Après la démission de Michel Draguet du Cinquantenaire, quel avenir pour les musées bruxellois ?

Musées Royaux d’Art et d’Histoire
Bruxelles
Photo : Ben2 (Licence Creative Commons)
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Le plan de réformes des institutions scientifiques fédérales recalé par le ministre de tutelle

Un avis de tempête avait été lancé ces dernières semaines avec une journée du lundi 10 février annoncée comme particulièrement agitée pour les projets de réformes que l’Administration belge de la politique scientifique cherchait à faire passer depuis plus de trois ans (voir notamment). Très contestés par plusieurs directions et de nombreux membres du personnel des institutions, leurs promoteurs avaient été contraints de revoir les plans en question. Une nouvelle mouture, résultat d’innombrables discussions rendues nécessaires par les faiblesses du projet, a été proposée le lundi 10 dernier par Philippe Mettens, président de l’Administration de la politique scientifique, au ministre de tutelle, Philippe Courard. Celui-ci estima la note insatisfaisante et qu’il ne pouvait suivre son fonctionnaire. Le plan de réformes, très loin de faire le consensus auquel essaie de faire croire Philippe Mettens, ne sera donc pas présenté en l’état au gouvernement. Comme des élections sont prévues en mai prochain, il ne faut rien espérer avant de nombreux mois, la formation du prochain gouvernement risquant d’être particulièrement laborieuse.

Exit le « Pôle Art »

Voyons en quoi les derniers épisodes de ce mauvais feuilleton ont des retombées sur les Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles (MRBA) et sur les Musées royaux d’Art et d’Histoire (communément nommés le Cinquantenaire). Rappelons d’abord qu’il avait été initialement envisagé de rassembler au sein d’une entité nommée « Pôle Art » ces deux musées auxquels allait être adjoint également l’Institut royal du Patrimoine artistique (Irpa). Ce n’était un secret pour personne que la fonction de directeur de ce pôle était destinée à Michel Draguet. Ce projet revenait à neutraliser la spécificité de l’Irpa et sa position de centre internationalement reconnu non seulement en matière de conservation et de restauration des œuvres d’art mais aussi de recherche en histoire de l’art. La direction de l’Irpa s’opposa à ce projet avec pour heureuse conséquence, confirmée par la décision ministérielle de lundi dernier, que l’établissement gardera finalement son statut autonome. Restait le sort des deux musées dont on sait que le premier est dirigé par Michel Draguet et que le second l’est de manière intérimaire (depuis 3 ans et demi !) par la même personne. Le plan présenté par Mettens après révision prévoyait que la fusion des deux musées soit maintenue et qu’ils soient placés sous la houlette du seul Michel Draguet. Le ministre y a renoncé également. Chaque musée garde dès lors lui aussi son autonomie. Et la démission de Michel Draguet au poste de directeur intérimaire du Cinquantenaire a été confirmée par un communiqué (Voir La Libre Belgique du 14 février 2014). Le ministre entend d’ailleurs ouvrir au plus vite un poste spécifique de directeur général des Musées royaux d’Art et d’Histoire [1].

Un grand danger est donc - du moins pour le moment - écarté puisque la fusion des deux musées constituait un des éléments essentiels à la mise en œuvre des projets de Michel Draguet qui comptait notamment puiser dans les collections du Cinquantenaire pour étoffer les multiples musées dont il envisageait la création. Parmi les plus grandes inepties annoncées figurait, on s’en souvient, un projet de « I Fiamminghi Museum » qui n’envisageait rien de moins que le déménagement aux MRBA de retables sculptés gothiques du Cinquantenaire ! A l’heure actuelle cette perspective-là est abandonnée.

Des problèmes loin d’être résolus pour autant

En ce qui concerne d’une manière plus générale l’avenir des musées, le coup de frein donné aujourd’hui est certes le bienvenu. Mais il ne faut pas se faire d’illusion : il est loin de tout résoudre car la manière dont ils ont été gérés durant la dernière décennie a placés ces établissements en fâcheuse position. On était arrivé au bord de l’implosion dans le cas du Cinquantenaire. Quant à la réputation des MRBA, déjà peu brillante suite aux fermetures successives de salles et autres mesures inadéquates, elle est au plus bas depuis le scandale inimaginable des perceuses (nécessitant l’apport de quantités énormes d’eau) mises en activité dans la toiture couvrant directement les salles où se trouvaient des panneaux venus des quatre coins du monde à l’occasion de l’exposition Van der Weyden qui dut être fermée en catastrophe trois jours après son vernissage (voir la brève du 22/11/13 sur ce site). La pente à remonter est raide ! Les exploits de Michel Draguet avec son musée Magritte d’abord, puis avec son « Fin-de-Siècle », n’auront été que des cache-misère. Ceci ne veut pas dire qu’il est responsable de la totalité du désastre. Car il est vrai que lors de son entrée en fonction (il y a neuf ans !), il a hérité d’institutions déjà mal en point. Hélas, pendant cette quasi décennie de pouvoir, au lieu de faire face aux défis faciles à identifier mais ingrats, il multiplia les gesticulations, préférant les opérations tape-à-l’œil à la gestion sage, négligeant les urgences (ne serait-ce que par la définition des priorités dans l’entretien des bâtiments) au profit de l’événementiel et de projets irréalisables (que ses défenseurs qualifient généreusement de visionnaires !). Il est donc bien illusoire de croire que les décisions prises aujourd’hui par le ministre vont beaucoup améliorer une situation que de plus en plus de monde s’accorde à considérer comme désastreuse [2]. Et rien ne compensera jamais l’énormité du temps et de l’argent perdus !

En ce qui concerne le Cinquantenaire, la démission de Michel Draguet fait ressortir au grand jour l’anomalie fondamentale que constitue l’absence de directeur nommé. Il n’y a d’ailleurs pas non plus de directeur nommé à l‘lrpa depuis trois ans. Le ministre a promis de remédier à cette situation. On l’attend. Mais la proximité des élections ne laisse pas augurer une solution rapide.

« Le Cinquantenaire se délite »

Le ministre lance aussi un cri d’alarme sur la situation des bâtiments du Cinquantenaire dont il semble découvrir, enfin !, qu’elle est déplorable. Espérons qu’il soit entendu. « Il faudra d’urgence, dit-il au journaliste de La Libre Belgique, lors de la constitution du prochain gouvernement, adopter un master plan pour le Cinquantenaire, y associer la Région, investir comme on l’a fait à Tervuren, sinon le Cinquantenaire devra fermer. C’est un patrimoine magnifique mais où on n’a plus investi depuis des années. Tout se délite dans le bâtiment. Le temps des bricolages est fini. J’ose espérer que tous les responsables politiques se retrouveront autour de cette ambition pour un lieu important de la capitale de l’Europe ». On jugera sur pièce dans les mois qui viennent. En attendant conservons lui notre confiance dans la mesure où il a montré son autorité dans la façon dont il a su mettre le holà aux projets mal ficelés du patron de son Administration.

Le devenir des Musées des Beaux-Arts

S’il l’on se réjouit grandement que le ministre Courard se soucie du Cinquantenaire, l’attention qu’il porte aux MRBA nous paraît en revanche décevante, voire inquiétante, à tout le moins très insuffisante. Puisqu’il le faut, rappelons donc une fois de plus que les toitures des MRBA percent en divers endroits, que des travaux lourds menés dans plusieurs salles (jadis dévolues aux collections des XVe et XVIe siècles) sont à l’arrêt depuis des années sans annonce de reprise des chantiers, que l’éclairage est déficient, que la moquette est souillée et râpée, que la présentation des œuvres est surannée mais surtout honteusement lacunaire (les esquisses de Rubens mises en réserves pour cause de ruissellements et l’inestimable collection de sculpture aux oubliettes par indifférence envers ce patrimoine) et que les circuits proposés au visiteur sont devenus totalement incohérents, le tout accompagné d’une hausse du prix d’entrée et de l’obligation d’achat de tickets supplémentaires pour avoir accès aux pseudo-Musées Magritte et Fin-de-Siècle…

On le voit aisément, les raisons de se préoccuper de la situation actuelle et de l’avenir de l’institution ne manquent pas. Malgré cela, la seule chose dont le ministre parle et à laquelle la presse accorde aujourd’hui un peu d’attention concerne le déménagement des collections du musée d’Art moderne pour les installer dans les locaux (à aménager à grands frais) des anciens magasins Vanderborght. Cette information est répétée depuis trois ans comme s’il s’agissait nécessairement de LA bonne réponse aux problèmes posés par l’inaccessibilité des collections dites d’art moderne des MRBA. On se souviendra que ces dernières ont été retirées des salles non pas à la suite d’un accident ou incident quelconque, mais simplement (!) à la suite d’une décision prise par Draguet lui-même : il avait besoin de l’espace pour y installer son « Musée Fin-de-Siècle » et la dation Gillion-Crowet. N’ont été rendues à la vue du public que les œuvres qu’il a exposées aux murs de ce très mal nommé « Musée », puisque celui-ci n’est en fait qu’une section des Musées royaux (voir ici). Que toutes les autres peintures et sculptures des XIXe et XXe siècles restent invisibles était une décision qui ne dérangeait absolument pas le directeur général qui n’avait prévu aucune solution de rechange à leur enlèvement des cimaises.

Les curieuses idées de Michel Draguet sur le Vanderborght

Mais dès la fermeture du Musée d’Art moderne, à la surprise du directeur général, le public fit entendre son mécontentement et des manifestations répétées attirèrent l’attention des médias [3] ainsi que, progressivement, de l’un ou l’autre politicien. C’est alors que le « Vanderborght », auquel on songeait à donner une affectation muséale depuis des années déjà, fut présenté comme une solution permettant à Michel Draguet de sortir de l’impasse dans laquelle il s’était lui-même placé. On sait qu’entretemps ce « visionnaire » a improvisé une prétendue stratégie muséographique en déclarant qu’il n’y avait pas eu d’art moderne en Belgique (sauf pendant la période Fin-de-siècle désormais glorifiée grâce à lui) et que par conséquent il n’y avait pas place pour un musée d’Art moderne. Il était donc intellectuellement fondé de ne plus parler de Musée d’art moderne à Bruxelles et d’effacer des mémoires un tel musée, fruit d’une compréhension complètement dépassée de l’histoire de l’art à laquelle ne s’accrocheraient plus que quelques grincheux et autres « pisse-froid » (sic). Par ailleurs, Michel Draguet a découvert qu’il ne fallait pas considérer de manière séparée les différentes formes d’art, héritage selon lui d’une stupide manie taxonomique (sic) : en plus de la peinture et de la sculpture, il fallait dès lors aussi évoquer la création musicale, la poésie, le théâtre, l’opéra, la photographie, le cinéma, la vidéo etc. etc. Dès lors, l’idée d’aller s’installer à proximité de la Monnaie (à 250 m du Vanderborght), lui apparaissait comme l’argument définitif à sortir de son chapeau pour donner corps à ce projet qu’il allait baptiser « Postmodern Lab Museum » et au sein duquel la musique est appelée (c’est du moins ce que l’on croit comprendre) à jouer un rôle éminent en même temps que tous les autres arts qui pourraient expérimenter des formes nouvelles d’expression dans ce laboratoire d’art postmoderne. Tout cela apparaît, pour rester aimable, totalement ridicule.

La solution Vanderborght n’est pas bonne

Si l’on s’en tient à ce qui transparaît des récents communiqués de presse et autres échos, le fond de la question, c’est-à-dire le contenu lui-même du « Postmodern Lab Museum » n’est pas à l’ordre du jour. Cela signifierait-il que c’est à la concrétisation aveugle des élucubrations du directeur général que le ministre voudrait donner son feu vert ? La déclaration de Philippe Courard parue dans la presse ne parle en tout cas que des modalités de financement : « Le dossier est presque mûr, dit-il. Beliris, le financement de Bruxelles par le fédéral, est d’accord d’y collaborer. Laurette Onkelinx l’a dit. On mettra autour de la table la Région bruxelloise, la Ville de Bruxelles, Beliris et nous-mêmes, et j’espère bien pouvoir avoir une décision très vite, avant les élections. » Il convient d’ores et déjà de mettre un bémol à cette proclamation car le site de Brussel TV annonçait dès le 14 février qu’il ne fallait pas compter sur l’aide financière de Beliris. On ne se plaindra pas de ce contretemps probable car il est clair que la solution Vanderborght, du moins celle concoctée par Michel Draguet, n’est pas la bonne. Car bien des questions surgissent à l’analyse.

Il faut se demander si les conseillers du ministre ainsi que les personnes de bonne volonté appelées à la rescousse par celui-ci pour financer ce « Lab Museum » ont écouté d’autres opinions que celles avancées par le maître des lieux et s’ils sont en possession de toutes les données nécessaires pour arbitrer un problème dont ils risquent de ne pas saisir la complexité. Car la solution Vanderborght est mauvaise à bien des égards. D’abord parce qu’il n’y a tout simplement pas la place nécessaire et qu’il n’est pas adapté à cette fonction sauf à y procéder à beaucoup de travaux. Cela a déjà été souligné par Peter Swinnen, le Bouwmeester (maître-architecte) flamand appelé à donner son avis sur tout projet architectural à implication urbanistique en Flandre [4]. Cette objection majeure tombe sous le sens quand on connaît l’ampleur des collections qui attendent d’être rendues à la vue du public [5]. L’autre question qui surgit est celle de l’opportunité qu’il y aurait de confier à une même direction la responsabilité des collections historiques et la tenue en main d’un centre d’art actuel. Il n’est pas difficile de comprendre que gérer ces types d’institutions relève de métiers différents. On ne peut confier à la même personne à la fois l’animation très particulière d’un centre d’art actuel et la gestion de collections de peinture et de sculpture européennes du XVe au XXe siècle.

Oui à un centre d’art actuel indépendant des Musées royaux, tel que le Wiels

L’art actuel est par définition en phase de perpétuelle création et s’affirme dans des manifestations temporaires fréquentes qui permettent aux uns et aux autres d’en suivre la genèse et de porter des jugements. C’est un tout autre rôle que celui joué par un musée, même d’art moderne. Le rôle des centres d’art actuel est de permettre aux créateurs en tous genres de se faire connaître, libre au marché de l’art, aux spéculateurs, aux historiens et aux critiques, aux institutions muséales, aux amateurs etc. de procéder à des achats et de constituer des collections. On trouve par bonheur à Bruxelles un nombre sans cesse plus grand de galeries très actives qui sont autant de centres d’art dynamiques où l‘on peut suivre l’évolution d’une partie non négligeable de la création contemporaine. On trouve aussi à Bruxelles d’autres lieux encore, justement réputés, où se donne à voir l’art en devenir : le Wiels est de ceux-là, la Centrale Electrique l’est aussi sur un mode mineur, le Palais des Beaux-Arts a en la matière une exceptionnelle expérience de plus de 70 ans et comme les deux autres bénéficie de l’aide publique. En ces temps de rigueur budgétaire, ne serait-il pas utile de s’interroger sereinement sur l’opportunité de se lancer dans le financement d’un « Postmodern Lab Museum » au Vanderborght ? Les idées (peut-être) novatrices lancées par Michel Draguet ne seraient-elles pas plus efficacement mises en œuvre si elles étaient orientées vers l’une ou l’autre de ces institutions existantes et qui ont fait la preuve de leur compétence, dont on ne doute pas qu’elle(s) serai(en)t heureuse(s) de profiter de l’opportunité qui s’offre à elle(s) de bénéficier de davantage de moyens ? Il n’y a aucun doute à ce propos ! Quant au sort du Vanderborght, laissons s’en soucier les héritiers de la débâcle Dexia [6].

Il faut sauver le Musée d’art moderne créé par Roger Bastin

La solution Vanderborght n’est qu’un coûteux emplâtre sur une jambe de bois. Il est encore temps de revenir à la raison et d’éviter un faux pas de plus. Les collections dites modernes (XIXe et XXe siècles) des MRBA ne doivent pas être mêlées aux expérimentations des créateurs actuels : elles doivent rester sur le site des MRBA. Il y a 30 ans (c’était en 1984) l’architecte Roger Bastin (1913-1986) leur a conçu, en tenant compte de contraintes innombrables, un écrin dont le fameux puits de lumière est un des éléments clés. C’est dans une partie de ces locaux ingénieusement agencés en sous-sol que Michel Draguet a installé son « Musée Fin-de-Siècle ». Quoique sa première intention ait été de dénaturer sans vergogne le puits de lumière pour en faire un trou noir [7], il a fourni lui-même la preuve que les espaces intérieurs du « Bastin » étaient parfaitement viables moyennant une mise aux normes d’aujourd’hui, normales dans un bâtiment trentenaire. Par ailleurs, les déboires qui ont entrainé l’arrêt des travaux de couverture du puits de lumière ont paradoxalement eu pour effet de ramener l’attention générale sur l’originalité du système imaginé par Bastin et la qualité de ses finitions. Les volumes intérieurs quant à eux, que l’on redécouvre en allant visiter le « Musée Fin-de-siècle » ont très belle allure également. Le Musée d’Art moderne de Bastin mérite d’être sauvé. Il mériterait que les défenseurs de l’architecture et du patrimoine se mobilisent plus qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent. Outre celle de l’Arauhttp://www.arau.org/fr/urban/detail..., on aimerait connaître la position des Archives de l’Architecture moderne, de la Fondation pour l’architecture, de la Commission royale des Monuments et des Sites, des différentes écoles d’architecture de Bruxelles et du pays, du Quartier des Arts, de l’Association du Patrimoine artistique, de Pétition Patrimoine etc.

Pourquoi chercher midi à quatorze heures ? C’est là, dans les bâtiments de Roger Bastin, que la collection moderne des MRBA doit retourner. La mise en œuvre de ce retour aux sources ne devrait pas être trop difficile à réaliser. Car ce qui est montré dans le « musée Fin-de-Siècle » est, on l’a dit, déjà pour l’essentiel composé de ces collections d’Art moderne. Les locaux qu’il occupe ne sont qu’une partie de l’espace dévolu jadis à l’ensemble de ces collections dans le « Bastin ». Redisposons-y les tableaux et sculptures écartés par Michel Draguet. Le contenu de l’actuel Fin-de-Siècle ne devrait guère être modifié. Il retrouverait même sa place logique, voire privilégiée, au cœur de l’évolution de l’art au tournant des XIXe et XXe siècles. Quant à la collection Gillon-Crowet, il n’y pas d’inconvénient à ce qu’elle reste en place puisqu’elle est déjà actuellement présentée en dehors du circuit de visite. Il ne fait pas de doute que la remise en état de bon fonctionnement du « Bastin » accompagnée d’une remise à l’honneur de l’ensemble des collections d’art moderne des MRBA serait une opération médiatique susceptible d’attirer du monde. Ce serait aussi un acte de bonne gestion dans la mesure où l’investissement consenti servirait à entretenir et améliorer le fonctionnement d’un bien existant plutôt que de se lancer dans de projets contestables dévoreurs d’argent public.

A plus long terme, et compte tenu de la nécessité reconnue d’intervenir dans la remise en état et la réorganisation du Cinquantenaire, on peut imaginer que la collection Gillon-Crowet rejoindrait un jour là-bas, en toute logique, le beau fonds Art Nouveau des collections qu’elle viendrait magistralement compléter. Et dans la foulée, à l’occasion de ces travaux et remises en ordre, pourquoi ne pas envisager, dans l’esprit de collaboration qui anime les responsables des diverses sections des établissements scientifiques fédéraux concernés, de procéder à des échanges ou des transferts de manière à rendre au mieux compte de la diversité et de la complexité de la création artistique au cours des temps ? Ce défi, marqué du sceau du bon sens, ne mériterait-il pas d’être relevé ? Pas besoin de fusion, de « pôle art » et autres vains chambardements pour atteindre cet objectif !

En attendant, d’autres épisodes sont annoncés

Cela dit, il faut se demander qui prendra la direction de cette réorientation à donner à la gestion des Musées royaux. Au Cinquantenaire cela pourrait faire l’objet des engagements du nouveau directeur qui sera bientôt nommé. Aux Musées des Beaux-Arts, une injonction du ministre s’impose-t-elle dans la mesure où on voit mal Michel Draguet en prendre l’initiative ? Une autre éventualité pourrait se profiler : celle du départ de l’actuel directeur général. La question n’est pas théorique : Bert Anciaux, ancien ministre socialiste flamand de la culture a déclaré tout récemment (le 12 février) sur TV Brussel que la tournure des événements et l’accumulation des erreurs commises pas Michel Draguet justifieraient bien qu’il soit démis.

On n’en est pas là. Mais de nouveaux épisodes sont quand même d’ores et déjà programmés : La Libre Belgique de ce 21 février annonce que Michel Draguet, décidément sur la défensive, tiendra le jeudi 27 février une conférence de presse-bilan, entouré du ministre Philippe Courard et du président de l’Administration, Philippe Mettens. Le même journal, bien informé en ces matières, signale aussi que la question du Vanderborght doit être débattue dans les jours à venir par le gouvernement. C’était prévu pour ce 21 février ; ce sera plus tard. Soyons confiants dans l’évolution de ce dossier et dans la prise de conscience progressive en lieux utiles de son véritable contenu.

Denis Coekelberghs

Notes

[1On se souviendra que Constantin Chariot, ancien conservateur des Musées de Liège, fut en son temps classé ex-aequo avec Michel Draguet lors de la sélection d’un candidat à placer à la tête du Cinquantenaire (voir). Comme le monde politique se disait à l’époque à la veille d’une fusion des institutions, il fut décidé que celui-ci garderait le poste à titre intérimaire. Trois ans plus tard, on se retrouve donc à la case départ !

[2Le dernier éditorial du vénérable Burlington Magazine donne le ton

[3On songe en particulier aux actions de l’association MuséesansMusée.

[4Voir le site renvoyant à un article paru dans le journal De Standaard.

[5Selon La Libre Belgique du 21 février, la parlementaire socialiste flamande, Yamila Idrissi, considère quant à elle que « Le Vanderborght convient parfaitement [sic] pour héberger provisoirement cette collection, mais il ne convient pas pour en faire un musée d’Art moderne et contemporain permanent ». Nous livrons ces propos à titre purement informatif, car nous ne connaissons pas le point de vue de l’intéressée sur l’ensemble du problème lié à l’avenir des MRBA. Ajoutons qu’elle est de ceux qui plaident pour la construction (sans autre argument, semble-t-il, que celui d’un utopique « geste architectural fort ») d’un nouveau musée sur les bords du canal, du côté de la Porte de Ninove.

[6Dans le projet d’accord à conclure entre les différentes parties prenantes, la Ville de Bruxelles, devenue propriétaire du « Vanderborght » à la suite de la déconfiture de la banque Dexia, cèderait ces bâtiments pour trente ans à l’Etat belge pour un euro symbolique. A ce jeu de la patate chaude, la Ville de Bruxelles se déchargerait donc de l’entretien d’un bâtiment dont elle ne sait trop que faire n’ayant pas les moyens d’y consacrer l’argent nécessaire pour le faire vivre.

[7Ce sont les travaux destinés à couvrir le puits de lumière qui ont provoqué l’inondation de l’exposition Van der Weyden. On peut penser que ce projet de couverture est définitivement oublié. Mais l’affaire n’est juridiquement pas classée quant aux responsabilités engagées, Michel Draguet attribuant la faute aux entreprises.

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