La salle de l’Opéra Garnier dénaturée

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Charles Garnier
Salle de l’Opéra de Paris (avec les cloisons des loges)
Photo : Andreas Praefcke/Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0)
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C’est Guy Boyer, dans Connaissance des Arts, qui a révélé le scandale. L’Opéra de Paris a entamé des travaux pour supprimer les cloisons des loges des deuxième et troisième niveaux (ill. 1), qui seront remplacées par des cloisons amovibles, enlevées pendant les spectacles afin d’ajouter davantage de spectateurs.

Hugues Gall, dans une interview qu’il nous a accordée, nous dit pourquoi ce projet est scandaleux. Les explications de l’Opéra de Paris ne sont en aucune manière satisfaisante (voir cet article de Forum Opéra). En admettant même que les parois puissent être systématiquement remises en place après chaque représentation, la dénaturation de la salle pendant celle-ci est un fait acquis.
Ce qui est grave, une fois de plus, dans cette affaire, c’est qu’elle se passe sous les yeux indifférents, voire complices, du ministère de la Culture. L’architecte en chef des monuments historiques de l’Opéra n’est, rappelons-le, que maître d’œuvre, pas décideur. Il se serait inquiété de ces modifications, mais selon l’Opéra de Paris, il aurait tout de même réalisé l’étude préalable.
France-Musique a interrogé le conservateur régional des monuments historiques Dominique Cerclet : « l’Opéra de Paris est allé un peu plus vite que prévu, ils ont pris de l’avance mais je ne peux nier qu’il existait un accord de principe. » a-t-il répondu. Si cet accord de principe est en lui même condamnable, il reste que ce n’est pas un accord formel, ni formalisé. Le début des travaux pourrait donc être considéré comme illégal [1]

Qu’attend donc Fleur Pellerin pour les interrompre immédiatement, d’autant que le tollé est général et s’internationalise ? Évidemment, son silence est assourdissant, mais qu’attendre de ce ministre qui ne comprend même pas les lois qu’elle fait voter (voir l’article), et dont l’intérêt pour le patrimoine est de manière évidente totalement nul ?
Une fois de plus, ce sont les simples citoyens qui montent au créneau. On signalera notamment la pétition lancée par Sylvain Fort, le directeur de l’excellent journal en ligne Forum Opéra. Nous engageons tous nos lecteurs à la signer. On lira également avec profit l’article que nous évoquions plus haut et qui analyse, de manière précise, le caractère ubuesque de la situation.


2. Jules Lenepveu
Plafond de l’Opéra de Paris
Caché par l’actuel plafond de Chagall
Photo : Louis-Émile Durandelle (1839-1917)
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Il reste que le vandalisme sur l’œuvre de Charles Garnier n’est pas une chose nouvelle. Il faudra bien un jour poser aussi la question du plafond de Jules Lenepveu (ill. 2), caché mais non détruit par celui de Chagall. Quelles que soient les qualités de ce dernier, son installation a profondément dénaturé l’aspect voulu par l’architecte, et a ruiné en partie l’unité de la salle. Hugues Gall lui-même, au détour de l’interview, le regrette, et contrairement à ce qu’il pense, il est très loin d’être le seul. Il n’est pas blasphématoire de poser la question d’une dépose du nouveau plafond et de son installation à un autre endroit, qui rendrait un jour l’Opéra à sa splendeur et à son aspect d’origine.

Didier Rykner

Footnotes

[1Addendum (9/11/15) : nous avons interrogé aujourd’hui la DRAC qui a répondu rapidement, mais après la parution de cet article. Elle a confirmé qu’elle avait seulement autorisé l’étude du dispositif, et précisé que l’Opéra a bien déposé une demande pour autorisation de travaux mais qu’elle avait demandé des éléments complémentaires et des assurances mi-juillet. L’Opéra a répondu que tout serait fait selon ces préconisations. La DRAC pense que l’Opéra a pu ainsi penser que cela valait autorisation de travaux, ce qui n’est pas le cas. Nul n’est censé ignorer la loi, et sûrement pas un établissement public. Ces travaux ont bien été réalisés dans un cadre illégal.

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