Notre-Dame : Rachida Dati s’assoit sur l’avis de la CNPA

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Rachida Dati, ministre de la Culture
Photo : Didier Rykner
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Nous avions, comme nous le faisons toujours pour les nouveaux arrivants au ministère de la Culture, accueilli la nomination de Rachida Dati avec bienveillance, en espérant qu’elle apporterait un changement dans les pratiques de ce ministère, d’autant que celle-ci prétend devenir un jour maire de Paris.
Elle nous avait donné quelques assurances sur des dossiers, comme le classement monument historique du Conservatoire [1] (voir les articles), celui du Palais de Tokyo, ou encore la suppression des avantages fiscaux dont bénéficient les vandales qui découpent les châteaux en appartement (voir cet article). Le court passage de celle-ci au ministère ne lui a semble-t-il pas donné le temps de faire aboutir ces bonne intentions.

En revanche, tous les dossiers parisiens qu’elle avait à gérer ont été traités, et à chaque fois en défaveur de Paris. Le pavillon des Sources de l’Institut Curie (voir les articles) ? Non seulement celui-ci n’a pas été classé, mais sa protection n’aurait évidemment plus aucun intérêt puisque la ministre a accepté qu’il soit englobé dans le nouvel édifice, après avoir annoncé son déplacement (ce qui était impossible), ce qui lui enlèvera tout intérêt, comme à l’environnement qui était en partie préservé, laissant construire un immeuble trop haut en covisibilité avec le Panthéon.

L’auvent construit rue Saint-Honoré, dont elle avait assuré qu’elle le ferait retirer car il n’était pas conforme à un permis de construire qui n’aurait jamais dû être accordé (voir l’article), est toujours en place devant le ministère de la Culture, comme une sorte de rappel de son inaction.

Le couvent de la Visitation dans le XIVe arrondissement, un lieu qui comprend à la fois des bâtiments religieux et un jardin qui auraient dû être préservés intacts, est en cours de démolition partielle pour être en partie loti sans que le ministère ait rien fait pour le sauver. Nous aurions dû parler de ce combat, mais nous n’avons malheureusement pas le temps de tout traiter, et de nombreuses associations s’étaient battues depuis longtemps en sa faveur, dont Sites & Monuments qui lui a consacré de nombreux articles auxquels nous renvoyons.
Ce couvent, rappelons-le, est d’abord victime de l’acharnement du diocèse de Paris, et de Mgr Laurent Ulrich. Celui-ci, fidèle en cela à ce qu’il avait déjà permis à Lille (destruction de la chapelle Saint-Joseph, vente de l’Évangéliaire notamment), démontre une fois de plus qu’il est un ennemi du patrimoine (voir l’article), poursuivant en cela la longue tradition de vandalisme de l’Église de France.
Rachida Dati n’a pas davantage agi, et n’est même pas intervenu dans le dossier de l’hôpital de La Rochefoucauld menacé par également d’être en partie loti par l’APHP (voir les articles).

Enfin, cerise sur le gâteau, la ministre vient une nouvelle fois à la rescousse de l’archevêque de Paris, et d’un Emmanuel Macron dont le pouvoir est pourtant à la dérive, en s’asseyant sans honte sur le vote de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture à propos des vitraux de Notre-Dame (voir la brève d’hier).
Alors que rien ne l’y oblige, sachant qu’elle devra quitter son poste dans quelques jours, elle a diffusé ce soir un communiqué surréaliste qui se termine ainsi :
« Le second dossier soumis à l’examen de la Commission nationale concernait l’intention de créer des vitraux en remplacement des baies de six chapelles du collatéral sud de la cathédrale.
La Commission nationale a émis un avis défavorable à la dépose des vitraux de Viollet-le-Duc. La consultation engagée en avril dernier pour solliciter les meilleurs artistes et maîtres verriers permettra de disposer à l’automne d’un projet lauréat. Comme prévu lors de l’engagement de cette démarche, la Commission nationale sera à nouveau consultée en fin d’année 2024 afin d’examiner le projet lauréat qui aura été sélectionné. Elle pourra à ce moment-là apprécier au vu du projet l’intérêt pour la cathédrale de l’apport de cette création.
 »

La ministre oublie une chose : la CNPA s’est prononcée comme un seul homme, et les quelques membres de cette commission avec qui nous avons pu parlé nous ont tous dit qu’ils n’avaient jamais vu une telle unanimité, après que les rapporteurs de l’Inspection ont tous deux expliqué pourquoi il n’était pas possible de remplacer les vitraux.
Ils ont refusé le principe même de leur enlèvement, mais la ministre prétend continuer comme si de rien n’était en prévoyant de disposer « à l’automne » d’un projet lauréat issu de la consultation. Consultation dont s’est déjà retirée une équipe sélectionnée parmi les cinq finalistes, qui elle se dit décidée à respecter le vote de la CNPA. Il s’agit du groupement solidaire composé de Pascal Convert (artiste), Olivier Juteau (maître verrier) et de la Maison Lorin (vitraux d’art). On ne peut que saluer ce geste qui montre de leur part un respect du patrimoine bien plus grand que celui de la ministre pourtant en charge de sa protection.

Ne respectant pas le vote de la CNPA - ce qui pourra être attaqué devant le juge administratif puisque le résultat a été obtenu à l’unanimité des voix exprimées - elle prétend désormais la consulter à nouveau en fin d’année 2024 (alors qu’elle ne sera probablement plus ministre depuis longtemps) pour leur demander, en gros s’ils ne pourraient pas changer d’avis… Tout cela est grotesque, et on ne voit pas ce que Rachida Dati a à gagner dans cette affaire, sinon à se montrer une ennemie du patrimoine parisien. Nous avions déjà suffisamment d’Anne Hidalgo.

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