De la chapelle des Morts au budget participatif

1. Inauguration de la restauration de la chapelle des Litanies de la Vierge de Notre-Dame-de-Lorette
Photo : Didier Rykner
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La restauration de la chapelle des Litanies de la Vierge de l’église Notre-Dame-de-Lorette peinte par Victor Orsel, avec l’aide de nombreux autres de ses amis et élèves qui l’ont terminée après sa mort en 1850, a été inaugurée hier (ill. 1). En réalité, elle était déjà achevée depuis plusieurs mois et nous avions déjà eu l’occasion d’en parler ici (voir la brève du 12/10/20]). Le résultat final est spectaculaire et rend toutes ses qualités à ce qui demeure l’un des chefs-d’œuvre de la peinture murale à Paris au XIXe siècle (ill. 2). On peut aussi admirer la sculpture de la Vierge par Auguste Dumont, qui a été incluse dans les travaux, tout comme la niche qui l’abrite.


2. Victor Orsel (1795-1850)
Coupole et écoinçons de la chapelle des Litanies de la Vierge
Peintures murales à la cire
Paris, église Notre-Dame-de-Lorette
Photo : Didier Rykner
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3. Auguste Dumont (1801-1884)
Vierge
Marbre
Paris, église Notre-Dame-de-Lorette
Photo : Didier Rykner
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Nous reproduisons ici quelques figures de la partie basse de la chapelle (ill. 3 à 7), restaurée grâce au mécénat réuni par la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris et l’association des amis de Notre-Dame-de-Lorette, avec une campagne notamment portée par le journal Le Parisien.


4. Victor Orsel (1795-1850)
Saint Michel
Peintures murales à la cire
Paris, église Notre-Dame-de-Lorette
Photo : Didier Rykner
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5. Victor Orsel (1795-1850)
Saint Paul
Peintures murales à la cire
Paris, église Notre-Dame-de-Lorette
Photo : Didier Rykner
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6. Victor Orsel (1795-1850)
Daniel
Peintures murales à la cire
Paris, église Notre-Dame-de-Lorette
Photo : Didier Rykner
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7. Victor Orsel (1795-1850)
Stella Matutina
Peintures murales à la cire
Paris, église Notre-Dame-de-Lorette
Photo : Didier Rykner
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Beaucoup néanmoins reste à faire dans cette église : la restauration de la chapelle de l’angle nord-est peinte par Alphonse Périn, l’ami fidèle de Victor Orsel ; celle de la coupole et des écoinçons du chœur, un chantier très urgent compte tenu de leur état actuel de dégradation, même si celle-ci semble désormais stoppée grâce à la réfection du couvert ; sans compter la reprise de la restauration du cul-de-four qui a été en partie annihilée par des infiltrations postérieures [1]. Il faudra aussi ensuite restaurer les peintures du haut de la nef, en moins mauvais état, et celles des bas-côtés. Heureusement, les témoins installés pour vérifier la stabilité de l’église, longtemps menacée par les travaux souterrains du métro, ont démontré que celle-ci ne bougeait plus.


8. Chapelle des Morts décorée par Merry-Joseph Blondel à Notre-Dame-de-Lorette (état actuel)
Photo : Didier Rykner
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9. Merry-Joseph Blondel (1781-1853)
Mise au tombeau
Peinture murale, essai de nettoyage
Paris, église Notre-Dame-de-Lorette
Photo : Didier Rykner
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La prochaine étape est déjà envisagée : il s’agit de la restauration de la chapelle des Morts de Merry-Joseph Blondel, au sud-ouest de l’édifice (ill. 8). Tout le monde pensait que celle-ci avait brûlé à une date indéterminée, en raison de la couleur noire des murs recouvrant les peintures, que l’on prenait pour de la suie due à une combustion. Il n’en est rien ! L’appendice en verre abritant un bureau qui se trouvait dans cette chapelle a été enlevé, et deux essais de nettoyage ont été menés, dans le cul-de-four, et dans un écoinçon (ill. 9 et 10). Le résultat est spectaculaire et augure au mieux de ce que l’on espère bientôt pouvoir admirer, que personne n’a pu voir depuis très longtemps.


10. Essai de nettoyage d’un écoinçon de la chapelle des Morts de Notre-Dame-de-Lorette par Merry-Joseph Blondel
Paris, église Notre-Dame-de-Lorette
Photo : Didier Rykner
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11. Détail du décor de la chapelle des Morts de Notre-Dame-de-Lorette par Merry-Joseph Blondel (état actuel)
Photo : Didier Rykner
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Mais pour cela il faut un budget. Or la Ville de Paris, plus d’un an après l’élection d’Anne Hidalgo, n’a toujours pas dévoilé son Plan d’Investissement de la Mandature, car, expliquait Anne Hidalgo en juillet : « nous n’avons pas de visibilité financière [2] »… Autrement dit : la situation financière est catastrophique. Et le Covid a bon dos. Rappelons que Paris est passé d’un endettement de 4,1 milliards d’euros en 2014 (date de la première élection d’Hidalgo) à 7 milliards d’euros aujourd’hui [3].] (beaucoup plus en réalité, la Ville ayant encaissé des loyers HLM de manière anticipé, obligeant les offices HLM à s’endetter à sa place). Comme on peut le craindre donc, malgré l’amélioration réelle de ces deux dernières années, l’avenir s’avère bien sombre pour les églises parisiennes dont on peut craindre qu’elles soient les oubliées du futur plan d’investissement (s’il finit par arriver).


Seul espoir : le budget participatif (voir nos articles) ! Nous n’avons pas varié sur ce sujet : on ne gère pas une ville comme si le nécessaire était optionnel. Il suffit de regarder les actions mises aux voix des Parisiens pour constater le caractère surréaliste de cette opération. Certaines actions relevant des missions premières d’une mairie sont soumises au vote, comme « rénover les sanitaires des écoles » (!) ou « entretenir et sécuriser les rues et trottoirs » (!!). Mais si on ne veut pas que les enfants aient des toilettes correctes ou que les trottoirs soient sécurisés, on peut toujours voter pour « [la mise en couleur créative de 61 potelets » ou la « mise en place d’installations interactives et ludiques, digitales et physiques »…

Dans ce bric-à-brac de projets essentiels pour la Ville, et d’autres totalement superflus, voire carrément nuisibles, comme « Réaménager les berges de la Seine » en « installant des barres de fer galvanisé et bancs spécifiques à la glisse pour y accueillir des pratiques urbaines » (sic) ou « Des statues pour la Promenade Urbaine » sous le métro ligne 2 (le même qui a déjà des urinoirs connectés), certains concernent le patrimoine, comme si, là encore, entretenir et restaurer les monuments historiques parisiens étaient une option facultative.

Non, il n’est pas facultatif de renouveler le plancher du Pont des Arts, ni de restaurer la pompe à feu de Bagatelle (nous reviendrons sur ce sujet), ni de rénover le mur du cimetière de Charonne, ou encore de « sauver le monument de Claude Debussy ». Et il n’est certainement pas facultatif de restaurer les églises parisiennes et leurs peintures murales, et notamment cette chapelle des Morts de Merry-Joseph Blondel dont on devine déjà qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre.

Lino Ventura, dans L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville, refuse de courir pour sauver sa vie. Il refuse de courir, car c’est contre tous ses principes… Et pourtant, finalement, il court. Nous avons toujours refusé de voter au budget participatif, car cela contrevient à tout ce que nous croyons, c’est-à-dire à une politique municipale qui assume ses devoirs, et pour laquelle il n’y a pas à voter. Et pourtant, pour une fois, nous voterons. Nous voterons pour la restauration de la chapelle des Morts (après nous être inscrit pour voter dans le IXe arrondissement), et nous voterons au niveau de tout Paris pour « Participer à la restauration et l’embellissement du patrimoine [4] ». Nous incitons tous nos lecteurs à faire de même avant le 28 septembre à 20 h, pour la restauration d’une église qui leur tient à cœur (il y a aussi, par exemple, Saint-Merry) et pour le projet concernant tout Paris. Prenons-les à leur jeu, à défaut de pouvoir les empêcher d’y jouer.

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