L’Arc de Triomphe vandalisé

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1. L’Arc de Triomphe tagué, et déjà en cours de restauration par le CMN
Photo diffusée par Philippe Bélaval sur Twitter
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Les images ont largement circulé des dégradations subies par l’Arc de Triomphe pendant les événements du samedi 1er décembre. Les auteurs de ce vandalisme ne diffèrent guère de ceux qui se sont attaqué aux œuvres d’art en Syrie et en Irak. Il s’agissait ici de détruire pour détruire, d’éradiquer tout ce qui évoque pour eux une culture tellement contraire à leurs valeurs.
Si les images sont impressionnantes, et les dégâts réels, ceux-ci restent relativement limités par rapport à ce que l’on pouvait craindre. Philippe Bélaval, le président du Centre des Monuments Nationaux, que nous avons pu joindre, nous en a fait un compte-rendu détaillé. Les plus grosses déprédations - cela coûtera au CMN probablement plus d’un million d’euros pour la remise en état du monument - concernent les tags qui ont été appliqués sur les piles de l’arc (ill. 1) ainsi que les destructions des matériaux muséographiques (panneaux, vitrines, matériel de médiation, bornes interactives, etc.).

Il y a heureusement peu d’œuvres d’art conservées dans l’Arc de Triomphe, et les dégâts exacts sont ceux-là [1] :


2. Maquette de l’Arc de Triomphe, datant de 1938 après sa destruction par les casseurs
Photo diffusée par Philippe Bélaval sur Twitter
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 La maquette de l’Arc de Triomphe, qui datait de 1938 et était due à l’architecte Georges Chedanne, grand Prix de Rome et auteur notamment des Galeries Lafayette à Paris, a été en grande partie pulvérisée et sera en tout état de cause très difficile, voire impossible à restaurer sans la refaire très largement.


3. À l’arrière-plan, moulage de la tête de la Marseillaise de Rude, en partie détruite
Au premier plan : vitrines brisées
Photo diffusée par Philippe Bélaval sur Twitter
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 Un plâtre, surmoulage datant de 1899 pour le Musée des Monuments Français par le mouleur Pouzadoux, a été très gravement vandalisé comme on a pu le voir aussi un peu partout ; à ceux qui expliquent que ce n’est pas grave car il ne s’agit que d’un moulage, nous répondrons d’abord qu’un moulage de cette époque conserve la mémoire d’un état qui n’existe plus vraiment, les sculptures de l’Arc de Triomphe, comme beaucoup de sculptures parisiennes, ayant été soumises à la pollution et aux intempéries qui érodent leur surface inexorablement. Nous leur répondrons ensuite qu’un moulage pour le Musée des Monuments Français est également une œuvre d’art, certes pas originale, mais qui traduit, bien mieux qu’une photographie, ce qu’est réellement l’œuvre qu’elle reproduit ; un moulage a une vertu pédagogique tout autant qu’artistique. Nous leur répondrons surtout que les sauvages qui ont détruit ce moulage ne savaient pas que c’était un moulage et n’en avaient d’ailleurs rien à faire (ils ne doivent même pas comprendre de quoi l’on parle). Ils auraient fait exactement la même chose s’il s’était agi d’un original de François Rude, l’un des plus importants sculpteurs français.


4. La tête du buste de Napoléon, d’après Antoine Chaudet
Photo diffusée par Philippe Bélaval sur Twitter
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 Un buste en marbre de Napoléon, une copie de la première moitié du XIXe siècle d’une sculpture d’Antoine Chaudet conservée au Louvre, a été jetée par terre et le cou s’est brisé. Fort heureusement, la restauration devait être beaucoup plus facile que pour les deux œuvres précédentes. Là encore, que ce soit un original de Chaudet ou une copie (nous ne savons pas son origine, peut-être est-elle d’atelier) les vandales n’en avaient rien à faire.


5. Buste en marbre de Louis-Philippe (école Française du XIXe siècle), tagué
Photo diffusée par Philippe Bélaval sur Twitter
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 Un buste de Louis-Philippe, de l’école française du XIXe (il semble anonyme), a été tagué sur les yeux ; la restauration sera sans doute possible, mais l’œuvre y perdra forcément un peu de son intégrité.


6. L’Apothéose de Victor Hugo par Guillaume Dubufe
après être passée dans les mains des barbares
Photo : D. R.
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 Enfin, les casseurs se sont acharnés sur un tableau de Guillaume Dubufe représentant L’Apothéose de Victor Hugo. On y voit le catafalque de l’écrivain porté sous l’arche, avant d’entrer le lendemain au Panthéon. Fort heureusement, l’œuvre était protégée par une vitre blindée qui a résisté autant que faire se peut aux coups des enragés, et n’a finalement pas trop souffert. Quel beau symbole que Victor Hugo, qui a écrit « Guerre aux démolisseurs », ait ainsi résisté aux nouveaux barbares !

Qu’on ne se trompe pas néanmoins : ce qui s’est passé à l’Arc de Triomphe est très grave. Espérons que pour la prochaine journée de manifestations qui s’annonce, et qui risque hélas d’être au moins aussi violente, le gouvernement prendra les mesures qui s’imposent pour protéger les musées et les monuments parisiens. On n’ose imaginer ce qui se serait passé si ces iconoclastes décérébrés s’étaient attaqués au Petit Palais ou au Louvre…

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