Droit de réponse : Les 500 ans de Chambord, une utopie à l’œuvre

Il s’agit ici d’un droit de réponse apporté par Jean d’Haussonville, directeur général du Domaine national de Chambord, à notre article sur les toits de Chambord.
Nous lui avons répondu à notre tour ici

Château de Chambord
état projeté des toitures
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Nous avons pris connaissance avec attention de l’article que vous avez publié le vendredi 7 décembre : « Chambord, 4 millions pour refaire, mal, des toits en bon état ». Cette présentation pour le moins partiale comporte nombre d’inexactitudes, nous vous prions donc de publier le droit de réponse suivant sur la base de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 et de l’article 6,IV de la loi numéro 2004-575 du 21 juin 2004.

Chambord célèbre ses 500 ans en 2019 et s’apprête à terminer un chantier de plusieurs années de restauration des parties hautes du donjon. Le programme des 500 ans vise à rendre à Chambord son enchantement poétique et à proposer des clefs d’interprétation au public le plus large. Le signe le plus visible, celui du reste qui retient votre attention, en est le rétablissement des ornements de plomb et des dorures qui garnissaient les lanternons du château. Il ne s’agit donc pas de la restauration des toits, contrairement à ce que laisse entendre le titre approximatif et trompeur de votre article.`

1- La preuve historique des ornements de plombs et des dorures est rapportée. Vous ne la contestez pas d’ailleurs, mais vous ne vous donnez pas la peine d’approfondir le dossier. Ces ornements de plomb ont existé pendant quatre siècles à Chambord en différents états. Celui qui sera restauré, du XIXème siècle, est le dernier état connu, conformément à l’éthique des restitutions, il est très proche des représentations iconographiques que nous possédons des époques antérieures. La dorure permet un retour au Chambord premier, celui de François Ier. Les ornements de plomb et leur dorure étaient le signe magnifique du logis royal. Ils sont l’expression du caractère idéal et utopique de Chambord et de l’esthétique des romans de chevalerie qu’affectionnait le commanditaire. Pourquoi ne pas offrir cette vision vraie de Chambord au public le plus large et pourquoi lui refuser la beauté ?

2- Le projet n’est pas imposé par le Président de la République, il est né dans les équipes du Domaine national de Chambord et proposé par mes soins, ce que j’assume entièrement. Ce projet a fait l’objet de concertations préalables, avec le ministère de la Culture qui en était d’accord pour l’essentiel, sur la base d’un dossier de 60 pages préparé par un Architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve, qui a également la charge de la cathédrale Notre-Dame de Paris. La commission nationale du patrimoine et de l’architecture qui, d’après vous, en aurait éclaté de rire - son sens comique ne m’a pas frappé - émet un avis consultatif que le ministre n’est pas tenu de suivre. Ce ne sera ni la première, ni la dernière fois, le Ministre conserve son pouvoir décisionnaire. En l’espèce, la commission a indiqué préférer l’état actuel des lanternons qui procède d’un choix de restauration des années 1950. Rappelons que, pour la restauration des jardins à la française de Chambord, tous les membres de la société civile avaient voté contre ou s’étaient abstenus malgré la rigueur reconnue du projet. On ne peut pas dire pour autant aujourd’hui que la restauration des jardins de Chambord ait porté tort à notre patrimoine national. On peut en revanche regretter, pour le fonctionnement de la commission, que les opposants au projet aient rendu impossible un débat de fond sur la question clef de l’interprétation de Chambord. C’est une déception pour tous. Qu’à la faveur de l’arrivée du nouveau ministre de la culture, Franck Riester, et des 500 ans de Chambord, le Président de la République ait accepté d’examiner le dossier est tout à fait normal : la loi place le Domaine national de Chambord sous la haute protection du Président de la République comme l’Hôtel national des Invalides. En 1989, François Mitterrand avait décidé de faire dorer le dôme des Invalides à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française. Le temps lui a donné raison. Ainsi, plutôt que de maugréer avec le président de la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France, piqué au vif de ce que son avis n’a pas été suivi, on devrait se féliciter d’avoir un Chef de l’État qui s’intéresse au patrimoine. Aux éternels grincheux, je préfère, personnellement, ceux qui sauvent le château de Villers-Cotterêts d’une ruine annoncée.

3- Votre critique budgétaire est tout aussi tronquée, elle relève de l’injonction paradoxale. Ce chantier se fera sans un euro de crédits publics supplémentaires, il sera entièrement financé dans l’enveloppe régulière des subventions de travaux des monuments historiques. La majeure partie du coût des quatre millions d’euros porte sur le remplacement des structures des lanternons dont l’ancienneté moyenne est de 60 ans et la durée de vie anticipée de 75 ans. Certes, nous anticipons le chantier de 15 ans mais nous le faisons au moment où nous achevons la restauration des parties hautes du donjon et nous travaillons pour les générations à venir. Le reste du budget consiste à rétablir les ornements disparus (tant mieux pour nos artisans d’art) et pour un quart à apposer les dorures. Chambord est déjà, avec le Musée Rodin, l’établissement public culturel qui est parvenu au taux le plus élevé d’autofinancement de son fonctionnement (90 %, tous salaires inclus), accordez-nous au moins cette vertu ! Et s’il y a un calcul budgétaire à faire, ce serait bien davantage d’anticiper la hausse de recettes liée à la fréquentation que ne manquera pas de susciter un Chambord sublimé : la visite en vaudra encore plus la peine. Le patrimoine est une fierté pour les Français, il est aussi un merveilleux vecteur d’emplois et d’investissements. Alors réjouissons-nous que l’État investisse en plein territoire rural ! Réjouissons-nous du soin qu’il prend d’un chantier qui fera rayonner la beauté de la Loire et de la France !

Jean d’Haussonville
Directeur général du Domaine national de Chambord

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