Versailles, le hochet du président de la République

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Jean-Baptiste Lemoyne
Photo : Bobbysano (CC BY-SA 4.0)
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Lemoine à Versailles ? Pourquoi pas. L’homme est conservateur du patrimoine, il est aujourd’hui à la tête du Mobilier National, sa nomination à un tel poste ne serait pas usurpée… Ah, mais on me fait signe que non. Il ne s’agit pas de Lemoine Hervé qui fut un temps candidat mais ne semble plus l’être, mais de Lemoyne Jean-Baptiste. Jean-Baptiste Lemoyne donc, comme nous l’apprend Claire Bommelaer dans Le Figaro d’il y a deux jours, qui serait parmi les favoris d’Emmanuel Macron pour devenir président [1] de l’établissement public du château de Versailles. L’autre candidat qui tiendrait la corde serait Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’Éducation Nationale. Il est vrai que dans notre monarchie républicaine, qui tient plus de la monarchie que de la République, il faut recaser ceux qui ne sont plus ministres, fût-ce aux dépends des musées et du patrimoine, dont on a déjà écrit plusieurs fois qu’ils étaient le moindre des soucis du président de la République.

Sarkozy avait imposé Catherine Pégard qui n’avait absolument aucun titre à occuper ce poste et qui a malheureusement confirmé par la suite qu’elle n’avait pas non plus beaucoup de compétences pour celui-ci ; cela fait déjà environ un an qu’elle l’occupe sans titre et en dehors de toutes les règles. Blanquer a à peine plus de légitimité, mais il a depuis démenti l’information. Cela ne veut pas dire grand-chose : Jean d’Haussonville nous avait affirmé les yeux dans les yeux qu’il ne serait jamais candidat, et il l’est pourtant, même si fort heureusement il semble que sa nomination ne soit pas d’actualité.

Mais Jean-Baptiste Lemoyne ! Jean-Baptiste Lemoyne qui n’a comme point commun avec les musées que son patronyme, sans hélas aucun des talents du sculpteur du XVIIIe siècle avec qui on se gardera de le confondre. Jean-Baptiste Lemoyne dont les études n’ont jamais eu aucun rapport avec l’histoire de l’art ou le patrimoine, ancien employé d’IBM, ancien collaborateur de Jean-François Copé, puis homme politique professionnel de l’UMP à En Marche… Jean-Baptiste Lemoyne, ancien ministre délégué au tourisme, et qui à ce titre est venu soutenir le projet de « Rocher-Mistral » au château de La Barben dont nous avons décrit en treize articles à quel point il était une menace pour le patrimoine et l’environnement. Jean-Baptiste Lemoyne dont la nomination à ce poste viendrait une nouvelle fois démontrer que nous avons eu raison d’interrompre nos poissons d’avril devant le constat que la réalité va encore beaucoup plus loin.

On imagine bien ce qu’une telle personnalité, qui vient saluer la transformation d’un château historique en parc d’attraction de bas étage, pourrait faire à Versailles, un lieu déjà dénaturé depuis trop d’années par des politiques de reconstitutions désastreuses. Il est tout de même invraisemblable que le château de Versailles, l’un des fleurons du patrimoine français, ne soit vu par les présidents de la République successifs que comme un hochet venant récompenser leurs courtisans les plus fidèles. Espérons que la rumeur, que l’intéressé, contrairement à Blanquer, n’a pas démenti, ne se concrétise pas et que Versailles, enfin, puisse avoir un président à la hauteur qui préservera ce qu’il est encore possible de préserver.

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