Des nouvelles des Serres d’Auteuil

Intérieur des Serres de Jean-Camille Formigé
Photo : Didier Rykner
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2/1/12 - Patrimoine - Paris, Serres d’Auteuil - Bien que nous n’ayons pas parlé depuis quelques mois des Serres d’Auteuil (voir nos précédents articles), et de la décision de la Mairie de Paris d’y installer le tournoi de Roland-Garros, deux événements récents datant du mois de décembre nous incitent à nous replonger dans ce dossier qui devrait, en 2012 comme en 2011, préoccuper au plus haut point les défenseurs du patrimoine.
En revanche, nous n’aborderons pas ici la pseudo concertation qu’a dû organiser la Fédération Française de Tennis à la demande de la Commission Nationale du Débat Public. Toutes les concertations de ce type, surtout celles concernant des projets de la Mairie de Paris (voir cet article), sont des farces où chacun campe sur ses positions. Les vrais débats, c’est désormais évident, auront lieu devant les tribunaux, et il sera beaucoup plus difficile pour la municipalité d’y faire valoir ses arguments oiseux.

Le premier événement est le communiqué du Comité Scientifique International pour les Paysages Culturels de l’ICOMOS, le Conseil International des Monuments et des Sites.
Cette assemblée de scientifiques, dont un groupe de membres experts a visité les Serres d’Auteuil pour se rendre compte de « l’impact que pourrait avoir le projet d’implantation de nouvelles activités de la Fédération Française de Tennis et du tournoi de Roland Garros sur ce jardin à vocation scientifique, pédagogique et d’agrément. », a conclu que celui-ci était « gravement menacé dans son intégrité paysagère et botanique », « qu’il ignor[ait] la scénographie conçue par [l’architecte] J-C Formigé », que les serres de remplacement prévues autour du nouveau court « ne répond[ent] pas aux caractéristiques techniques pour recevoir des plantes fragiles [et] se rédui[sent] à un cache-misère décoratif », « que le projet entraînerait la disparition de quelque 25 arbres, dont plusieurs arbres remarquables (dont un Pistachier térébinthe, un Celtis koraiensis et un Ailanthe Giraldii) » et « qu’il modifie[rait] totalement les flux de visiteurs dans le jardin, et dépasse les capacités d’accueil du jardin des Serres d’Auteuil tel qu’il a été conçu ». Elle appelle en conséquence la Mairie de Paris et la Fédération Française de Tennis à abandonner l’idée d’extension de Roland-Garros sur le Jardin botanique des Serres d’Auteuil et lui suggère de mieux étudier les projets alternatifs, notamment la couverture de la bretelle d’autoroute.
Bref, cette assemblée de scientifiques ne dit pas autre chose que ce que les défenseurs des Serres affirment depuis le début de cette affaire.

Cet avis sans appel de scientifiques n’aura pourtant pas influencé le vote de la Commission supérieure des sites qui, le 15 décembre, a donné son accord à ce vandalisme. Ce vote est-il si étonnant ?
Evidemment non, lorsqu’on connaît les conditions dans lesquelles celui-ci a eu lieu. En réalité, comme l’a révélé Serge Federbusch sur son site Delanopolis (auquel nous renvoyons pour un résumé de cette séance), la Commission s’est exprimée à l’unanimité... de l’Etat et de la Ville de Paris. A une abstention près, toutes les personnalités qualifiées (huit sur neuf), c’est-à-dire celles nommées dans la commission pour leur compétence, non pour leur fonction ou leur mandat, se sont opposées au projet. Celui-ci n’a pu être approuvé que par le vote des politiques et des fonctionnaires aux ordres, dans une unité absolument touchante.

Le communiqué triomphal aussitôt publié par la Mairie de Paris ne trompera donc personne. Celle-ci ose prétendre que ce vote « de ?montre une fois de plus que le projet de la FFT [...] se concilie avec un respect scrupuleux du site ». Il démontre surtout, outre l’union sacrée sur ce dossier entre la Mairie de Paris et l’Elysée, que nous évoquions dans nos précédents articles, la capacité de l’actuel Ministre de la Culture à avaler des couleuvres, dès lors que celles-ci sont délivrées par le président de la République ou par quelques-uns de ses collègues, au premier rang desquels Nathalie Kosciusko-Morizet. Delanopolis fait d’ailleurs remarquer que, contrairement à l’habitude, c’est son directeur général d’administration qui présidait la séance.

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