Un musée-centre d’interprétation Robespierre en projet à Arras

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La Maison de Robespierre à Arras
Photo : Jamain (CC BY-SA 4.0)
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23/8/20 - Musée - Arras - « Pour l’heure silencieuse, la Ville d’Arras préparerait sa riposte. Un rendez-vous presse est attendu dans les prochaines semaines ». Voilà ce que l’on peut lire en conclusion d’un article de L’Avenir de l’Artois qui résume notre série d’été consacrée à l’abbaye Saint-Vaast d’Arras. Il est donc probable qu’une saison 2 soit en préparation. En attendant celle-ci, nous avons appris grâce à Libération que la Ville s’apprêtait à créer un nouveau musée, ce qui ne va pas, bien entendu, sans poser quelques questions.

L’article s’intitule : « Robespierre, la forte tête d’Arras ». On y apprend que la maison de L’Incorruptible (il n’y habita que deux ans, de 1757 à 1759) allait bientôt devenir un musée : « la majorité municipale s’apprête à voter la création à l’intérieur d’un véritable musée pour une ouverture d’ici 2026. » Il serait absurde de discuter ici de l’opportunité ou pas de célébrer la mémoire du révolutionnaire, alors que nous ne cessons de refuser qu’on juge l’Histoire avec les critères d’aujourd’hui. Il faut seulement espérer que le projet, confié à deux historiens, Guillaume Mazeau et Hervé Leuwers, saura faire la part des choses dans l’existence d’un personnage très controversé.
Le problème existe, mais ce n’est pas celui-ci : comment la Ville d’Arras, prétendant n’avoir pas suffisamment d’argent pour s’occuper de son Musée des Beaux-Arts et livrant une partie de l’abbaye Saint-Vaast à un projet hôtelier va-t-elle pouvoir justifier de créer un nouveau musée ? Certes, on ne peut absolument pas comparer les deux bâtiments, une maison de taille réduite et l’une des plus grandes abbayes françaises. Mais il y a tout de même un véritable paradoxe à invoquer le coût de la restauration de Saint-Vaast et de dépenser de l’argent pour un musée qui aurait tout aussi bien pu constituer une ou deux salles de la dite abbaye.

Selon Libération, le projet est chiffré à 800 000 €, et la Ville d’Arras prévoit d’en dépenser 200 000 à 300 000. On s’étonne que ces 800 000 euros, qui auraient pu être affectés à l’abbaye Saint-Vaast, le soient à un tel projet, qui sera sans doute sérieux sur le plan historique, mais vide d’objets ou presque. La municipalité le reconnaît d’ailleurs puisqu’elle nous a indiqué [1] qu’il s’agirait d’un « centre d’interprétation » et non d’un musée. Et pour cause : l’article de Libération ne peut citer comme objets que des lettres et manuscrits qu’il est impossible d’exposer en permanence pour des raisons de conservation, quelques médailles, un portrait, une assiette à sa gloire, une sorte de goodie [sic] remontant à la fin du XVIIIe siècle » et « trois boutons d’une veste de chasse qui lui aurait peut-être appartenu ». Cela nous fait penser à une visite, il y a trente ans environ, de la maison de Michel-Ange à Florence, qui exposait : « une paire de babouches qui aurait appartenu au petit-neveu de Michel-Ange [2] ».

Pas de collection donc dans ce centre d’interprétation, mais des installations « high-tech ». En dehors du coût de l’aménagement, on ne saura rien du budget de fonctionnement prévu puisque la mairie a refusé de nous répondre sur ce point. L’article de Libération se conclut pour évoquer le projet de l’abbaye (et si le journaliste, « envoyé spécial à Arras », s’attarde sur les polémiques ayant trait à la personnalité de Robespierre, celle plus actuelle autour de l’abbaye et du musée ne semble pas être parvenue jusqu’à lui), le maire, Frédéric Leturque, affirmant néanmoins que « Le musée Robespierre se fera. J’espère avant la fin de ce mandat ». Le sujet, selon la mairie, « sera posé en début d’année 2021 ». Un musée qui n’est pas un musée, une abbaye qui ne sera plus tout à fait un musée, mais un musée-hôtel-médiathèque… Décidément, les choses ne sont pas simples à Arras.

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Didier Rykner

Notes

[1C’est la seule information que la mairie nous a donnée car elle a refusé de répondre à nos questions qu’elle qualifie de « clairement orientées ». Voici les questions que nous avons posées, sans réponse donc : « 
 la Ville devrait verser, lit-on, 200 000 à 300 000 euros pour créer ce musée. Cet argent ne serait-il pas mieux utilisé pour l’abbaye Saint-Vaast ?
 le budget total de 800 000 € semble faible pour un musée, même si cela n’est pas forcément absurde puisqu’il sera petit, mais quel sera son budget de fonctionnement ? Par qui sera-t-il pris en charge ? La Ville y mettra combien ?
 quelles sont les collections qui seront exposées dans ce musée ? Si l’on en croit l’article, celui-ci abriterait quelques lettres et manuscrits (comment les exposer en permanence alors que ces objets craignent la lumière ?), quelques médailles, un portrait, « trois boutons d’une veste de chasse qui lui aurait peut-être appartenu » (sic)… Pensez-vous que cela va attirer les foules ? »

[2Nous garantissons l’authenticité de l’anecdote, même si depuis la paire de babouches semble avoir été remisée en réserves.

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