Le Grand Atelier du Midi

De Cézanne à Matisse, Aix-en-Provence, Musée Granet.
De Van Gogh à Bonnard, Marseille, Musée des Beaux-Arts.
Du 13 juin au 13 octobre 2013.

1. Henri-Jacques Espérandieu (1829-1874)
Palais Longchamp, Marseille
Après restauration.
Le Musée des Beaux-Arts se trouve dans l’aile à gauche
Photo : Didier Rykner
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Bonne nouvelle : le Musée des Beaux-Arts de Marseille devrait rouvrir à la fin du premier trimestre 2014. Mauvaise nouvelle : le Musée Granet d’Aix-en-Provence est toujours fermé. Ou plutôt conservé dans un garde-meuble, pour l’essentiel de sa collection de peintures anciennes.

Les deux établissements se sont associés pour une « grande exposition internationale » organisée à l’occasion de Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture. Les collections permanentes du Musée des Beaux-Arts de Marseille devront donc attendre encore un peu (elles patientent déjà depuis des années) mais au moins le Palais Longchamp a été bien restauré [1] (ill. 1), ses façades nettoyées, ses volumes occupés par des mezzanines ont été restitués, la verrière du premier étage rénovée et libérée du faux plafond qui la cachait, quelques espaces gagnés sur des bureaux. Une démarche vertueuse donc, si elle débouche comme prévu sur sa réouverture. L’inverse du Musée Granet qui cache plus que jamais ses richesses : après les peintures anciennes, c’est au tour de la collection Philippe Meyer (un dépôt de l’État !), qui comprend d’ailleurs aussi des tableaux anciens de connaître les réserves pendant au moins toute la durée de l’exposition. Bel hommage rendu au donateur et à sa famille...


2. Claude Monet (1840-1926)
Antibes, 1888
Huile sur toile - 65 x 92 cm
Londres, The Courtauld Institute
Photo : The Samuel Courtauld Trust
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La visite de l’exposition incite à s’interroger : tout ça pour ça ? Sans doute voit-on de beaux tableaux (ill. 2), c’est le moins lorsque l’on accroche les plus grands noms de la peinture « moderne ». Mais ce type d’exposition n’est souvent qu’un prétexte. Le fond du discours est à peu près nul. Les modernes ont aimé le Midi. Original. Ils y ont même peint. Révolutionnaire... On apprend aussi dès les premières salles que Cézanne (on ne pouvait pas commencer sans Cézanne, l’alpha et l’oméga d’Aix-en-Provence) a influencé nombre de ses confrères. On en reste tout étonné. Au moins ce début d’exposition a-t-il une certaine cohérence, celle-ci se délitant bien vite. On voit donc des sections riches de beaux tableaux peints dans le Midi. Un Midi qui s’étend jusqu’à l’Algérie, via la Catalogne, ce qui permet de rajouter d’autres grands noms comme Dali qui feront venir les foules même si l’on ne comprend rien à la logique qui les réunit ici (la section s’intitule : L’Atelier catalan à l’épreuve de la guerre).


3. Nicolas de Staël (1914-1955)
Les Mâts, 1955
Huile sur toile - 195 x 130 cm
Collection particulière
© Adagp, Paris 2013
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4. Francis Picabia (1879-1953)
St Tropez, effet de soleil, 1909
Huile sur toile - 81,5 x 100,5 cm
Collection particulière
© Courtesy Galerie Artverea’s Genève
© Adagp, Paris 2013
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Dans une salle (Entre abstraction et figuration, on voit des tableaux sans rapport aucun avec le « soleil du midi » mais qui ont été exécutés dans le sud. Ils auraient pu être peints tout à fait ailleurs ? Ils ont été peints dans le sud, vous dit-on ! Cette raison seule, fort mince on en conviendra, suffit à justifier leur présence. Dans la salle suivante intitulée « L’abstraction des années 50 » on expose... trois tableaux figuratifs sur quatre [2]. Bref, tout cela est plus qu’approximatif, mais qu’importe...
Quitte à voir de beaux tableaux, on pourra préférer la partie marseillaise. Celle-ci n’a pas davantage de sens et certaines œuvres présentées ici auraient pu l’être tout autant à Granet (ou vice-versa), mais dans l’ensemble les tableaux (ill. 4) sont tout de même davantage en rapport avec le sujet (ce sont à peu près tous des paysages du sud), l’accrochage est mieux réussi dans une belle muséographie et, surtout, on ne se dit pas en permanence comme à Aix que, derrière les cimaises, sont enchâssés des tableaux anciens que le conservateur n’a pas pu envoyer dans un garde-meuble en raison de leur taille.

Cet Atelier du Midi attirera les foules, n’en doutons pas [3]. Cézanne, Matisse, Van Gogh, Bonnard, ce n’est plus un titre, c’est du « name dropping ». Les gens seront enchantés de voir des œuvres importantes d’artistes dont ils connaissent le nom, même si le discours qui les accompagne est d’une pauvreté navrante. Au moins cette exposition permettra-t-elle à Marseille de retrouver un beau Musée des Beaux-Arts, la muséographie très réussie devant être conservée pour sa vraie réouverture [4]. Quant à Aix-en-Provence...

Commissaires : Marie-Paule Viale (Marseille) et Bruno Ely (Aix-en-Provence).

Sous la direction de Bruno Ely et Marie-Paule Vial, Le Grand Atelier du Midi, Réunion des musées nationaux, 2013, 303 p., 39 €. ISBN : 9782711860333.


Informations pratiques : Musée des Beaux-Arts, Palais Longchamp, 13004 Marseille. Tél : + 33 (0)4 91 14 59 18. Ouvert tous les jours de 9 h à 19 h, le jeudi de 12 h à 23 h. Tarifs : 11 € (réduit : 9 €).

Musée Granet, Place Saint-Jean-de-Malte, 13100 Aix-en-Provence. Tél : + 33 (0)4 42 52 88 32. Ouvert tous les jours de 9 h à 19 h, le jeudi de 12 h à 23 h. Tarifs : 11 € (réduit : 9 €).

Tarif groupé pour les deux expositions : 19 € (réduit : 16 €).

Didier Rykner

Notes

[1L’Architecte en chef des monuments historiques est François Botton.

[2Merci à Philippe Dagen de nous avoir soufflé ce point qui nous avait échappé. Les trois tableaux sont de Nicolas de Staël (Agrigente et Les Mâts (ill. 3), et de Jean Dubuffet (Vie infuse (texturologie).

[3Quoi que le prix, pour les deux expositions, soit vraiment dissuasif.

[4Signalons tout de même, dans le dossier de presse, une phrase inquiétante : « Le site a été entièrement rénové jusque dans ses jardins pour offrir un nouvel écrin au Musée des Beaux-Arts et accueillir les plus grandes expositions d’envergure internationale. » Cela ne correspond pas tout à fait à ce qui nous a été dit sur la réouverture du musée qui ne doit pas devenir - comme Aix-en-Provence, un centre d’exposition. Il faudra rester vigilant car cela est ambigu.

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