- 1. La cathédrale d’Amiens, vu du chevet
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Le ministère de la Culture a organisé aujourd’hui un déplacement de Rima Abdul Malak à Amiens et dans le proche village de Conty afin de parler de patrimoine. Il s’agissait à la fois de présenter les actions menées sur les cathédrales depuis l’incendie de Notre-Dame de Paris il y a presque quatre ans, et de se rendre sur le chantier de restauration de l’église de Conty. Qu’une ministre de la Culture fasse un déplacement pour montrer son intérêt pour le patrimoine est toujours une bonne chose, et lorsque cela arrive on ne peut que le souligner.
Nous reparlerons du « plan d’action "sécurité cathédrales" » dans d’autres articles et nous y reviendrons aussi dans un prochain livre. Nous ne nous intéresserons ici qu’à ce déplacement auquel nous avons pu assister, en parlant d’abord de la cathédrale d’Amiens (ill. 1). L’église de Conty fera l’objet d’un autre article.
Nous étions jusqu’à ce matin sceptique sur l’efficacité de ce plan, trop habitué à des annonces qui ne sont pas suivies d’effet. Pour la cathédrale d’Amiens, incontestablement, il faut reconnaître les efforts très importants et espérons-le très efficace pour doter cet édifice d’une protection optimum contre les incendies. Cela passe par plusieurs mesures que nous allons essayer de résumer, certainement sans être exhaustif, en rappelant ce qui avait dysfonctionné à Notre-Dame de Paris.
– absence d’électricité dans la charpente
Ce point est essentiel. Il est très possible que l’incendie de Notre-Dame ait été causé par une installation électrique défectueuse, même si cela a pu se combiner avec d’autres facteurs, peut-être liés au chantier.
– alarme incendie
Il est essentiel de détecter rapidement un début de feu pour intervenir le plus tôt possible. Nous ne connaissons pas le système mis en place à Amiens (ce point n’a pas été abordé). Notons toutefois que la ministre a déclaré (dans La Croix) qu’elle s’engage d’ici la fin du quinquennat à installer des caméras thermiques dans toutes les cathédrales.
– surveillance du monument
On peut s’interroger sur la déclaration de la ministre au journal La Croix qui indiquait : « Une surveillance 24h/24 existait à Notre-Dame avant l’incendie et sera de nouveau mise en place. Cela n’a pas empêché le drame hélas […] » Si cela n’a pas empêché le drame, c’est parce que ce système en réalité n’existait plus : seule une personne était là alors qu’il devait y en avoir deux, elle était nouvelle à ce poste et n’était pas formée et n’a pas su détecter l’endroit où était l’incendie, sans compter qu’elle commençait une seconde journée de travail faute de remplacement !
Nous avons interrogé les pompiers qui étaient sur place lors de la visite, et ils nous ont indiqué que dans le cas d’Amiens l’alarme sonnait directement chez eux, qu’il n’y avait pas de levée de doute et qu’ils intervenaient systématiquement. Il nous semble que ce système est le bon, car il n’y a ainsi pas de questionnement au sein de du personnel de la cathédrale, sur la question d’appeler ou non les pompiers. Si ceux-ci arrivent rapidement, mieux vaut une fausse alarme qu’une erreur de diagnostic.
– présence de bras élévateurs de hauteur suffisante
On se rappelle qu’à Paris n’existait pas de bras élévateurs assez haut pour atteindre le toit ; il avait fallu les faire venir de Versailles, ce qui avait occasionné des délais aux conséquences tragiques. Un bras élévateur de 42 mètres a bien été commandé à Amiens, mais il n’arrivera qu’à la fin de l’année. Espérons qu’on n’en aura pas besoin avant. L’achat de bras élévateurs est nécessaire dans toutes les villes où se trouvent des monuments historiques de grande hauteur.
- 2. Colonne sèche sur la tour nord
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– présence de colonnes sèches fonctionnelles.
Les colonnes sèches sont comme des gouttières, mais inversées (ill. 2) : on branche des tuyaux incendie à l’extrémité, en bas, et cela arrive directement en haut, où il n’y a plus qu’à connecter les lances. À Amiens, il y a désormais quatre colonnes sèches neuves qui peuvent alimenter en eau les deux côtés du transept et les deux tours du côté de la façade [1] . Des colonnes rampantes (c’est-à-dire horizontales - ill. 3), qui partent de ces colonnes sèches permettent de couvrir toute la cathédrale. Une remarque néanmoins : ces colonnes qui semblent en aluminium devraient si cela est possible être peintes, avec une couleur discrète pour les fondre davantage avec la pierre, car elles sont un peu trop visibles.
- 3. Colonne rampante
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Une démonstration de l’efficacité de ces colonnes sèches a été faite (ill. 4). Remarquons que là encore celles de Notre-Dame étaient défectueuses, trop étroites et, si l’on en croit le film de Jean-Jacques Annaud (particulièrement bien renseigné - voir l’article), trouées de partout, en tout cas défectueuses et impossible à utiliser.
- 4. Exercice d’incendie utilisant la colonne sèche de la tour nord
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– cloisonnement de la charpente (ill. 5)
- 5. Charpente de la nef de la cathédrale d’Amiens datant de la fin du XIIIe siècle
(on ne voit en réalité que la moitié,
avec au fond le cloisonnement)
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Si cette mesure est certainement indispensable car la propagation rapide de l’incendie à Notre-Dame était en grande partie due à l’immensité de l’espace de la charpente, elle est malheureusement dommageable pour le monument : en effet, elle ruine en partie la perspective des combles [2]. Même si le tout est fait de manière démontable et pourra être enlevé si nécessaire, il est peu probable que cela le soit un jour. Remarquons que la même chose est depuis plusieurs années mise en place dans la charpente du château de Versailles. À Amiens, la charpente au-dessus de la nef a été coupée en deux (ill. 6), et une cloison est également venue protéger le massif occidental du côté de la façade (ill. 7) pour éviter que les tours soient touchées par un éventuel incendie dans les combles de la nef (on se rappelle qu’à Notre-Dame, les tours furent longtemps menacées et auraient pu en s’écroulant entrainer tout l’édifice).
- 6. Cloisonnement de la charpente de la nef
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- 7. Cloisonnement entre la charpente de la nef et le massif occidental
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– élaboration d’un plan de sauvetage des biens culturels
Les églises, et notamment la cathédrale d’Amiens, contiennent souvent un grand nombre d’œuvres d’art. Il est indispensable qu’un document permette aux pompiers de savoir quelles œuvres doivent être protégées et si possible évacuées en priorité. Ce type de document est encore aujourd’hui manquant dans beaucoup de monuments historiques et de musées.
Incontestablement, la somme de ces mesures rend moins probable un drame comparable à celui de Notre-Dame de Paris. Il faut espérer que des chantiers comme celui-ci pourront être menés sur toutes les cathédrale. Selon la ministre, seules trois d’entre elles sont encore aujourd’hui insuffisamment protégées mais le seraient d’ici la fin de l’année (Rennes, Bayonne et Aire-sur-l’Adour).
Rappelons néanmoins que si les cathédrales dépendent de l’État, un très grand nombre d’édifices religieux, qu’il s’agisse d’anciennes cathédrales, de basiliques, collégiales ou tout simplement d’églises paroissiales, ont des dimensions comparables, voire supérieures à certaines de ces cathédrales, et ne sont pas moins précieuses. Citons - de manière non exhaustive - la basilique Saint-Michel de Bordeaux, la collégiale de Mantes, l’ancienne cathédrale Auxerre, la basilique Saint-Nicolas-de-Port, l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen, les églises Saint-Eustache ou Saint-Sulpice de Paris ou encore l’église Notre-Dame de Dijon.
Quant aux églises plus petites, elles doivent elles aussi être protégées des incendies, au moins par l’installation de détecteurs qui sont obligatoires dans le moindre appartement mais ne le sont pas dans les monuments historiques. Cette question de la règlementation (y compris sur les chantiers de restauration - voir notamment cet article) devra un jour évoluer.