-
- 1. Le plafond de l’Opéra de Paris par Jules-Eugène Lenepveu avant qu’il ne soit recouvert par celui de Chagall
Photo : René Jacques (CC BY 2.5) - Voir l´image dans sa page
C’est un combat pour lequel nous avons été pionnier : le 2 novembre 2003, il y a vingt ans exactement, quelques mois à peine après la naissance de La Tribune de l’Art, nous écrivions dans un article sur la restauration du foyer de l’Opéra peint par Paul Baudry :
« Progressivement, l’Opéra de Paris retrouve une seconde jeunesse. Mais ce monument ne sera définitivement restitué que lorsque l’on retirera le plafond commandé en 1964 par André Malraux à Marc Chagall.
Entendons-nous bien. Nous ne nions pas la qualité de l’œuvre de Chagall. Il n’empêche que la décision de recouvrir le plafond de Lenepveu, choisi par Garnier pour son bâtiment, était sans doute dans l’air du temps mais paraît aujourd’hui bien anachronique. Il est regrettable que lors de la construction de l’Opéra-Bastille le cahier des charges n’ait pas prévu l’intégration du plafond de Chagall dans la nouvelle salle. Pourquoi celui-ci ne serait-il pas déposé ailleurs qu’à l’Opéra ? On nous répondra que ce plafond a été peint pour ce bâtiment et que le droit moral de l’artiste doit s’appliquer. Mais pourquoi ceci serait-il vrai pour Chagall, et pas pour Lenepveu, qui a tout de même le privilège de l’antériorité.
Peu à peu, les esprits évoluent. Les amateurs de Lenepveu et de Garnier gagnent du terrain et les partisans d’un retour au plafond d’origine ne sont plus rares. Mais il faudra un ministre de la Culture courageux pour prendre une telle décision. »
-
- 2. Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898)
Les Muses et les Heures du jour et de la nuit, 1872
Esquisse du plafond de l’Opéra
Huile sur toile - 141 x 142,5 cm
Paris, Musée d’Orsay
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Un ministre de la Culture courageux, cela peut être utile, mais ce n’est peut-être pas indispensable. Car il y a, fort heureusement, les ayants droit du peintre, qui disposent du droit moral dont il faut rappeler qu’il est perpétuel. Or ceux-ci, représentés par Michel Brossard, président de l’Association des Amis de Lenepveu que nous avions rencontré il y a quatre ans sur ce sujet, ont décidé de demander officiellement à ce que le plafond peint au-dessus de celui de leur ancêtre (ill. 1 et 2) puisse être démonté. Un article du Figaro du 7 avril rappelle l’historique de l’occultation du plafond origine par Chagall, à la demande d’André Malraux. L’Opéra était pourtant entièrement classé monument historique depuis 1923, y compris donc le plafond de Lenepveu. C’était en 1964, il y aura soixante ans l’année prochaine et les ayant droits du peintre, pas davantage que ceux de l’architecte Charles Garnier, n’avaient été consultés.
Comme le rappelle cet article, le directeur général de l’architecture du ministère de la Culture avait à l’époque déclaré : « Le nouveau plafond se tient à 10 cm [du plafond de Lenepveu], maintenu par des cales, Si dans cinquante ans on veut démonter Chagall pour revenir au second Empire, on le pourra aisément. » Plus de cinquante ans ont passé, et c’est exactement ce que l’on veut. On apprend d’ailleurs qu’Henri Loyrette, l’ancien président du Louvre, est partisan de cette opération qui serait d’ailleurs beaucoup plus simple qu’on ne l’imagine : l’œuvre de Chagall (réalisée sous sa direction d’après sa maquette) est peinte sur 24 panneaux de résine.
En mai, une rencontre doit avoir lieu entre le ministère de la Culture, l’Opéra et les ayants droit. Espérons que ceux-ci ne faibliront pas et maintiendront leur demande, légitime, qui rendrait au monument son unité qu’il n’aurait jamais dû perdre. Il restera à trouver une solution pour réinstaller dans un autre lieu le plafond de Chagall. Pourquoi pas finalement- si cela est possible techniquement - dans la salle de l’Opéra Bastille, bâtiment médiocre qui ne pourrait ainsi qu’être amélioré. Ou, comme le suggère Adrien Goetz, au Palais de Tokyo ou au Musée du message biblique Marc Chagall ? Il n’y a pas de problème qui n’ait une solution. Déchagallisons l’Opéra, rendons lui Lenepveu !