Louvre : infos contre infox

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Couverture du livre publié par le Louvre où Cy Twombly explique comment il a conçu son œuvre
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Tous les jours ou presque, une interview de Jean-Luc Martinez est vue à la télévision ou paraît dans la presse, quand ce n’est pas un article à sa gloire qui s’étale dans les pages des journaux (voir cet article). Il faut dire que le service de communication du Louvre est très actif actuellement et appelle directement les journaux pour leur proposer une interview ou un article, ce qui pose tout de même au moins une question : est-il normal que les employés du Louvre soient payés avec de l’argent public pour faire la campagne de Jean-Luc Martinez à son renouvellement ?

Vendredi, c’est dans la Gazette Drouot que le président-directeur du Louvre s’exprimait. Rien de plus normal d’ailleurs, vu que le journal a à plusieurs reprises mis en cause le Louvre récemment, notamment pour l’achat du Tiepolo et celui des dessins de Fragonard.
Ce qui est plus gênant néanmoins, c’est qu’une fois de plus Jean-Luc Martinez raconte n’importe quoi. Et une fois de plus, il est facile de le démontrer.

Ainsi, le président-directeur du Louvre prétend à nouveau, à propos de la salle des Bronzes Grecs et du plafond de Cy Twombly que « le projet mis en œuvre aujourd’hui a été formalisé en 2008, deux ans avant l’inauguration du plafond ». Rappelons que ce projet (voir l’article), outre une profonde altération de la salle (parquet remplaçant du marbre, murs peints en rouge, réouverture de fenêtres, changement de vitrines…) consiste à installer dans celle-ci une partie des collections étrusques en y enlevant les bronzes grecs. Nous avons vu que cela ne tenait absolument pas, le plafond, deux ans plus tard, ayant été consacré à la Grèce justement pour faire écho aux collections qui y étaient exposées. Et nous pouvons désormais le prouver, en laissant parler Cy Twombly lui-même. Car celui-ci, en 2010, répondait dans un ouvrage consacré à cette œuvre, aux questions de Marie-Laure Bernadac, alors conservatrice au Louvre en charge des commandes contemporaines. Voilà ce qu’il disait (nous avons souligné les points les plus importants) :

« Marie-Laure Bernardac : Vous dites que le point de départ de vos peintures est souvent une référence à la littérature ou à une poésie. Dans le cas de cette commande, votre source d’inspiration initiale était-elle constituée par le nom des artistes grecs que l’on trouve au Louvre ? Le nom des peintres et des sculpteurs de l’époque ont souvent été intégrés au décor peint ou sculpté du musée.

Cy Twombly : Non, c’est lorsque j’ai vu les bronzes dans la salle : ils ont naturellement déterminé le plafond. Puis j’ai trouvé l’écriture grecque particulièrement belle, les noms de tous les grands sculpteurs : Praxitèle, Phidias, Myron, Polyclète... en grec.

Marie-Laure Bernadac : Pourquoi ne pas avoir utilisé votre propre écriture comme vous le faites souvent dans vos peintures et dans vos dessins ?

Cy Twombly : […] Le principal était de produire quelque chose qui fonctionne dans cette salle. Cela n’avait rien à voir avec mes précédents travaux ou avec la manière dont je procède en général.

Comment peut-on imaginer qu’en 2008 un programme prévoyait de bouleverser à la fois la muséographie de la salle et ce qui y était exposé, et qu’en 2010 Cy Twombly y peigne un plafond qui réponde à la fois aux œuvres qui s’y trouvaient (les bronzes ont naturellement déterminé le plafond) et à son aspect (le principal était de produire quelque chose dans cette salle qui n’avait rien à voir avec ses anciens travaux) ?
Henri Loyrette, dans Le Monde il y a deux jours, ne dit rien d’autre : « Twombly a répondu à un programme précis (les bronzes grecs) et conçu son œuvre en fonction d’une architecture et d’un décor existants. […] Son œuvre est donc consubstantiellement liée à l’ensemble de la salle […]. Aussi l’intégrité de l’œuvre est-elle l’intégrité de la salle pour laquelle elle fut conçue. Changer la nature du sol, la texture et la couleur des murs en altère totalement le sens et la perception, et la défigure. » Le commanditaire et l’artiste disent donc la même chose.

Un peu plus loin, voilà ce qu’explique Jean-Luc Martinez : « Des petites réserves ont été aménagées entre deux portes avec des conditions de conservation problématiques. » Lorsque l’on sait (voir l’article) que sa décision de supprimer ces réserves, où les conditions de conservation étaient au contraire excellentes, est ce qui a occasionné de graves dégâts sur les bronzes qui s’y trouvaient, l’affirmation a une saveur particulière.

L’offensive médiatique de Jean-Luc Martinez, depuis la parution de cet article, s’est poursuivie, avec son invitation devant les caméras de BFMTV vendredi 12 mars. On y apprend cette nouvelle stupéfiante : il est en campagne. Dommage que le CSA n’ait pas pour mission de contrôler son temps de parole par rapport aux autres candidats…

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