Trois tableaux restaurés regagnent l’église Sainte-Croix-des-Arméniens (Saint-Jean-Saint-François)

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27/11/20 - Patrimoine - Paris, église Saint-Jean-Saint-François - Nous annoncions, dans notre brève du 27/6/19 consacrée à la restauration de l’église Saint-Jean-Saint-François (aujourd’hui Sainte-Croix-des-Arméniens) que trois tableaux du XIXe siècle de la nef devaient encore être restaurés avant d’y être raccrochés. C’est désormais chose faite (ill. 1), l’installation de ces tableaux ayant eu lieu hier et aujourd’hui.


1. Nef de Sainte-Croix-des-Arméniens, avec les trois tableaux restaurés accrochés
Photo : Ville de Paris, COARC/Claire Pignol
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Il s’agit donc de trois toiles de même dimension, dont deux ont été présentées par leurs auteurs au Salon de 1824, tandis que la troisième, Saint Jean-Baptiste reprochant à Hérode son adultère par Jean-Pierre Franque, n’a jamais été montrée au Salon, et date de 1826.


2. Félix Trezel (1782-1855)
Saint Jean écrivant l’Apocalypse, 1824
Huile sur toile - 320 x 260 cm
Paris, église Sainte-Croix-des-Arméniens
Photo : Ville de Paris – COARC
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3. Félix Trezel (1782-1855)
Saint Jean écrivant l’Apocalypse, 1824
(avant restauration)
Huile sur toile - 32,5 x 24 cm
Paris, collection particulière
Photo : SVV Morand & Morand
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4. Réaccrochage en cours du tableau de Félix Trezel dans la nef de l’église
Photo : Didier Rykner
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Ces œuvres, de remarquable qualité et exposées depuis toujours dans cette église, sont pourtant extrêmement peu connues. À notre connaissance, la seule publication où l’une d’elle figure est l’ouvrage pionnier de Bruno Foucart, Le Renouveau de la peinture religieuse au XIXe siècle, dans lequel on peut voir une photo noir et blanc de la première toile à avoir été remise en place, le Saint Jean écrivant l’Apocalypse de Félix Trezel (ill. 2).
Celui-ci, l’un des élèves les plus fidèles de Pierre-Paul Prud’hon, réussit une œuvre magnifique, aux accents ossianesques malgré son sujet religieux. Les photos sont malheureusement difficiles à prendre tant les coloris sont subtilement juxtaposés : l’aigle qui caractérise le saint, et qui se trouve à gauche du tableau, est presque invisible sur les prises de vue. Le hasard a voulu qu’au moment même où l’œuvre était remise en lumières, soit vendue à Paris, en provenance directe des descendants de l’artiste, une esquisse préparant cette composition (ill. 3). Très sale et percée en un endroit heureusement peu important, elle devrait retrouver, après restauration, des coloris proches de ceux de l’œuvre achevée.


5. Arrivée du tableau de Pierre-Jérôme Lordon dans l’église
Photo : Didier Rykner
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6. Le tableau de Pierre-Jérôme Lordon avant son raccrochage dans la nef
Photo : Didier Rykner
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7. Pierre-Jérôme Lordon (1779-1838)
Saint François d’Assise conduit devant le sultan d’Égypte, 1824
Huile sur toile - 320 x 260 cm
Paris, église Sainte-Croix-des-Arméniens
Photo : Ville de Paris – COARC
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Un autre tableau du Salon de 1824 a été raccroché en face du Trezel (ill. 5 et 6). Il s’agit de Saint François d’Assise conduit devant le sultan d’Égypte de Pierre-Jérôme Lordon (ill. 7), lui aussi élève de Prud’hon. D’un très bel effet d’ensemble, le tableau est fort beau comme le montrent quelques détails (ill. 8 et 9) que l’on pouvait admirer avant qu’il ne soit monté à sa place.
C’est en 1219 que saint François d’Assise se rendit en Égypte, près de Damiette, pour y rencontrer le sultan Malik al-Kâmil, un événement conté notamment par Jacques de Vitry et saint Bonaventure, qui eut lieu pendant la cinquième croisade et qui est représenté notamment par Giotto à Assise. On voit, sur le tableau de Lordon, saint François d’Assise brandir sa croix en demandant au sultan de se convertir. Il lui proposa même un défi : s’il entrait dans un brasier et en sortait sans mourir ni être brûlé, le sultan se convertirait à la foi chrétienne. S’il refusa cette idée, le courage de François impressionna le sultan, tandis que le saint admira la foi que le souverain manifestait envers son Dieu. Ils se quittèrent donc en bonne intelligence [1].


8. Pierre-Jérôme Lordon (1779-1838)
Saint François d’Assise conduit devant le sultan d’Égypte (détail), 1824
Huile sur toile - 320 x 260 cm
Paris, église Sainte-Croix-des-Arméniens
Photo : Didier Rykner
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9. Pierre-Jérôme Lordon (1779-1838)
Saint François d’Assise conduit devant le sultan d’Égypte (détail), 1824
Huile sur toile - 320 x 260 cm
Paris, église Sainte-Croix-des-Arméniens
Photo : Didier Rykner
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10. Jean-Pierre Franque (1774-1860)
Saint Jean-Baptiste reprochant à
Hérode son adultère
, 1826
Huile sur toile - 320 x 260 cm
Paris, église Sainte-Croix-des-Arméniens
Photo : Véronique Milande
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Le troisième et dernier tableau, installé en fin de matinée aujourd’hui vendredi 27 novembre, est donc celui de Jean-Pierre Franque, représentant Saint Jean-Baptiste reprochant à Hérode son adultère (ill. 10). Si l’effet du tableau vu de loin est moins impressionnant que celui du Lordon, et surtout que celui du Trezel, des photos des détails (ill. 11 et 12) montrent encore une fois l’extraordinaire technique de ces artistes.
Avec son frère jumeau Joseph, également peintre, Jean-Pierre fut élève de David et proche du groupe dit des « Barbus » qui se caractérisaient par un purisme les amenant à vouloir imiter notamment les peintres antiques, dans une démarche comparable, mais encore plus drastique, à celle des Nazaréens qui se contentèrent de regarder les modèles de la Renaissance classique.


11. Jean-Pierre Franque (1774-1860)
Saint Jean-Baptiste reprochant à
Hérode son adultère
(détail), 1826
Huile sur toile - 320 x 260 cm
Paris, église Sainte-Croix-des-Arméniens
Photo : Véronique Milande
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12. Jean-Pierre Franque (1774-1860)
Saint Jean-Baptiste reprochant à
Hérode son adultère
(détail), 1826
Huile sur toile - 320 x 260 cm
Paris, église Sainte-Croix-des-Arméniens
Photo : Véronique Milande
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Il faut remarquer que ces trois tableaux ont été restaurés uniquement sur un budget « Ville de Paris ». Chaque restauration a coûté entre 25 000 et 28 000 €, les équipes ayant travaillé sur ces tableaux étant le groupement Adriana Blendea (Trezel), et le groupement Aline Berelowitsch (Lordon et Franque).

Si plusieurs des tableaux de l’église ont donc été restaurés, il en reste six de moindre qualité, essentiellement du XVIIe siècle, qui devraient l’être à raison de deux ou trois par an jusqu’à fin 2022 ou début 2023. Si des mécènes veulent participer à ces restaurations, ce qui permettrait de faire davantage, et d’aller plus vite, ils peuvent se signaler auprès de la Conservation des Œuvres d’Arts Religieuses et Civiles de la Ville de Paris (COARC).
Contrairement à la plupart des autres églises parisiennes, Sainte-Croix-des-Arméniens est très peu accessible en dehors des cérémonies et des quelques concerts qui y sont donnés. Il reste désormais à espérer que l’Église arménienne, affectataire de cet édifice religieux, l’ouvrira à l’avenir davantage au public. Il est plus que dommage que tous ces beaux tableaux du XIXe siècle, mais aussi le Saint François de Germain Pilon, le Saint Denis des frères Marsy, ou les toiles de Frère Luc dans le chœur soient aussi peu visibles.

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