Du choix des sujets

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Il arrive parfois que des informations qui semblent relever de notre champ et que l’on trouve dans certains journaux ne soient pas traitées, en tout cas pas immédiatement, par La Tribune de l’Art, et souvent des lecteurs nous demandent pourquoi nous n’en avons pas encore parlé. Une interrogation bien légitime pour laquelle nous devons une réponse à nos abonnés.
Mettons de côté l’impossibilité de parler de tout. Nous recevons chaque jour plusieurs témoignages d’atteintes actuelles ou potentielles au patrimoine, et malheureusement, il nous est impossible de tout traiter pour des raisons évidentes de temps et de moyens. Nous devons faire des choix et ceux-ci sont parfois cornéliens. Mais nous voulons parler ici d’informations largement diffusées, ou qui paraissent suffisamment singulières et en lien avec nos préoccupations pour y trouver leur place. Nous prendrons ici deux exemples récents.

Le premier est l’incendie qui a eu lieu le 1er janvier à l’hôtel de la Marine. Nous avons toujours traité de manière approfondie cette question des sinistres touchant les monuments historiques, et il est hélas à prévoir que cela nous occupera longtemps. Mais dans ce cas précis, que nous avons appris alors que le feu avait été depuis circonscrit par les pompiers, et pour lequel selon toutes les informations à notre disposition aucun dégât patrimonial n’était à déplorer (à l’exception d’un peu de toiture qui pourra être restaurée sans difficulté), quelle aurait été notre plus-value ? Nous ne voyons pas notre métier comme la reprise de ce que d’autres ont écrit. Si nous avions connu le feu dès son départ, nous nous serions rendus sur place pour rendre compte des dégâts. Ce n’était pas le cas. Si nous avions eu des informations que les autres n’avaient pas, nous en aurions parlé. Ce n’était pas le cas. Sans doute reviendrons-nous plus tard sur cet incendie et ses causes dans un article plus approfondi sur un sujet plus large. En attendant, il est facile de se renseigner grâce à Google Actualité en ayant conscience que nous n’apporterions rien de plus aux articles publiés par nos confrères.


1. Jérôme-Martin Langlois (1779-1838)
Diane et Endymion, vers 1822
Huile sur toile - 318 x 211 cm
États-Unis, collection particulière
Photo : Wikipédia/Domaine public
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Le second exemple est illustré par un article publié avant-hier dans Le Figaro, sur une grande peinture de Jérôme-Martin Langlois (ill. 1) appartenant à Madonna, dont on se pose la question de savoir si elle ne pourrait pas être un tableau du Louvre, déposé à Amiens en 1855 et disparu, dont on pense qu’il a peut-être plutôt été détruit dans un bombardement pendant la Première Guerre mondiale. La toile avait été présentée par la Galerie Bailly à la fin de l’année 1988 (un catalogue était paru à cette occasion), puis vendue par elle via Sotheby’s New York en 1989 et acquise à cette vente par la chanteuse. Il s’agit donc d’une très vieille histoire, parfaitement connue et depuis longtemps, pour laquelle il n’y a aucun élément nouveau récent.
Contrairement à ce qu’on peut lire dans l’article d’ailleurs, lors de cette vente par Charles Bailly, et ensuite chez Sotheby’s, la toile était parfaitement identifiée comme peinte par Langlois, et mise en relation avec l’œuvre disparue d’Amiens. Son appartenance à Madonna était par ailleurs connue bien avant 2015, et si une plainte a été déposée, à l’époque, par Olivia Voisin qui était alors conservatrice au Musée de Picardie, ce n’est aucunement parce qu’on aurait découvert le tableau sur une photo publiée par Paris Match. Simplement, cette photo est venue enrichir le dossier des œuvres disparues pendant la Première Guerre mondiale, qu’elle montait à l’époque afin de déposer une plainte, au cas où l’un de ces tableaux réapparaîtrait (on sait en effet que certaines œuvres réputées détruites pendant les guerres ne le sont pas).


2. Étienne Achille Réveil (1800-1876)
d’après Jérôme-Martin Langlois (1779-1838)
Diane et Endymion
Estampe parue dans Charles-Paul Landon, Annales du Musée et de l’École moderne des beaux-arts, Salon de 1822, t.2
Paris, Bibliothèque nationale de France
Photo : BnF
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3. Henri-Charles Muller (1784-1846)
d’après Jérôme-Martin Langlois (1779-1838)
Diane et Endymion
Estampe
Paris, Bibliothèque nationale de France
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Soulignons aussi que les recherches à la documentation des peintures du Louvre, que nous avons menées pour écrire cet article sur un sujet dont nous ne parlerons pas (!), laissent penser que si l’on ne peut exclure formellement l’identification du tableau de Madonna avec celui d’Amiens, les indices ne penchent pas vraiment en faveur de cette hypothèse : dans le catalogue de l’exposition Bailly [1], il est indiqué que le tableau est sur sa toile d’origine, ce qui exclut un rentoilage ; on aurait donc dû y voir les inscriptions que portait le tableau disparu. Si les dimensions sont presque les mêmes, seulement un peu plus réduites - il est donc possible qu’elle ait été coupée et que la signature qu’elle portait ait disparu - les deux gravures anciennes qu’on en connaît (ill. 2 et 3) montrent toutes deux, en haut à droite, la présence d’un arbre. Même s’il est toujours possible qu’une gravure d’interprétation apporte des modifications, il semble difficile que deux estampes aussi différentes (l’une au trait et l’autre beaucoup plus picturale) aient modifié la composition de manière identique.
S’il s’agissait de parler d’œuvres conservées aux États-Unis, appartenant aux collections publiques françaises et à ce titre imprescriptibles et inaliénables, il y en a d’indiscutables, comme le tableau que nous avions déjà évoqué dans cet article, un Jean Restout qui avait été déposé par le Louvre à l’église de Cancale…

Nous inclurons désormais dans la lettre d’information, quand cela sera nécessaire, une liste de sujets dont nous ne parlerons pas, en tout cas pas immédiatement, en renvoyant vers ceux de nos confrères. C’est l’occasion de rappeler à ceux qui ne le savent pas, qu’ils peuvent s’inscrire pour recevoir tous les jeudis soir cette lettre d’information gratuite, dont le principal objet est de récapituler les articles parus au cours des sept jours précédant son envoi.

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