitrail

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.