L’emplacement du Musée de l’Histoire de France fait déjà débat

Hôtel de Rohan-Strasbourg
Façade sur la rue Vieille du Temple
Archives Nationales
Photo : Didier Rykner
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L’annonce (anticipée) de l’installation du Musée (ou Maison) de l’Histoire de France aux Archives Nationales a déjà fait réagir les syndicats qui ont envoyé une lettre ouverte au président de la République [1] pour s’opposer à ce projet, au nom « de tous les personnels des archives, des personnels techniques aux conservateurs. »

Deux arguments sont avancés :

 les Archives Nationales sont installées à cet emplacement depuis deux siècles ; il s’agit de « leur socle historique »,

 tous ces espaces sont indispensables car ils « répondent aux besoins précis de l’accroissement et de la conservation des collections et fonds d’archives ».

Ce raisonnement nous semble irrecevable. La première affirmation, qui sous-entend que ce lieu ne peut avoir pour fonction que de conserver des archives, ne peut s’appliquer à l’Hôtel de Soubise ni à celui de Rohan, qui n’ont certes pas été créés dans cet objectif, pas davantage aux quatre hôtels situés sur la rue des Francs-Bourgeois. Certes, quelques bâtiments modernes, d’ailleurs tous plus médiocres les uns que les autres [2], ont été construits au XXe siècle spécialement pour cela. La vocation du Caran ne changera pas puisqu’il accueillera toujours demain les chercheurs venant consulter les archives avant 1789. Celles-ci seront de même encore emmagasinées au premier et au second étage des extensions Napoléon III et de la partie Louis-Philippe en retour d’équerre sur les jardins. Ces bâtiments, créés pour stocker des archives, ne changeront pas, pour l’essentiel, d’affectation.

Quant à la question de la place insuffisante pour faire face à l’augmentation du fonds, sa pertinence nous échappe. Le volume des archives antérieures à 1789 s’accroîtra peut-être par de nouvelles acquisitions, mais cela ne constituera certainement pas l’essentiel des apports, qui concerneront surtout le XXIe siècle. Et ces archives à venir ne viendront pas ici, mais à Fontainebleau. On ose espérer que le projet initial l’avait prévu. D’après nos informations, le départ des archives des XIXe et XXe siècle va effectivement libérer beaucoup de place qu’il faudra bien occuper, faute de quoi le destin public de ces bâtiments ne pourra être assuré.

On terminera enfin en soulignant que, depuis déjà longtemps, l’administration des archives a privé le public d’une grande partie de ces monuments historiques que l’on pouvait pourtant visiter librement il y a encore vingt ans. L’installation de la Maison de l’Histoire de France (musée dont on aurait d’ailleurs très bien pu se passer [3] mais dont la création est désormais actée) dans ces lieux est certainement la moins mauvaise des solutions.

Nous invitons bien sûr les archivistes à nous écrire (sous condition d’anonymat s’ils le souhaitent) s’ils veulent réfuter nos arguments et poursuivre ce débat qui promet d’être animé. »

Didier Rykner

Notes

[1Cette lettre fait allusion au Figaro qui aurait annoncé cette décision le 10 septembre au matin. Nous ne l’avions pas lu lorsque nous avons publié notre propre article.

[2Dont celui dit « le Caran », qui s’accole malencontreusement à l’Hôtel Rohan et est heureusement caché (au moins au printemps et en été) par une rangée d’arbre.

[3Ce que nous avions dit dès son annonce (voir ici).

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