50 millions !

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Pensez à signer la pétition, si vous ne l’avez pas déjà fait.

1. Square de l’Archevêché en mars 2010
Photo : Emmanuel Delarue
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Un point du projet de réaménagement des abords de la cathédrale n’a pas été suffisamment souligné depuis quelques jours. Son coût invraisemblable. Rappelons-nous qu’au lendemain de l’incendie de Notre-Dame, Anne Hidalgo avait annoncé fièrement que Paris donnerait 50 millions d’euros pour le chantier de restauration de l’édifice. L’idée était mauvaise et nous l’avions rappelé : quand on a la charge d’une centaine d’édifices religieux et qu’on n’est pas capable de s’en occuper correctement, si l’on dispose de cet argent, on le consacre à les entretenir et à les restaurer, on ne vient pas faire l’appoint sur un chantier qui n’en a pas besoin. Cela d’autant plus que la promesse de la maire de Paris avait été faite alors que l’on savait déjà que tout l’argent nécessaire était déjà trouvé.

Quoi qu’il en soit, Anne Hidalgo avait fait cette promesse. C’était un mensonge, comme l’élue en est coutumière. Il n’en a plus été question par la suite, jusqu’à ce qu’elle décide tout d’un coup que ces 50 millions seraient affectés à l’aménagement des abords. Quel rapport y-avait-il entre la restauration nécessaire de la cathédrale et l’aménagement de ses abords ? Aucun bien sûr. Ne serait-ce que parce que ceux-ci, rappelons-le (mais le faut-il vraiment ?) n’avaient pas été touchés par l’incendie. Certes, le parvis a dû être traité en raison de la pollution au plomb, mais cela n’avait rien à voir avec un aménagement quelconque, et c’était du ressort de l’État. Certes, le chantier qui nécessite d’utiliser une partie des abords (une emprise que, il faut le rappeler, Anne Hidalgo a essayé de faire payer à l’établissement public en charge de la restauration - voir l’article), les a fortement dégradés, notamment le square de l’Archevêché à l’est et au sud du monument.

2. Square de l’Archevêché en mars 2010
Photo : Emmanuel Delarue
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Mais ces dégradations sont donc de la responsabilité de l’établissement public, qui devra ensuite le remettre en état, comme c’est la règle lors d’un chantier de construction ou de restauration. La restauration du square Jean XXIII ne coûterait rien à la Ville si celle-ci écoutait pour une fois la voix du bon sens et les demandes des Parisiens (et pas seulement d’eux) : une restauration à l’identique de ce square. Quant au prix d’une telle opération, qui consisterait à remettre le mobilier déplacé, à refaire la pelouse, à remettre en état les sols, à planter les arbustes et fleurs qui ont disparu, à combien peut-on la chiffrer, en étant très large ? Un million d’euro ? Cela paraît déjà beaucoup. Dans le document destiné à la CNPA, il est dit que l’une des ambitions du projet est de « limiter l’imperméabilisation ». Mais en quoi ces jardins étaient-ils « imperméables » (ill. 1 et 2 [1]) ?

La mairie veut planter des arbres. Très bien. 158 arbres supplémentaires écrit-elle dans le document destiné à la CNPA. Sachant qu’elle affirme planter 170 000 arbres (on ne rit pas) d’ici 2026, cela représente donc exactement 0,093 % du total. Soit la mairie raconte n’importe quoi sur le nombre d’arbres qu’elle plante [2], soit on la croit, et cela ne lui coûtera donc rien puisqu’il s’agira d’une goutte d’eau parmi cette immense forêt dont elle va enrichir Paris.

Où donc passe tout cet argent ? Car on a beau savoir que la muncipalité n’est pas économe des impôts des Parisiens, 50 millions d’euros, ce n’est pas rien. Les seuls travaux importants (outre planter des arbres et abimer les jardins autour de Notre-Dame) concernent le parvis. Et sous la crypte, l’aménagement d’un « vestibule ». C’est le terme employé par la mairie dans le document destiné à la CNPA. Il s’agit d’un « vestibule » qui remplacera le parking souterrain construit dans les années 1970.

Donc ce parking sera transformé en vestibule. Mais qu’est-ce qu’un « vestibule », pour la mairie de Paris ? On trouve dans ce document plusieurs définitions et/ou caractéristiques :`

 le vestibule est : « une typologie de transition et d’articulation qui s’inscrit dans le sens de l’histoire : celle du socle, de la cathédrale, de l’île et de Paris ».
 le vestibule est : « en architecture, la pièce par laquelle on accède à un édifice ou une maison et qui sert souvent de passage pour atteindre les autres pièces »,
 le vestibule est « un dedans et un dehors »,
 le vestibule est « un commencement »,
 le vestibule est « un espace d’articulation » (un peu plus loin on lit qu’il est « une typologie de transition et d’articulation »),
 le vestibule « offre des perspectives et donne à voir »,
 le vestibule est « un lieu confortable »,
 le vestibule est « un espace joyeux »,
 le vestibule est « un espace intemporel »
 le vestibule est « un paysage intérieur, que l’on parcourt entièrement, une promenade dans le temps et dans l’espace »,
 le vestibule est « un abri tempéré au sein de l’île de la Cité »,
 le vestibule est « un refuge naturel par temps de pluie ou de grande chaleur »,
 le vestibule est « un paysage continu, jamais isolé de la ville »,
 le vestibule est « complémentaire au paysage en dessus »,
 le vestibule est « une typologie de transition et d’articulation »,

Et tout cela pour seulement 50 millions d’euros ? C’est donné ! À tel point que bientôt, probablement, on se posera la question de savoir qui a pu avoir l’idée bizarre de construire une cathédrale à côté de ce vestibule…


3. Une des « salles de groupe » du « vestibule »
© Bureau Bas Smets
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Plus prosaïquement, ce vestibule, tel qu’il ressort des plans et des descriptions, c’est :

 deux escaliers et deux ascenseurs qui y mènent et permettent d’en sortir,
 des « salles de groupe » (ill. 3),
 des « bureaux » (ill. 4),
 des « banques d’accueil »,
 des « sanitaires »,
 une « boutique »,
 un « café » et un « nouvel accès à la Seine »,
 des « casiers »,
 une « nouvelle entrée pour la crypte archéologique », à proximité d’une « pièce des temps [3] ».


4. Un des « bureaux » du « vestibule ».
© Bureau Bas Smets
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On s’interroge donc sur la destination finale de ce « vestibule ». À quoi et à qui serviront les « salles de groupe » et les « bureaux » ? Un indice est donné p. 42 : « Ces pièces, comme au Moyen-Âge, sont toutes conçues de manière à être flexibles et évolutives dans le temps : une salle de groupe aujourd’hui, un espace de banquet demain, un atelier de travail le surlendemain. » Une flexibilité, on s’en doute, qui pourrait très vite inciter à agrandir les boutiques et le café. Celui-ci donne sur la Seine (ill. 5), juste à l’endroit où le quai est percé de douze ouvertures (le « nouvel accès ») dont on sait désormais à quoi elles vont servir.
Les banques d’accueil accueilleront qui ? Nul ne le sait. Pas les visiteurs de la cathédrale, en tout cas, qui font la queue ailleurs, en surface, pour entrer dan l’édifice. 


5. « Pièce des temps (voir note 3) / Café Seine » dans le « vestibule ».
© Bureau Bas Smets
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Ce vestibule, sous le parvis, à côté, mais séparé de la crypte archéologique, et séparé également de la cathédrale n’a d’autre rôle donc que d’attirer du public pour y prendre un café avec une vue imprenable sur la Seine et y faire des emplettes. Tout cela pour 50 millions, dans une ville surendettée, et qui vient d’augmenter les impôts locaux de 52 % en une année.

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