Notre-Dame brûle, le film de Jean-Jacques Annaud

Affiche de Notre-Dame brûle
avec un dessin de Plantu
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Nous n’avons pas l’habitude de faire des critiques de film, mais il nous était impossible de ne pas évoquer celui qui vient de sortir, consacré à l’incendie de Notre-Dame. Nous avons beaucoup enquêté sur cette affaire, dans le cadre de La Tribune de l’Art où nous avons publié de très nombreux articles, et dans celui d’un livre que nous avons écrit et qui devait être publié un an après le drame, mi-avril 2020. Malheureusement, le premier confinement a incité notre éditeur à reporter la parution. L’ouvrage, un an plus tard, nécessitait une mise à jour importante car beaucoup d’informations nouvelles devaient y être ajoutées. Nous avons donc préféré remettre ce travail à plus tard et nous publierons d’ici un an le livre en y incluant les conséquences de cet incendie sur le patrimoine français.

Le film de Jean-Jacques Annaud est excellent, si l’on excepte une ou deux scènes un peu grandiloquentes. Ses qualités de cinéaste ne sont plus à prouver et il les démontre ici une nouvelle fois avec brio. La mise en scène est remarquable et le suspens, bien qu’on connaisse déjà le dénouement, reste entier pendant tout le film. Par sa fidélité à ce qui s’est réellement passé, il s’agit presque d’un documentaire. Notre enquête rejoint en effet celle qu’il a menée, et nous pouvons attester qu’à peu près tout est exact. Nous n’avions cependant pas réussi à identifier deux points : le ralentissement de l’arrivée des pompiers par la circulation parisienne, et le mauvais état des colonnes sèches de la cathédrale.

Sur le premier point, nous nous doutions que les secours avaient eu du mal à arriver. La manière dont la mairie de Paris bride la circulation des voitures accentue les embouteillages et les travaux incessants menés sur la voirie, dus à une absence de planification sérieuse que nous avons démontrée dans notre ouvrage La Disparition de Paris ont bien ralenti, si l’on en croit le film, l’arrivée des secours. Notons qu’Anne Hidalgo apparaît quelques secondes - dans son propre rôle - qui lui suffisent à démontrer qu’elle est aussi mauvaise actrice que mauvaise maire. Sur le second point, nous avions déjà écrit que les colonnes sèches étaient insuffisantes, mais nous ne savions pas qu’en plus celles qui existaient étaient trouées ce qui avait bridé leur utilisation.

Le film ne s’attarde pas sur les causes de l’incendie et celles-ci resteront sans doute hypothétiques, peut-être liées au chantier (c’est l’hypothèse la plus probable : rappelons que les travaux sur un monument historique sont à l’origine de la majeure partie des feux qui les concernent). Il est certain, en revanche, que celui-ci n’est pas criminel comme on le sait depuis déjà longtemps. Le Parisien vient d’ailleurs de révéler que l’enquête de la brigade criminelle de la PJ de Paris a abouti à cette conclusion, sans pouvoir préciser davantage, ce qui n’a finalement rien d’étonnant.

Une chose est sûre, en revanche, et le film le montre une fois de plus : la responsabilité de ceux qui avaient en charge la sécurité de la cathédrale est écrasante. Nous l’avons déjà plusieurs fois pointée du doigt, notamment dans cet article, et Jean-Jacques Annaud, en montrant le déroulement des faits, le confirme. Il n’y avait qu’une seule personne formée à la sécurité incendie, qui avait prolongé sa journée de travail car son remplaçant ne pouvait pas venir, et qui était insuffisamment formée. Il n’y avait pas de bras articulés suffisamment hauts à Paris pour attaquer le feu. Les colonnes sèches étaient quasiment hors d’usage donc, faute d’avoir été testées régulièrement.

Jean-Jacques Annaud ne s’intéressant qu’à l’incendie et au combat des pompiers, il n’évoque pas non plus le rapport de 2016 ignoré par le ministère de la Culture, l’électrification des cloches qui devait être temporaire et était pourtant restée en place ou encore les installations électriques non autorisées présentes dans la charpente... Tout cela aurait dû, a minima, entrainer une enquête interne au ministère de la Culture, ainsi qu’une enquête parlementaire. Aucune des deux n’a eu lieu. Il n’y a donc aucun responsable identifié. C’est la faute à pas de chance ! Cette irresponsabilité de l’administration française est une plaie qui occasionnera hélas certainement d’autres sinistres.

Didier Rykner

P.-S.

Ajoutons un point que nous aurions dû signaler dans cet article : dans le film, on entend un des employés de la cathédrale dire que le système de détection incendie dysfonctionnait fréquemment et qu’il avait à plusieurs fois signalé ce problème, en vain. Si cela est vrai - et compte tenu de la fidélité du film aux événements, c’est très probable - cela constituerait un grave manquement supplémentaire de l’État. Car ils ont cru à une fausse alerte, retardant d’autant l’appel aux pompiers (P.S. ajouté le 19 mars)

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