L’éolien s’invite chez les Vieilles Maisons Françaises...

1. Logo des Vieilles Maisons Françaises
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L’association Vieilles Maisons Françaises a élu en juin son nouveau conseil d’administration. Mais le bureau actuel a été reconduit à titre temporaire, ce que certains appellent un « putsch » interne devant amener à l’élection d’un nouveau bureau qui aura lieu le 16 décembre prochain. Philippe Toussaint devrait donc quitter ce poste après de nombreuses années à la tête de cette association de protection du patrimoine regroupant des propriétaires de monuments historiques. Rien de choquant nous direz vous. Oui, mais.

Oui, mais la nouvelle répartition des postes, qui n’est pas publique, portera à la présidence Xavier Marin. Nous ne le connaissons pas. En revanche, la prochaine trésorière, qui s’appelle Christine Rufenacht, est réputée dans son domaine d’expertise. Elle est avocate et spécialiste des énergies renouvelables. En 2020, elle a créé son cabinet qui porte le nom de PRA. Et que lit-on sur son site internet ? « PRA accompagne investisseurs privés et bailleurs de fonds à chaque phase des grands projets d’énergie renouvelable et d’infrastructures : conception, stratégie de réponse à un appel d’offres, construction, financement en fonds propres et/ou par dette bancaire, mise en service, exploitation, vente totale ou partielle des actifs. »
Christine Rufenacht est donc notamment spécialisée dans le montage d’opérations pour les promoteurs éoliens, ainsi que pour l’énergie solaire. À son précédent poste, en tant qu’associée chez Allen & Overy (entre 2009 et 2020), elle était déjà « spécialisée en financement de grands projets d’infrastructure (aéroports, autoroutes, hôpitaux) et utilisant les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydro), en Afrique et en Europe de l’Est » comme elle le déclarait à la revue L’Étudiant.

2. Éoliennes en mer
Photo : Olivier Dugornay (CC BY 4.0)
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Tout le monde a droit à un avocat, même les promoteurs éoliens. Et celui-ci n’est bien sûr pas responsable des actions que mènent ses clients. Mais est-il normal qu’une avocate ayant pour clients des promoteurs éoliens et dont le rôle est de faciliter leurs projets occupe un poste important dans une association de protection du patrimoine dont un des principaux combats est la lutte contre ce type de projet qui défigurent la proximité des monuments historiques ? La réponse semble assez évidente. Christine Rufenacht n’a pas voulu nous confirmer la prochaine élection interne au bureau en raison d’une « obligation de confidentialité ». Elle nous a affirmé que ce qui compte pour elle, c’est « la défense des paysages et du patrimoine en péril » et que sa profession consistait « à monter des dossiers de financement pour de grande infrastructure comme les aéroports, les énergies renouvelables, les autoroutes, les tunnels...) ». Curieusement, elle ne voit aucune confusion des genres entre participer au développement des énergies renouvelables, dont l’éolien et le solaire, tout en étant dans le conseil d’administration d’une association telle que les VMF, et bientôt à un poste de responsabilité encore plus grand. Quant à l’éolien, elle nous a dit ne pas travailler pour l’éolien terrestre mais uniquement pour l’éolien marin (ill. 2). Si ce dernier menace évidemment moins les châteaux, la différence ne sautera certainement pas aux yeux des adhérents des VMF dont beaucoup se battent contre l’éolien, qu’il soit terrestre ou maritime. Remarquons d’ailleurs qu’Allen & Overy, le cabinet d’avocat où elle était associée jusqu’en 2020, travaille clairement aussi pour l’éolien terrestre (ill. 3) comme on peut le lire ici, ou encore là...

3. Éolienne terrestre
Photo : Michel Foucher (CC BY-SA 4.0)
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Nous avons pu interroger cinq adhérents aux VMF, dont quatre propriétaire de monuments historiques parmi lesquels deux sont menacés par des éoliennes : aucun n’était au courant de cette future élection, et tous se sont déclaré scandalisés. Comme nous l’a dit l’un d’entre eux, « cela est doublement choquant : qu’on puisse nommer une personne comme elle à une telle fonction, et qu’on puisse même proposer son nom ». Un autre nous a dit qu’il devait renouveler son adhésion, mais qu’il y renoncerait si cette élection était avérée.

Nul doute que la plupart des autres membres de cette association de protection du patrimoine se montreront tout aussi inquiets de ce qu’elle risque de devenir. Remarquons toutefois que sa position ambiguë sur le projet de « Rocher Mistral », qui dénature le château de La Barben et ses abords pour la création d’un parc d’attraction, malgré l’absence d’autorisations des autorités compétentes, était déjà un fort mauvais signe (voir cet article). Une association de protection du patrimoine ne peut pas être soupçonnable de complaisance envers ceux qui le menacent.

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