Serres d’Auteuil : Delanoë lâche tout pour sauver son projet

Serres d’Auteuil
Les bâtiments d’exploitation, inscrits aux Monuments Historiques
que la FFT veut désormais annexer en permanence
avec la bénédiction de la Mairie de Paris
Photo : Didier Rykner
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9/2/11 - Patrimoine - Paris, Serres d’Auteuil - Conscient de la fragilité du dossier des Serres d’Auteuil pour l’agrandissement du tournoi de Roland-Garros, Bertrand Delanoë vient de faire de nouvelles concessions à la Fédération Française de Tennis, qui prouvent - s’il en était encore besoin - que les serres et leur exploitation comme jardin botanique seraient définitivement condamnées par ce projet.

Dans une lettre adressée hier au président de la FFT Jean Gachassin et que nous révélons ici, le maire de Paris ose en effet proposer à Roland-Garros d’avoir, pendant toute l’année, « l’usage permanent des bâtiments en meulière situés au sud du Jardin des Serres d’Auteuil ». Soit des bâtiments inscrits aux monuments historiques dont l’usage actuel est réservé aux jardiniers pour entreposer le matériel dont ils ont absolument besoin pour entretenir les serres et le jardin. Il n’était question au départ que d’abandonner ces bâtiments au tournoi pendant le déroulement de celui-ci, soit environ un mois au total si l’on compte une semaine d’installation et une semaine de rangement. Désormais, alors que les locaux qui se trouvent sous les bâtiments techniques (voir notre premier article) vont disparaître, les bâtiments d’exploitation ne pourront plus davantage être utilisés par les jardiniers.
Résumons donc la situation : les serres chaudes disparaîtront et ne seront que très partiellement remplacées sans qu’aucune solution ne soit viable pour conserver les plantes pendant, ni après les travaux ; des arbres précieux seront détruits ; les Serres historiques ne seront pas démolies, mais absolument tout ce qui leur permet de fonctionner disparaîtra. De belles perspectives pour ce jardin.

Hier encore, en même temps qu’il transmettait le courrier de Delanoë aux membres de la FFT, Jean Gachassin leur envoyait un document faisant le point sur les différents projets parmi lesquels ils auront à choisir et listant les forces et les faiblesses de chacun d’entre eux. Dans un paragraphe, l’aspect de la sécurité juridique est abordé. Il note d’abord qu’a priori, rien ne devrait pouvoir entraver sur ce plan l’installation du tournoi à Gonesse ou à Marne-la-Vallée.
En revanche, pour les Serres d’Auteuil, ce rapport explique que le projet parisien est « plus difficile
 ». Voici leurs arguments :

 « L’hostilité à ce que nous voulons faire dans le Jardin des Serres d’Auteuil est forte, sur les trois fronts de l’environnement, de la culture et de la botanique. » Comme quoi on ne peut rien cacher à la FFT. Plus de 35 000 signatures recueillies par la pétition sont là pour en témoigner.

 « Sur Hébert, on peut craindre que les associations de quartier s’opposent à notre projet de CNE[Centre National d’Entrainement], malgré les concessions que nous avons faites (gymnase et piste d’athlétisme). » Il faut savoir que le projet d’agrandissement de Roland-Garros (combiné avec la reconstruction du stade Jean Bouin pour le Stade Français), outre l’atteinte irrémédiable au Serres, aura pour conséquence de rendre quasiment impossible la pratique du sport scolaire et amateur dans ce quartier.

 « La révision du PLU [Plan Local d’Urbanisme] risque fort de se heurter aussi à l’hostilité des riverains, malgré les efforts que nous avons faits sur le plan paysager. » Les révisions du PLU, permettant de faire tout et n’importe quoi à Paris (voir par exemple l’affaire de la Samaritaine, dont nous devrions parler prochainement), semblent être devenues une des spécialités de la Mairie de Paris.

 « Il faudra également traiter la question des équipements annexes (gymnases, pistes d’athlétisme, serres) ainsi que celle des espaces que la Ville mettra à la disposition de la FFT pour la durée du tournoi. »

Le rapport ajoute que, « face à toutes ces difficultés, le Maire de Paris affiche détermination et optimisme », ce qui est indéniable. Il ferait mieux de signaler que toutes les associations, dont notamment Europe Ecologie (Les Verts), sont bien décidées à mener jusqu’au bout le combat judiciaire qui s’imposera au cas où le site de Paris serait choisi. Et qu’elles ont toutes les chances de le gagner, tant ce projet d’extension de Roland-Garros sur les Serres apparaît douteux et discutable sur le plan juridique. Ajoutons à ce propos que, selon Les Verts, cités par Le Figaro (8 février 2011), « le commissaire enquêteur avait donné un "avis favorable sous réserve de l’accomplissement des demandes formulées". Parmi celles-ci : un "engagement de la FFT de ne pas tenter de s’étendre sur les serres" ». Nous mettons l’extrait de ce document, contenant cette exigence, en ligne ici [1]. Il comprend aussi la condition que la « Ville de Paris [s’engage solennellement à] ne pas permettre de s’étendre sur les serres et le square des Poètes ». On voit ce que vaut ce type de promesses.

Un mot enfin du projet versaillais, tout aussi contestable juridiquement et culturellement. Il a été « peu médiatisé à ce jour [et] a jusqu’ici rencontré peu d’hostilité », ce qui est vrai en dehors de notre propre article. Le rapport remarque néanmoins avec bon sens qu’« il pourrait n’être pas plus facile à réaliser, au regard de l’extrême sensibilité du site, qui bénéficie du plus haut niveau de protection patrimoniale et, de plus, est classé au patrimoine mondial de l’Unesco ». « Ce qui pourr[ait] malgré tout remettre en cause le planning serré qui vise à nous faire disputer là le tournoi 2016 ». C’est le moins que l’on puisse dire.

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